2x12 - Danse du feu (16/18) - Amours
Iz, Sam, et Sing Sing sont allongés sur l'une des quelques couvertures étalées sur la pelouse et qui délimitent l'espace qui leur a servi pour le pique-nique. L'inspecteur et son fidèle animal, sous sa main à sa droite, ont les yeux clos, éreintés après avoir passé une bonne partie de la journée à courir à travers le parc pour faire la démonstration aux touristes des prouesses dont un officier canin est capable – comme l'avait prédit Patrick. La compagne du maître-chien est à sa gauche, à contempler le ciel. Le traditionnel feu d'artifice ne commencera que lorsqu'il fera plus sombre, et étant donné la longueur des jours d'Été, ils ont encore plusieurs heures avant le coup d'envoi. Les quelques nuages sont cependant déjà un spectacle agréable.
Malgré le confort et la tranquillité qu'elle ressent, la jeune femme finit tout de même par se redresser sur un coude pour pouvoir capter le regard de son homme. L'ayant sentie bouger et ayant deviné sa nouvelle posture, il ouvre une paupière, puis l'autre, et lui sourit. Sans rien dire, il soulève distraitement la main gauche pour effleurer le bout de ses boucles brunes, doucement joueur. Il ne s'attend pas spécialement à ce qu'elle brise le silence. Il ne pense pas qu'elle le sache, mais il s'est bien rendu compte qu'elle le regarde parfois dormir. Ne serait-ce que parce qu'elle prend souvent un malin plaisir à le réveiller…
— Merci pour aujourd'hui, elle lui annonce après avoir pris le temps d'apprécier son petit geste tendre.
Haussant les sourcils, il ne cache pas son incompréhension à une telle gratitude :
— Qu'est-ce que j'ai fait ?
— J'ai été puérile, ce matin, et je passe une bonne journée, Iz justifie son sentiment, la raison pour laquelle elle tient à s'excuser, même seulement indirectement.
— Comment est-ce qu'on célèbre l'indépendance, dans le New Hampshire ? il choisit de l'interroger sur son État d'origine, au lui lieu de lui mettre le nez dans sa faute qui n'en est pas une.
Même si elle a paniqué à cette idée, il trouve que c'est adorable qu'elle se soit projetée dans l'avenir avec lui. Il n'a pas trop cette façon de penser. D'aussi loin qu'il se souvienne, il n'a jamais vraiment planifié sa vie. Il laisse la plupart du temps les choses venir, le destin le surprendre ; il est meilleur à la réaction qu'à l'action, tout simplement. Sans être irréfléchi, il est tout de même plutôt impulsif. C'est un trait de caractère qui a ses avantages et ses inconvénients.
— Eh bien, comme si on l'avait inventée. C'est beaucoup de reconstitutions de grands moments historiques d'émancipation, elle explique.
Elle n'entre pas dans les détails de l'imagerie que ce type d'événements peut évoquer, mais son haussement d'un sourcils et hochement de tête en disent long. Ça peut aller da la décapitation de monarques à la destruction de murs, en passant par le lancer de caisses à la mer et la protestation pacifique. Ayant grandi dans cette région, elle a joué un rôle dans l'une ou l'autre des représentations chacune de ses années scolaires. Ça fait partie du folklore local.
— Intéressant… Peut-être que l'année prochaine on pourrait y aller, il propose, sa curiosité piquée par l'idée.
— L'année prochaine, huh ? elle relève, avec une moue impressionnée.
— Quoi ? Ma vie n'est pas toujours aussi chaotique qu'elle l'a été ces derniers mois. Je peux être organisé, parfois, il objecte à sa surprise.
— Et tu veux t'organiser pour rencontrer ma mère ? elle précise ce qui l'étonne le plus dans le plan qu'il vient de soumettre.
— Si elle mord, je sais quoi faire, il répond en feignant le sérieux.
