2x10 - Au ralenti (13/19) - Rendez-vous au cimetière
À des kilomètres à l'Ouest de Chicago, Ann et Alek déambulent à travers un vaste champ de matériel électronique au rebus. Avec l'atteinte des limites de ressources naturelles non-renouvelables comme certains métaux utilisés en électrotechnique, leur recyclage est devenu indispensable. Heureusement, beaucoup d'objets sont devenus redondants en sortie de Grand Pandémie, ce qui a permis de temporiser. Et par la suite, la demande pour ces ressources n'a de toute manière pas cessé de diminuer avec la fin de l'obsolescence programmée, la mise au point de matériaux alternatifs – des alliages équivalents si ce n'est supérieurs –, et le contournement des besoins de manière générale. C'est pour toutes ces raisons que des endroits comme ce cimetière de pièces détachées existent. Placés à l'écart des zones peuplées, aussi bien par des gens que des animaux, ils sont soigneusement organisés, entretenus au besoin, et laissés à libre disposition d'éventuels intéressés, à défaut de pouvoir être détruits ou directement réutilisés.
Le vaste labyrinthe en semi plein air est désert, et la pirate et l'ingénieur peuvent donc circuler et échanger tranquillement. En tous cas, ils pourraient. Ils ont cependant étudié leur trajectoire au préalable afin de couvrir tout le terrain le plus efficacement possible, et pour ce qui est de la conversation, la jeune femme y est exceptionnellement peu amène. Siegfried ne s'est pas trompé dans sa description, et elle était effectivement en rogne lorsque le chercheur l'a rejointe au moment de prendre la route ce matin. Mais alors qu'il pensait qu'elle lui expliquerait pourquoi durant le trajet, elle a à peine décoché une demi-douzaine de phrases de tout le voyage, y compris lorsqu'ils se sont arrêtés pour déjeuner. Celui qui l'accompagne ne connaît donc toujours pas la cause de son humeur. Et il n'a pas encore osé lui poser la question, aussi bien par peur d'être indiscret que par crainte de se faire arracher la tête.
Lorsqu'elle donne un grand coup de pied dans un morceau de tôle égaré, il prend enfin son courage à deux mains :
— Est-ce que ça va ? il s'enquiert doucement.
Le bruit de l'impact est encore en train de retentir autour d'eux. C'était si fort qu'un groupe d'oiseaux, pourtant perché sur un arbre à bonne distance, s'est envolé. L'ingénieur remercie silencieusement la faible fréquentation des lieux, puisqu'éviter de se faire remarquer serait préférable. Il n'y a rien d'illégal à s'y trouver, mais moins ils laissent de traces de toutes leurs activités liées à Caroline et Robert, le plus prudent ce sera.
— Oui, pourquoi ? aboie Anubis en retour.
Pour une si petite chose, elle contient décidément beaucoup d'énergie. Et elle n'a même pas l'excuse de la caféine, puisqu'elle n'en a exceptionnellement pas amenée, aujourd'hui. Il ne sait cependant pas si c'est parce qu'elle était distraite par autre chose ou bien parce qu'elle ne juge pas raisonnable de consommer ce type de boisson durant un déplacement.
— Sans raison…
Le ton abrupt de celle qu'il a interrogée dissuade Alek d'expliciter les origines de sa question. Il aurait pu bifurquer et dire que c'était pour son pied qu'il s'inquiétait, mais il n'est pas suffisamment bon joueur de poker pour ça.
— J'ai juste besoin de me défouler, c'est tout, elle justifie tout de même son geste.
Elle peut deviner d'où vient l'interrogation sans avoir besoin de plus de détails. Et puisque ce n'est pas après lui qu'elle en a, Alek mérite sans doute une explication. Il n'a pas dû passer un super moment sur la route avec elle, c'est sûr.
— Est-ce que ton exutoire n'est pas ordinairement plus… virtuel ? suggère innocemment l'ingénieur.
Il se sait toujours en terrain miné, mais il commence malgré tout à se faire un peu de souci. Depuis qu'il l'a rencontrée, Ann n'a jamais vraiment eu sa langue dans sa poche. Il a toujours grandement apprécié son discernement dans ses choix de questions à poser ou de commentaires à émettre, mais elle ne s'est jamais exactement montrée discrète pour autant. Lorsqu'elle sent que parler serait malvenu, elle préfère généralement s'éclipser. Il ne l'a jamais vue respecter un silence religieux plus longtemps que quelques minutes, et ce n'est que parce qu'elle était malheureusement présente lors de l'annonce d'une mauvaise nouvelle. Elle n'est pas un incessant moulin à parole, mais sa personnalité est plutôt exubérante qu'autre chose. Ce qui ne l'empêche par ailleurs pas de canaliser sa frustration dans du déboîtage de zombies dans un jeu vidéo plutôt qu'en cognant les murs. Elle agit donc aujourd'hui à l'inverse complet des habitudes qu'il lui connaît.
