2x11 - Sables mouvants (3/18) - Fausse alerte
Il y a quelques jours, Sieg est tombé sur un appel d'offre pour une intervention en Arizona. Une mission simple, rapide, et qui demandait une équipe de trois comme la leur. Le seul inconvénient à ce qu'ils acceptent le job était la distance à Chicago, à laquelle Jena rechigne par principe depuis quelques temps déjà, même sans plus de deux nuits sur place. Ses deux mentors ont cependant su trouver les bons arguments pour la convaincre. En effet, depuis qu'elle a été affectée à la surveillance des Quanto en fin d'année dernière, il y a maintenant six mois, elle ne s'est pas vraiment éloignée de la ville, ce qui pourrait commencer à soulever des questions parmi les plus suspicieux de leurs collègues. Ils évoluent dans un monde relativement fermé, où les rumeurs vont bon train et les réputations évoluent vite.
Initialement, elle était assignée à la ville, et il était donc normal qu'elle reste sur place. Puis, après qu'elle a abandonné son poste et que son client a ensuite été démantelé (ce qui a d'ailleurs permis de justifier sa décision de ne plus leur fournir ses services en premier lieu), son excuse toute trouvée pour rester dans les parages était sa relation personnelle avec l'une de ses anciennes cibles. Ce genre de développement est sujet à des railleries bon enfant, mais jamais de critique réelle, puisque tout le monde sait que ce sont simplement des choses qui arrivent. L'inconvénient aujourd'hui, c'est que leur rupture n'est pas exactement confidentielle, et si quelqu'un venait à relever qu'elle conserve malgré tout un cercle d'action diminué, la seule explication qui s'imposerait serait sa sœur. Et s'il n'y a là encore aucune honte majeure à renouer des liens avec des proches Citoyens, le moins d'attention sera prêtée à Caroline, le mieux ce sera pour tout le monde.
Le trio est donc parti pour le Sud-Ouest du continent Nord-Américain la veille au matin, et est actuellement en bonne voie d'accomplir ce pour quoi ils se sont déplacés. Chacun d'eux se trouve à un point en apparence anodin mais pourtant stratégique du vaste complexe sous-terrain qu'il leur a été demandé d'infiltrer. Ils doivent tourner trois clefs dans trois serrures distinctes au même moment afin d'ouvrir une pièce-forte supposée renfermer des artefacts prépandémiques. Les soupçons sur le contenu de la chambre forte sont remontés par des voies légitimes, mais sans qu'une quantité suffisante de pièces à conviction soit accumulée afin de justifier une perquisition officielle. Un appel a donc été lancé aux mercenaires, moins vulnérables aux retombées à la fois médiatiques et juridiques.
Il y a un côté très super-vilain de roman d'espionnage dans cette manœuvre qu'ils doivent effectuer, ou peut-être même mauvais film de braquage, et pourtant ce type d'infrastructure est beaucoup moins rare qu'on ne pourrait le penser. Surtout dans les constructions les plus anciennes. Lorsque l'espèce humaine était en train de se remettre tant bien que mal d'aplomb après avoir frôlé l'extinction, beaucoup des familles ou simplement groupes à avoir survécu ont été pris de grands élans théâtraux pour célébrer la renaissance des cendres. Certains bunkers ont été modifiés pour ressembler plus à des temples qu'à des places fortes, leur ouverture relevant plus du rituel que d'un réel protocole de sécurité.
— Tu sais, tu ne nous avais jamais parlé de ta sœur avant de commencer à soupçonner que ton trophée pourrait avoir causé son coma.
C'est la voix de Siegfried, qui retentit dans l'oreillette de Jena, alors qu'ils sont occupés à avancer chacun sur leur chemin, en contournant les éventuels obstacles qui s'y dressent.
— Er… Ce n'est pas exactement bien vu de rester en contact avec son passé, répond la jeune femme.
Elle est trop prise de court par le sujet pour ignorer ou esquiver sa mention. Et elle ressent bien l'accusation dans les paroles de son mentor le plus bavard, d'où sa tentative de justification du fait qu'il a énoncé, à défaut de pouvoir le nier.
— Quand on est encore en formation ; ça fait plusieurs années que tu as fini. Et c'est nous, objecte le Scandinave.