En vérité, tout débutant qu'il soit sur le terrain de l'appariement, il n'est nullement intimidé par l'idée de rencontrer les parents de sa moitié. Sa propre famille a adoré Iz, et même s'ils ont fait toute une affaire d'état qu'il leur ramène enfin quelqu'un, dans le fond, ça n'a été qu'une formalité, pour lui, la chose la plus naturelle du monde. Il ne voit pas de raison pour que la réciproque se déroule différemment. Pourquoi est-ce que la personne qui a donné naissance à et élevé une femme telle qu'Iz serait difficile à aborder ?
Cette dernière pouffe et secoue la tête à son humour, puis se rapproche de lui pour l'embrasser. C'est le seul moyen qu'elle a trouvé pour avoir le moins l'impression de ne jamais avoir le dernier mot avec lui. La répartie de l'inspecteur est pratiquement à toute épreuve, ce qui peut être aussi charmant que frustrant. En conséquence, elle s'applique souvent à s'attarder sur le côté charmant de la situation.
— Ugh. Prenez une chambre, vous deux, râle soudain Randers, en les trouvant ainsi enlacés alors qu'il revient du tour qu'il est parti faire un peu plus tôt.
Il n'avait pas été emballé par l'idée de rester allongé dans l'herbe lorsqu'elle avait été actée par le reste de la troupe, alors il est allé se promener parmi les exposants.
À son commentaire, le couple s'interrompt. Ils restent un instant face à face, pour échanger un regard de connivence à l'audace de leur ami et surtout se retenir l'un l'autre d'en rire ouvertement.
— Vraiment, Pat ? Iz souligne subtilement son exagération, tout en se redressant en position assise, afin de pouvoir le regarder lorsqu'elle s'adresse à lui.
Un chaste baiser dans un parc peut très difficilement être qualifié d'exposition indécente.
— Une idée de quand la période de lune de miel va se terminer ? il insiste cependant dans son supposé écœurement à leur mièvrerie, gentiment taquin.
— Qu'est-ce que c'est que ça ? demande Sam, pas familier de cette terminologie.
— Quand est-ce qu'on a jamais été pénibles ? s'enquiert sa dulcinée avant qu'il ait pu obtenir une réponse, jugeant cette question plus pertinente.
Elle sait que Patrick a su pour leur relation le lendemain-même de sa concrétisation, sans même que son équipier n'ait besoin de lui en parler, d'ailleurs. Néanmoins, elle a toujours mis un point d'honneur à ce qu'ils restent discrets. Il n'aurait de toute manière pas pu en être autrement. Après les difficultés qu'a eues Sam à concilier ce développement et leur collaboration professionnelle préexistante, à leurs débuts, elle n'aurait pas pu se permettre de le brusquer même si ça avait été son genre. Elle peut donc compter sur les doigts d'une main les marques d'affection qu'ils ont échangées au commissariat, et la plupart n'ont même pas été devant témoins. De quoi Randers se plaint-il réellement ?
— Mouais, t'as peut-être raison. Il était encore plus chiant avant que vous vous mettiez ensemble, en fait. Surtout juste avant, admet Pat, tout en s'asseyant enfin avec eux sur les couvertures.
Il prend un air songeur, repensant au comportement inhabituellement pathétique de son partenaire usuellement plutôt du genre mâle alpha, juste après qu'il a merdé avec la jolie brune. Est-ce qu'il se croyait vraiment discret, avec ses coups d'œil dans sa direction à chacun de ses passages ? Mais même en dehors de ça, il doit concéder que la jeune femme a une bonne influence sur l'ancien tombeur. Elle le garde plus calme, plus centré. Ça fait une personne de plus à se soucier de son état d'esprit, ce qui n'est pas une mauvaise chose. Ils peuvent être dégoulinants, tous les deux, même alors qu'ils ne font rien de particulier, juste en étant l'un à côté de l'autre, mais leur association est tout de même sans doute positive, c'est vrai.
— Attends. Ça voudrait dire qu'il y a de l'espoir pour toi d'être un jour moins lourd que tu l'es maintenant ? le charrie Sam.