— J'ai besoin de penser à autre chose, en l'occurrence, répond la jeune femme.
Même en restant vague, elle fournit pourtant par cette déclaration plus d'informations qu'elle n'en a offertes de toute la journée. Néanmoins, Alek ne la presse pas. Il la laisse choisir si elle a envie de parler de ce qui la contrarie ou non. Laissant donc la conversation en suspens, ils poursuivent leur avancée un moment sans rien dire de plus. Il y a aussi du fait que l'élément métallique qu'ils cherchent est bien spécifique et a priori pas nécessairement très repérable dans le capharnaüm qui les entourent. Il leur faut donc rester attentifs.
— Il va la revoir, aujourd'hui, lâche tout de même la pirate au bout d'un moment.
Elle est désormais résignée au fait qu'elle a besoin de parler et qu'elle n'a personne d'autre avec qui le faire, sur ce sujet tout particulièrement. Elle ne regarde pas son interlocuteur, toujours focalisée sur leur environnement, à la fois par application à la tâche et parce que ça lui rend la discussion moins embarrassante.
— Est-ce que j'ai raison de présumer que tu parles de Jasper et Fred ? Alek se voit obligé de demander confirmation, devant l'usage de pronoms personnels hors de tout contexte.
— Qui d'autre ? raille la jeune femme, confirmant malgré elle l'hypothèse.
— Eh bien, elle est sa sœur, souligne doucement le père de famille.
Bien qu'Ann ait toujours manifesté une forte aversion à l'idée du rapprochement des deux jumeaux séparés, il a toujours un peu de mal à la comprendre. Il conçoit qu'elle craigne leur exposition, mais pour toute autre prise de risque, elle aurait pourtant une confiance aveugle en Jazz. Et en dehors de ça, elle devrait être suffisamment intelligente pour se mettre à la place de son mari, qui a comme la plupart des gens toutes les raisons de vouloir rester connecté à ses liens familiaux les plus primaires. De toute évidence leur relation n'est pas des plus cordiales, mais tant qu'il n'estime pas qu'elle soit au-delà de toute possibilité de sauvetage, n'a-t-il pas raison de vouloir essayer de l'améliorer ?
— Et je suis sa femme. Et il était parfaitement satisfait de garder ses distances jusqu'ici, proteste Ann à cet argument.
Elle a toujours placé les relations choisies au-dessus des relations biologiques. Mais elle sait qu'elle ne peut pas s'attendre à ce qu'Alek comprenne ce point de vue, avec la force des liens qui unissent sa propre famille. Elle ne peut pas dire que tout a toujours été rose pour eux, mais il lui paraît tout de même forcément plus facile de rester fidèles et soudés quand aucun des partis concernés ne donne de raisons aux autres de ne pas l'être. Quand on a été déçu et rejeté suffisamment de fois, on finit par retenir la leçon ; la famille n'est qu'une pré-sélection de proches, pas une garantie.
— Je suis désolé de l'avoir mis dans cette position, s'excuse l'ingénieur.
Il est conscient qu'il n'y a qu'à cause de ce dans quoi il a embarqué Ann que Jazz est allé à la rencontre de sa jumelle. Il l'a fait principalement pour protéger Mae.
— Ne le sois pas. Ce n'est pas ta faute. S'il n'avait pas voulu la voir, il aurait trouvé un autre moyen de lui faire passer son message. C'était juste une excuse, le dédouane la pirate.
Elle ne cherchait certainement pas à le faire se sentir mal à son tour. Elle a horreur de se faire plaindre. C'est pourquoi elle préfère souvent garder le silence que râler plus vocalement.
— Qu'est-ce qui a changé, alors ? s'enquiert Alek.
Il choisit de ne pas relever qu'aller à la rencontre de la jeune inspectrice était justement supposé être le dernier recours pour la convaincre de ne pas perturber leurs plans. Anubis a clairement besoin d'évacuer ; souligner les légères incohérences de ses doléances ne l'aidera pas dans l'immédiat.
— Bonne question ! Maintenant, tout semble être un bon prétexte pour lui rendre visite. C'était leur anniversaire, hier. Comme si elle en avait quoi que ce soit à cirer, elle s'exclame en levant les mains au ciel, son tempérament de feu reprenant le dessus après toutes ces longues heures de rumination.
— Je devine qu'il a mis plus longtemps à te parler d'elle que tu ne l'aurais voulu, tente son interlocuteur.