Il ne lui concède pas cet argument, qu'il n'estime pas s'appliquer à ses circonstances. Si elle avait été en contact avec sa sœur pendant son entraînement, alors oui, ça aurait pu lui attirer des ennuis. Et s'ils ne lui en auraient pas tenu rigueur directement, ils auraient été bien embarrassés s'ils avaient été au courant. Mais une fois diplômée, elle peut bien faire ce qu'elle veut, car elle n'a plus rien à prouver.
— Caro fait partie de ce que j'ai mis derrière moi, et vous faites partie de ce que j'ai choisi. Je ne voulais pas mélanger mes mondes, c'est tout, reprend Jena d'un ton un peu plus ferme et assuré, remise de sa surprise initiale.
Converser avec quelqu'un pendant qu'on fait autre chose, et sans l'avoir en visuel, demande plus d'accoutumance qu'on ne pourrait l'imaginer. Et même en ayant beaucoup pratiqué, la jeune femme doit faire un petit effort. Ils sont coupés de l'extérieur, dans ce tunnel, ce qui la contraint à devoir s'orienter de mémoire, et lui demande donc un peu de concentration. Elle pourrait sortir ses notes de son sac, mais en plus de perdre du temps, elle se sentirait vraiment comme une touriste.
— Tu ne l'as pas vraiment laissée derrière toi ; tu as repris le contact dès que tu as atterri en mission dans la même ville, continue de protester le plus loquace de ses compagnons.
Ni lui ni celle à qui il s'adresse n'ont besoin d'avoir son acolyte moins verbeux en visuel pour savoir que celui-ci dodeline de la tête en signe d'assentiment à tout ce que son homologue dit. À ce stade de leur collaboration, les deux hommes peuvent une grande partie du temps être considérés comme un seul.
— Très bien. Alors elle fait partie de ma vie privée. Je ne vous présente pas tous mes flirts non plus, commence à s'agacer la benjamine du trio.
Elle ne s'attendait décidément pas à subir un interrogatoire sur ce thème, même de la part de ses deux mentors, et certainement pas maintenant. Ils sont en mission. Ils devraient conserver leurs communications à un minimum, et surtout n'échanger que sur ce qu'ils sont en train de faire. Certes, cette opération se déroule jusqu'ici particulièrement sans accroc, mais ce n'est qu'une raison de plus pour rester sur leurs gardes. Quelle est la dernière fois où ils ont rencontré aussi peu de gardes sur leur passage ?
— Tu connais Daisy, déclare Sieg, son ton toujours accusateur malgré sa légèreté.
Jena lève les yeux au ciel et s'efforce de soupirer de façon à ce qu'ils ne l'entendent pas. Et dire qu'elle avait trouvé Vlad lourd, à bouder, lorsqu'ils sont partis à la recherche de l'équipe qui avait kidnappé Mae. À ce moment-là, c'était justement son partenaire qui s'était montré le plus raisonnable vis-à-vis de la manière dont elle était revenue vers eux. Par quel mauvais coup du sort les rôles se retrouvent-ils à présent inversés ? Mais ce n'est pas exactement la même décision qui est remise en question aujourd'hui, c'est vrai.
Techniquement, elle les a recontactés en deux occasions distinctes, après être un peu partie à l'aventure de son côté : début Février, lorsqu'elle a découvert sa bague d'examen final dans les effets personnels de sa sœur, puis début Mai, suite à l'enlèvement de Mae. Et c'est de la façon dont elle a géré leur perte de vue entre ces deux occasions, dont Vlad lui a tenu rigueur lors de la seconde. Aujourd'hui, c'est sur la première que Sieg semble vouloir revenir. Mais sans signe avant-coureur, sans élément déclencheur apparent ?
— Vous ne m'avez pas parlé d'elle dès le départ. Et vous l'avez épousée ! Elle est importante pour vous ! elle grince, son irritation allant croissant.
— Exactement, confirme le grand blond.
Il voit plutôt ces objections comme de l'eau à son moulin. Même si Jena n'était pas en contact actif avec sa sœur, il est plus qu'évident aujourd'hui à quel point elle compte pour elle.
— Vous voulez vraiment parler de ça maintenant ? elle finit par craquer, alors qu'elle arrive à une porte et s'agenouille afin de dévisser la plaque qui en protège le panneau de contrôle.