Malgré sa réplique, ce rappel de cette phase un peu embarrassante pour lui de son histoire avec Iz ne le dérange pas plus que ça. Surtout que son équipier n'a pas connaissance des détails de sa plaidoirie sous la pluie, ce qui était sans doute le point culminant de sa spirale l'ayant amené à la jeune femme aujourd'hui à ses côtés. Il ne regrette cependant rien. Ça valait le coup.
— Meh. Je retiendrais pas ma respiration, à ta place. C'est plus probable que la dernière Madame Randers reste à tout jamais ma mère, rétorque Patrick à la boutade, avec un grognement et un haussement de sourcils.
Sans en être aigri, il est résigné à l'idée qu'il ne trouvera peut-être pas chaussure à son pied. Il fut un temps où il était plus ouvert à cette possibilité, mais c'était il y a quelques années déjà.
Sa réaction fait ricaner le maître-chien et attendrit la profileuse. Elle se sent protectrice de tous les inspecteurs du commissariat, et tout particulièrement de Sam et Patrick. Le premier puisqu'ils forment un couple, et le second à cause de tout ce qu'elle l'a vu traverser. Faire face à Kayle O'Michaels et se faire tirer dessus par lui. Perdre sa trace, seulement pour la retrouver lorsque la nièce de son meilleur ami se fait enlever. Puis devoir enquêter en secret. Après l'avoir vu surmonter toutes ces épreuves, elle est donc troublée de le voir se dénigrer ainsi.
— Hey, maintenant que je ne suis plus sur le marché, tu peux peut-être quitter le banc, poursuit Sam dans ses taquineries, partisan de l'amour vache.
Il récolte une petite tape sur l'épaule de sa dulcinée pour son manque de sensibilité. Il feint la douleur en silence, amusé de la voir si concernée par l'opinion que son partenaire a de sa propre vie amoureuse. C'est un grand garçon, il peut se gérer.
— Ne sois pas méchant ! Et tu es quelqu'un de bien, Randers. Qu'est-ce qui te fait penser que tu vas rester seul toute ta vie ? Iz se montre compatissante, après avoir justement fait le reproche à son compagnon de ne pas l'être suffisamment.
— L'expérience ? propose Patrick avec autant d'hésitation que d'assurance.
Il est suspicieux d'une approche si empathique, puisqu'il n'en a tout simplement pas l'habitude. Ça ne le surprend cependant pas vraiment de la part de Jones, qui a toujours su lui prêter une oreille attentive. C'est juste ce sujet en particulier, qu'il n'aborde jamais avec qui que ce soit.
— D'accord… Est-ce qu'il y a un cœur brisé ou des standards inatteignables dont je n'aurais pas connaissance ? elle lui demande d'élaborer sa réponse, dont elle ne peut pas se contenter, en lui proposant deux explications courantes pour vouloir faire une croix sur ce pan de sa vie sociale.
— C'est toi, la profileuse… il lui fait remarquer, gardé.
— Il me faut des données, pour établir un diagnostic, rétorque la brunette.
Elle ne l'a tout bonnement jamais vu douter de lui dans quelque domaine que ce soit, même sur le ton de la plaisanterie. Il dit que Sam est têtu, mais il n'est pas en reste sur ce plan.
— Tu as lu mon dossier, non ? il l'interroge, devenant enfin sérieux, voyant qu'elle semble l'être.
— Oui. Justement. Je ne vois pas ce qui aurais dû m'indiquer une supposée contrindication absolue aux relations romantiques, elle se montre candide, sincèrement perdue quant à son acceptation du célibat.
Elle ne l'a encore jamais vu avec quelqu'un, mais avec tout ce qui s'est passé, ça n'a rien d'étonnant. Elle l'a en revanche toujours trouvé très masculin, viril, pas aussi joueur que Sam, et peut-être un tout petit peu moins sûr de lui, mais charmeur d'une autre catégorie tout de même. Elle ne comprend vraiment pas. Elle pourrait lui décrire des tas de femmes qu'elle a déjà rencontrées et qui seraient ravies de l'avoir à leur bras.