Il cherche encore à déterminer ce qui la rend à ce point réfractaire à la simple idée de sa belle-sœur. Il n'a pas rencontré Fred, mais de ce que lui a raconté Sam, elle n'a pas un caractère facile. Il doute cependant que ce soit là où le bât blesse pour Ann. Et sa profession ne devrait pas être un obstacle si grand puisque, sans s'y exposer outre mesure pour des raisons évidentes, elle ne semble pas avoir de problème particulier avec Sam ou Patrick. Reste donc l'hypothèse que Fred soit le rappel d'un secret que son mari lui aurait caché.
— Nan, en plus. Il n'a pas ouvert avec ça, c'est sûr, mais j'ai été au courant bien avant qu'on se mette ensemble, elle le détrompe pourtant, devant bien reconnaître l'honnêteté de son mari sur le sujet.
Jusqu'à maintenant, en tous cas. Avant, elle était systématiquement consultée, ou en tous cas informée, quelle que soit la décision à prendre à propos de Fred. Elle a dû faire des concessions, évidemment, mais un compromis était établi à chaque fois. Ces jours-ci, Jazz n'en fait qu'à sa tête dès qu'il est question de sa sœur, n'attend pas toujours qu'un consensus soit atteint, voire pire, s'arrange pour éviter la discussion. La raison pour laquelle il a provoqué leur rencontre en premier lieu, et aussi celle pour laquelle ils fonctionnent si bien ensemble, est justement qu'Anubis lui apporte la voix de l'opposition dont il a tant besoin. S'il ne l'écoute plus, ou ne cherche même plus à l'écouter, comment est-ce que toute cette histoire pourrait-elle se finir bien ?
— Ce que j'entends, c'est que c'est une évolution naturelle d'une situation connue, se permet Alek.
Malgré ses efforts, il comprend de moins en moins son outrage à ce développement qui lui paraît somme toute assez prévisible. Jazz a toujours été dans l'orbite de sa sœur. Ou l'inverse, peu importe. Ce n'était donc qu'une question de temps avant qu'ils entrent en collision.
— Plutôt une dégénérescence. Il est plus malin que ça ! corrige Ann, tout en grognant de ne rien avoir à sa portée pour y donner un nouveau coup de pied libérateur.
— Tu penses qu'il fait une erreur, conclut l'ingénieur.
Il ressent un certain soulagement à avoir enfin atteint le cœur de la contrariété de celle qui l'accompagne. Elle ne déteste pas Fred ; elle a peur pour Jasper. Peut-être est-elle même un peu jalouse à l'idée de devoir le partager pour la première fois avec quelqu'un d'autre.
— Bien sûr qu'il fait une erreur ! elle valide en jetant à nouveau ses mains au ciel, comme si ça aurait dû lui paraître évident dès le moment où ils ont pris la route ensemble ce matin, avant qu'elle ait dit un mot au sujet de la raison de son aigreur.
— Et tu lui en as parlé ? s'enquiert calmement Aleksander, procédant par étape.
Il ne se formalise pas que la jeune femme le juge lent à la détente. C'est normal, lorsque quelque chose nous exaspère, de s'imaginer que ça va sauter aux yeux de tout le monde autour de soi. C'est si obnubilant pour nous qu'on n'arrive plus à voir la réalité autrement qu'à travers un prisme déformant, et comme on ne s'en rend pas compte, on présume que tout le monde a forcément le même.
— Pas besoin. Il ne m'a annoncé qu'il y allait que ce matin. Juste avant que je parte. Alors qu'il prévoit sans doute ça depuis des semaines, c'est obligé. Il sait déjà ce que j'en pense… elle grommelle, ses yeux maintenant rendus humides par des larmes d'impuissance.
— Tu as raison, il est malin ; il va être prudent, tente de la rassurer son compagnon de route.
Une fois de plus, il n'ose pas souligner que, si elle dit qu'il a prévu l'entrevue depuis des semaines, elle en est sans doute elle-même convaincue. Or, elle lui fait confiance pour tout le reste de ce qu'il manigance. Pourquoi pas ça ?
— Quand est-ce que Jazz est jamais prudent ? Il prend dans risques dans tout ce qu'il fait ! elle proteste pourtant, ses mains à nouveau en l'air, comme si l'un des traits de caractère qu'elle préfère chez son homme était soudain celui qui l'horripilait le plus.