Dans son exaspération, elle sort son tournevis de sa ceinture utilitaire avec le même geste par lequel elle en aurait tiré un couteau. De son côté, Vladas, toujours muet, traverse un pan de couloir aux dalles piégées, avec autant de désinvolture qu'on pourrait jouer à un jeu de chorégraphie dans une salle d'arcade. Et il arrive tout de même à suivre l'échange entre ses deux collègues.
— Avec tout ce qui se passe en ce moment, on n'a plus l'occasion de discuter, Siegfried justifie son initiation de la conversation, adoucissant le tranchant de sa voix.
Avant qu'elle ne quitte le Nid – au sens propre comme figuré, puisque c'est l'appellation donnée à l'ensemble des complexes qui accueillent les recrues non encore certifiées à travers le continent, aussi peu imaginatif ce soit – ils entretenaient un lien presque permanent. Depuis le moment où ils ont été mis en relation, avant même qu'ils ne soient officiellement appariés comme mentors et pouliche. Elle leur demandait conseil, et ils vérifiaient que tout se passait bien pour elle. Et tout est resté pareil entre eux même une fois qu'elle a eu terminé sa formation et a commencé à partir autant en mission seule qu'avec eux. Ils ont su entretenir le lien.
Ce n'est que lorsqu'elle a été envoyée à Chicago que les choses ont changé. Ils avaient présumé que c'était une affectation peut-être plus épineuse que d'habitude, jusqu'à ce qu'ils reçoivent son appel les informant de la situation avec sa sœur. Ils avaient été choqués d'ignorer tant à son sujet, mais lui ont néanmoins apporté leur soutien, même lorsqu'elle a refusé qu'ils se déplacent ou se fassent connaître. Une fois que la situation avec DeinoGene avait semblé se tasser, ils n'ont pas été ravis qu'elle continue à garder ses distances, mais là encore, ils ont laissé faire. Et lorsqu'elle a fait appel à eux parce que rien n'était en vérité résolu, ils ont répondu présents, moyennant quelques grognements de Vlad seulement.
Aujourd'hui, l'impact de cette distanciation commence cependant à se faire ressentir. Malgré leur réunion, ils n'ont pas encore eu l'occasion de véritablement retrouver leur complicité. Ils n'ont fait qu'œuvrer pour régler un problème après l'autre, restant majoritairement professionnels. Il a d'abord fallu surveiller que la situation de Caroline ne s'ébruite pas trop, afin d'éviter qu'un lien puisse être établi entre la jeune fille et sa sœur aînée, son entraînement, et surtout son potentiel accès à des technologies dangereuses qui ne sont pas supposées se retrouver à disposition du public, même pour celles qui sont approuvées par la commission internationale des sciences. Il a aussi et surtout fallu à ce moment-là s'assurer que personne ne s'intéresse de trop près aux raisons de Jena pour déserter son assignation, pourtant sur le papier un simple job de surveillance d'une famille de civils. Cette partie était heureusement devenue superflue une fois les agissements de DG exposés au grand jour, mais n'en a pas pour autant été négligeable. Et après tout ça, il a encore été question de traquer des kidnappeurs, les interroger, exploiter les informations récoltées, définir un plan d'infiltration, puis le mettre à exécution. Ils avaient à peine eu le temps de souffler qu'ils avaient déjà dû partir à la recherche de Bertram, l'extraire, le ramener, et ensuite l'encadrer.
Cette mission curieusement calme de récupération de matériel semble donc être l'opportunité tant attendue de pouvoir enfin se parler comme avant. Ils sont même hors de portée des oreilles de Caroline et Robert, qu'ils savent capables d'épier les conversations, ce avec quoi ils ne sont pas à l'aise. Ça ne lui paraît donc peut-être pas le bon moment à elle, mais pour ses formateurs, c'est tout le contraire.
— Vous pensez pas qu'on à autre chose à faire ? continue de protester Jena.
Son tournevis échangé contre une pince coupante, elle est incapable de se concentrer sur son désamorçage. Dans l'absolu, elle ne serait pourtant pas contre l'idée d'un retour aux sources avec ses mentors. En revanche, elle préférerait ne pas avoir à justifier ses décisions rétrospectivement peut-être en effet sous-optimales pour l'obtenir. Ce qui est fait est fait, s'ils veulent lui faire part de leur mécontentement, qu'ils soient un peu plus directs, et qu'on en finisse.
