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Affichage des articles du avril, 2009

Premier Jour - Gardien (5/5)

Je chasse d'un revers de main cette larme du rebord de ma mâchoire et je me mets à courir. C'est bête, je sais, je n'ai que quelques mètres à faire pour rentrer chez moi. Et pourtant je me précipite. J'évite de défoncer la porte en entrant, dérape dans le vestibule, pose ma main gauche au sol pour éviter la chute et tends la droite en l'air. Je me redresse au moment où l'objet métallique atterrit dans ma main. Les Dog Tags de Dwight sont plaqués contre ma paume. La chaîne à laquelle ils sont accrochés se balance dans le vide. Je ferme mon poing et mes paupières. Se déplacer les yeux clos n'est pas donné à tout le monde. J'ai l'impression d'avoir un sonar, comme les chauves-souris ou les dauphins. J'avance lentement tout de même, pas à pas, prudent. Ce nouveau sens est vraiment pratique d'utilisation. Je peux avoir une vision globale ou bien ciblée sans le moindre effort de concentration. C'est tout bonnement naturel. J'arrive à

Premier Jour - Gardien (4/5)

Mon réveil passe inaperçu pour deux raisons. La première : il arrive bien plus tôt que prévu, et j'en suis d'ailleurs le premier surpris. Qui aurait cru que le simple fait de me faire transporter d'un point à un autre me ranimerait ? C'est Hannibal, prenant très au sérieux sa tâche de prendre soin de moi, qui se charge de me déposer sur l'un des rares lits encore debout dans l'infirmerie. Est-ce normal que ça ne m'apparaisse en rien plus confortable que le carrelage ? La deuxième raison qui fait que personne ne se rend compte de mon réveil est que je reste parfaitement immobile. À tel point qu'à plusieurs reprises June vient vérifier si je respire encore, à l'insu de H, qui lance invariablement un élégant "bats les pattes" à quiconque ose m'approcher. Un chien de garde, il ne me manquait plus que ça. Je reste cinq heures dans cet état. J'observe, sans en avoir l'air, les deux dérivés et la Messagère coopérer du mieux qu'il

Premier Jour - Gardien (3/5)

Je suis tombé à genoux, paumes sur le sol, parcouru de frissons incontrôlables. J'ai l'impression de pouvoir voir la vie s'échapper de son corps. Il glisse sur le mur, y laissant un longue trace d'un rouge tirant sur le cramoisi. Il essaye de respirer, mais comment pourrait-il ? Sa plèvre a été littéralement tranchée, aussi proprement que violemment. Au lieu d'air, c'est du sang qui emplit sa bouche. J'assiste à plusieurs convulsions de sa part avant que la vision ne soit tout simplement plus l'un de mes sens disponibles. Mon organisme passe peut-être enfin en état de choc. Je dirais merci si mon ouïe, en revanche, ne fonctionnait pas toujours. J'entends encore. J'entends encore même mieux que d'ordinaire. J'entends le gargouillis immonde du sang qui s'échappe par les plaies béantes et s'infiltre dans des endroits où il n'est pas censé se trouver. J'entends le bruit de la suffocation du Jumper alors qu'il s'étouffe

Premier Jour - Gardien (2/5)

J'ignore combien de temps on reste à se jauger, formant un cercle par nos déplacements, simplement à mesurer notre jeu de jambes à celui de l'autre. Le mien n'est pas si mal, mais comparé à l'incontestable infaillibilité du sien, je ressens toute la lourdeur de ma condition d'être vivant. Vingt années versus plusieurs milliers, là encore la lutte est inégale. Je vous dirais bien que j'ai l'avantage de voir rouge, mais j'ai parfaitement conscience qu'à cet instant précis mes iris sont d'un joli gris mat, et, même en dehors de la couleur y étant associée, cet état de fureur avancé n'a rien de comparable à n'importe quel énervement que vous puissiez connaître. C'est plus fort et totalement différent. Mais ça reste une sorte d'avantage, je le concède. Gris mat plongé dans gris ambré, on finit par s'élancer. Au moment où j'esquisse un geste, elle jaillit sur le côté et l'esquive avec la facilité qu'aurait un lionceau

Premier Jour - Gardien (1/5)

J'aspire l'oxygène avec avidité, reprenant mon souffle comme après une apnée prolongée. À plat ventre sur mon lit, en appui sur mes mains, je fixe mon oreiller sans le voir. M'enfin, ça, c'est en partie parce qu'il fait très noir dans la chambre. Mon halètement ne se calme pas. J'essaye, en vain, de déglutir. Un coup d'œil furtif à ma droite m'apprend qu'il est entre deux et trois heures du matin. Un autre sur ma gauche me permet de repérer une paire de bras couverts de longues cicatrices, croisés sur le bord de mon matelas. Une tête, menton posé sur ces bras, me scrute attentivement. Suffisamment ardemment pour que je détourne le regard. - Jamais esprit ne m'a été aussi insondable. Les yeux se plissent de curiosité et d'amusement. - Ferme-la, est tout ce que je trouve à répondre, entre deux râles qui ressemblent fort à des crises d'asthme. - Et une condamnation de plus : ne mener à bien aucune des missions pour lesquelles j'