— Ça m'étonnerait que tu aies raté les mille et unes mentions de problèmes de gestion de la colère, il se permet de corriger sa déclaration, non sans se détourner brièvement, comme n'importe qui à la mention de son point faible le plus proéminent.
Sa tendance à l'animosité est son talon d'Achille. Ça le conduit à être privé de déplacement, à ce qu'on lui retire certaines enquêtes, et qu'on ne l'invite pas sur d'autres. Il le sait, ce n'est pas nouveau, et même s'il pense qu'il a réussi à faire un peu de progrès au fil du temps, il ne se fait pas d'illusion quant au fait qu'il va traîner ça toute sa vie.
— Non, mais je sais aussi que tu n'as eu aucun épisode majeur depuis que je te connais, Iz offre comme facteur atténuant de la situation, bien que sans la nier.
Chacun a ses propres traits de caractères ou mauvaises habitudes à gérer. On peut être bipolaire, toqué, ou phobique, et tout de même trouver un partenaire de vie. Et en le cas présent, il lui semble avoir son propre démon sous contrôle.
— Et beaucoup de punching-balls se sont sacrifiés pour ce résultat. Écoute, je ne vais le dire qu'une fois parce que c'est pas quelque chose dont je suis fier, mais la vérité, c'est que je ne pense pas que la gent féminine soit entièrement en sécurité à mon contact rapproché. Et c'est tout, il avoue finalement, témoignant d'une connaissance de lui plus poussée que ses attitudes n'auraient pu le laisser présager.
— Tu as une sœur, Patrick, lui rappelle la profileuse, ce seul point invalidant pour elle complètement ses craintes.
Clairement, il a déjà vécu de façon prolongée avec une femme sans lui faire de mal. Puisque ses accès de fureur ne sont en rien spécifiquement corrélés aux relations amoureuses, il n'y a aucune raison de penser qu'il agirait différemment avec une petite amie qu'avec sa cadette. Et aussi imposant soit-il de stature, elle a du mal à s'imaginer pouvoir être en danger à son contact. Elle l'a toujours vu se tenir du côté de la justice.
— Et si tu le lui demandes, elle pourra te dire combien de fois j'ai dû sortir de la maison pendant mon dernier séjour chez elle. Punaise, si j'avais su que ça dériverait sur ma psychanalyse, je vous aurais pas dit que vous étiez un joli couple ! Il reste de la nourriture, dans ce panier ? il choisit finalement de clore le débat, son quota d'introspection atteint pour la journée.
Iz plisse les yeux, surprise que ce soit ce qu'il ait pensé leur avoir dit en premier lieu. Ce n'est cependant pas ce sur quoi elle aimerait revenir. Elle voudrait bien trouver un moyen de retourner sur le sujet précédent, mais la main de Sam sur sa cuisse l'interrompt dans sa recherche de répartie. Elle se retourne vers lui, toujours allongé, et son simple regard achève de la convaincre de laisser tomber. S'il n'a rien dit pendant tout l'échange, c'est parce qu'il savait déjà ce qui en ressortirait. Il connaît son partenaire. Depuis longtemps. Insister ne l'aidera pas. C'est son chemin à parcourir, et il a déjà bien avancé depuis qu'ils se sont rencontrés.
Acceptant la situation avec un petit soupir triste, la jeune femme rebondit donc sur le contenu de leur panier de victuailles. Ils l'avaient rempli au détour du parc, et ne l'ont pas entièrement vidé au déjeuner. Comment les hommes peuvent manger autant même par cette chaleur lui échappe, mais il trouvera sans doute quelque chose qui lui convient dans ce qu'il leur reste. En entendant parler de nourriture, Sing lève une oreille, puis l'autre, et ouvre les yeux et lève la tête. Lui, c'est moins surprenant qu'il soit toujours capable d'avaler quelque chose. Elle lui accorde une caresse avant de suggérer à Randers de penser à lui aussi dans sa quête de sustentation.
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