— J'y suis.
C'est la toute première participation de Vlad participe à la discussion, pour signaler qu'il a en ce qui le concerne atteint sa destination et n'attend plus que le signal du reste de son équipe.
Jean grimace, prononce "Déjà ?" du bout des lèvres, puis secoue la tête pour se replonger dans son ouvrage. Sieg se contente d'une moue appréciative à la prouesse de son partenaire, après avoir jeté un coup d'œil à sa montre, avant de lui aussi accorder toute son attention à ce qu'il fait.
Ce n'est qu'un peu plus tard, une fois qu'ils ont simultanément tourné les trois clés dans leur serrure, et se sont rejoints physiquement dans la salle des coffres qui s'est alors ouverte à eux, qu'il revient à la charge :
— Tout ce que j'essayais de dire tout à l'heure, c'est que tu es autorisée à avoir un passé. Ça va même de soi, avec les recrues tardives. Il n'y a aucune honte. Tu peux toujours nous parler, il reprend avec plus de douceur qu'auparavant, alors qu'ils sont chacun en train d'ouvrir une vitrine distincte afin d'en récupérer le contenu.
Les quelques objets exposés ont l'air de camelote d'un temps révolu, mais ils savent mieux que de présumer de la valeur réelle de ce qu'ils sont envoyés chercher. La seule chose qui les surprend toujours, c'est qu'on ne semble jamais arriver au bout de ce qu'il reste encore à retrouver de cette époque. Il paraît pourtant que cette ère était fameuse pour son concept d'obsolescence programmée.
— Je ne renie pas mon passé, d'accord ? J'aimerais juste le garder… séparé. C'est pas un drame, répond Jena, avec un effort pour ne pas retomber dans son irritation précédente.
— Il n'y aucun risque que tu changes de mode de vie aujourd'hui, poursuit néanmoins Siegfried.
C'est bien là la seule raison pour laquelle il est effectivement mal perçu pour les membres de leur ordre enrôlés à l'adolescence de renouer leurs liens familiaux. Personne n'entre dans le système par la voie empruntée par Jena sans avoir rejeté non seulement ses proches mais aussi et surtout sa Citoyenneté. Ce sont les deux critères principaux pour être repéré. Ensuite seulement la débrouillardise et autres talents et traits de caractères forts entrent en ligne de compte. L'idée est de former des agents invisibles sous tous les aspects, pas seulement discrets et adaptables à leur environnement (ne serait-ce que parce que l'infiltration n'est pas la seule discipline visée) mais également élusifs en ce qui concerne l'administratif. Et les Citoyens laissent toujours des traces derrière eux, tandis que les Alternatifs ont la possibilité de ne pas le faire.
— Je n'ai pas peur que ce soit ce que les gens croient ! objecte immédiatement la brunette.
Piquée par cette insinuation, elle pose un peu plus sèchement que de rigueur la cage de verre qu'elle a entre les mains. Vlad lui fait les gros yeux pour lui intimer plus de précautions, mais elle ne le remarque pas.
— Mais tu as bien peur de quelque chose… Sieg se permet de conclure de sa tournure de phrase, pensant tenir le bon bout.
Il reste pour sa part toujours mesuré dans ses gestes. Il en faut plus pour le perturber. C'est non seulement son plus grand âge, son plus long entraînement, mais aussi son tempérament qui lui confèrent cette imperméabilité.
— Je ne m'inquiète pas pour ma carrière. Je me suis battue pour ça et je le referai si nécessaire. C'est pour Caro que j'ai peur. Que j'avais peur… lâche finalement Jena entre ses dents.
Elle se résigne finalement à évoquer ses réelles motivations pour ne pas leur avoir fait mention de sa cadette avant que tout ne commence à dégénérer, puisqu'ils semblent si attachés à les découvrir.
— Je ne te suis pas, Siegfried l'invite doucement à élaborer, presque paternel, maintenant.
— Ne le prenez pas mal, mais si je ne vous ai pas parlé d'elle, ce n'est pas parce que je ne voulais pas que vous soyez au courant de son existence ; c'était pour qu'elle ne soit pas au courant de la vôtre, reprend la jeune femme.
Elle soupire et ferme les yeux, anticipant la façon dont son propos va être interprété.
— Difficile de ne pas prendre ça personnellement, le Scandinave accuse effectivement le coup après avoir échangé un regard avec son partenaire par-dessus son épaule.
Vladas se contente de se détourner à nouveau, son ouvrage d'ouverture de vitrine moins avancé que celui des autres.
— Ce n'est pas vous spécifiquement le problème. C'est même carrément le contraire. Je suis revenue pour m'assurer que ma petite sœur ne prendrait pas le même chemin que moi, et je ne voulais pas qu'en me voyant si épanouie avec vous elle se fasse de fausses idées, Jena les détrompe, tout en sachant qu'elle n'améliore pas vraiment son cas auprès d'eux pour autant.
Comment pourraient-ils accepter qu'elle se plaise tant avec eux si ce n'est pas une voie qu'elle souhaite pour quelqu'un d'autre ? Ça sonne contradictoire.
— Qu'est-ce qui serait si terrible à ce qu'elle suive tes traces ? s'enquiert Sieg, aussi surpris que froissé par ce qu'il entend.
— Qu'elle le fasse pour les mauvaises raisons. Vous ne comprenez pas… Elle m'idolâtrait, petite, et elle a l'âge que j'avais quand je suis partie. J'adore ce que je fais, mais je sais aussi ce qui arrive à quiconque n'est pas à la hauteur, Jen continue de s'expliquer, puisque la rigueur de leur entraînement est au moins un point qu'ils devraient lui accorder.
Sieg reste songeur un instant. Il ne peut en effet pas la contredire en ce qui concerne le sort réservé aux éléments rejetés par leur programme. Et pourtant, elle n'a connaissance que de ce qui arrive à ceux qui seraient rentrés par la même porte qu'elle, pas aux orphelins accueillis comme Vlad et lui à un âge tendre. Même si ça ne pourrait pas s'appliquer au cas de Caroline, ça signifie tout de même qu'il n'est pas en position d'invalider ses craintes. Elles sont bel et bien basées sur des faits réels. Il est en revanche moins convaincu par l'ampleur que ses inquiétudes ont prise, par la probabilité de concrétisation qu'elle semble leur avoir octroyée.
— Tu as soit une bien mauvaise opinion de Caroline, soit une bien trop bonne opinion de toi. Il n'y a rien qui indique qu'elle aurait pu vouloir t'imiter, et tout pour soutenir que même si elle avait voulu le faire, elle ne s'en serait peut-être pas mal sortie, il juge finalement, impitoyable mais non moins à raison.
— J'ai préféré ne pas prendre le risque. Mais c'est pas comme si ça ne m'était pas revenu en boomerang dans les dents, puisque c'est justement parce que j'ai voulu éviter que ma vie déborde dans la sienne que j'ai précipité les choses dans ce sens, conclut simplement Jena.
Il n'a pas besoin d'en rajouter ; elle s'estime déjà suffisamment punie.
— Quelque chose cloche, s'exclame alors Vladas à côté d'eux, hors sujet.
À son ton sérieux, ils interrompent immédiatement leur échange et le rejoignent autour du socle qu'il est en train de délester de ce qu'il est supposé exposer. Il soupèse l'objet, une sorte de pavé de résine de couleur verte, parcouru d'une multitude de petits chemins métalliques. D'après son expression et son geste, il se serait attendu à ce que l'ensemble soit plus lourd.
— Vide, il prononce simplement.
Malgré son ton assuré, il tend tout de même son butin à son collègue, pour confirmation. Sieg effectue la même manipulation que lui, et son visage dépeint alors la même expression perplexe.
— Soit quelqu'un nous a coiffés au poteau, soit il y a effectivement anguille sous roche… il déclare.
Le trio s'entre-regarde, le front plissé d'incompréhension. C'est vrai qu'ils n'ont rencontré que peu de résistance, mais les renseignements qui les ont amenés jusqu'ici étaient de source sûre. Ils ont fait leur repérage en bonne et due forme. Et si c'était supposé être un piège, alors il se serait refermé sur eux depuis longtemps. Il ne paraît pas non plus possible qu'un faux ait été exposé dans un endroit pareil à l'insu des propriétaires de lieux. Alors quoi ? Qu'est-ce qui leur échappe ?
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