Sa frustration vient sans doute du fait qu'avant aujourd'hui, elle ne s'était jamais plainte de la témérité de Jasper. Au contraire, elle l'a toujours admirée. Sa capacité à fanfaronner face à l'adversité, son aplomb même en mauvaise posture… À ses côtés, elle s'est toujours sentie indestructible. Mais maintenant, elle a peur qu'il fonce droit vers sa Kryptonite, son angle mort, la seule chose dont même son audace légendaire ne pourra pas le sauver. Elle déteste ce sentiment. Il est tout ce qu'elle a, et elle ne sait pas comment le préserver. Pas quand ce dont elle doit le préserver c'est justement lui-même.
— Des risques contrôlés, tout de même.
Alors qu'il continuer continue de lutter pour défendre le jeune homme, Alek récolte une œillade suspicieuse de celle qu'il voudrait tranquilliser.
— Tu sais, pour le type qui nous a un jour demandé comment on reste si stoïques quand on sait qu'il est en train de se passer un truc, je te trouve bien zen à l'idée qu'en ce moment-même notre partenaire à tous les deux est sans doute en train de taper la causette à une flic qui le déteste depuis près de dix ans, elle lui fait remarquer, croisant les bras, à présent.
Ils n'ont pas cessé d'avancer dans la déchetterie, et Ann n'est toujours pas suffisamment à l'air avec la dimension émotionnelle de la discussion pour se tourner tout à fait vers son interlocuteur, mais autant dire que leurs recherches ne sont pas très efficaces. Ils devront peut-être revenir sur leurs pas à un moment donné.
— On n'a qu'à dire que j'essaye justement de te renvoyer l'ascenseur pour cette fois où tu m'as aidé à garder mon calme, l'ingénieur lui accorde le paradoxe.
Intérieurement, il se réjouit out de même un peu d'avoir réussi à la faire légèrement changer d'humeur. Ce n'est selon lui qu'en débrayant de sa frustration qu'elle pourra y trouver une solution.
— Sauf que, cette fois-là, j'avais la maîtrise du plan ; là, non, elle proteste.
Elle ne trouve pas les deux instances de panique comparables. Alek avait toutes les cartes en mains, le jour de la mise en scène du sauvetage de Mae. Il savait très exactement les risques qui étaient encourus. Et non seulement ils avaient été réduits au strict minimum, mais chacun des acteurs savait aussi comment il devait rebondir si quoi que ce soit devait mal se passer. Ce qui avait en plus une très faible probabilité de se produire. En ce qui la concerne, elle est actuellement en terrain inconnu, sans aucun contrôle sur qui fait quoi. Et les risques sont loin d'être à leur plus bas niveau.
— Alors prends les choses en mains, laisse échapper le père de famille.
Il est dérouté de la trouver indécise pour la première fois depuis qu'il la connaît. Si elle sait s'organiser, elle reste une femme d'action. Elle réagit au quart de tour, ne se laisse jamais abattre. Elle est pugnace, voire carrément fougueuse. Il a beau l'avoir sous les yeux, il n'arrive pas à l'imaginer rester désemparée face à un problème. Ceci dit, donner des coups de pieds dans des morceaux de tôles n'est certes pas la définition littérale de l'inactivité. Mais ce n'est pas exactement productif ou même seulement constructif.
— Quoi ? Du genre… M'en mêler ? Sans lui demander son avis ? propose la jeune femme comme interprétation de son conseil.
Elle est interloquée à la fois par sa simplicité, sa cohérence, et surtout son audace. Elle ne sait pas ce qui la perturbe le plus : qu'elle n'y ait pas pensé d'elle-même, ou bien que ce soit Aleksander Quanto qui le lui propose. C'est son tour, de ne plus le reconnaître.
— Si tu estimes que c'est nécessaire, pourquoi pas ? Vous vous faites confiance mutuellement. S'il fait ce qu'il pense avoir à faire, je ne vois pas pourquoi il te reprocherait d'en faire autant de ton côté, élabore l'ingénieur du mieux qu'il peut.
Il a peut-être été un peu trop spontané dans sa suggestion. Mais en dehors du fait qu'il ne peut pas décemment revenir sur ce qu'il vient juste de dire, il arrive à y trouver du sens, sous un certain angle. Il ne peut pas y avoir de doubles standards dans un couple. Et ce n'est pas petit de renvoyer un ascenseur à son partenaire de vie, quand on a commencé par essayer d'en parler d'abord. Si elles ne doivent pas les précéder, les actions sont néanmoins plus percutantes que les mots, lorsque ceux-ci ne suffisent plus. En l'occurrence, la communication semble rompue entre les deux pirates, sur ce sujet en tous cas, alors il faut bien trouver un moyen de la relancer.
— Tu sais quoi ? répond Anubis par une question rhétorique.
Mains sur les hanches et tête penchée sur le côté, elle s'arrête, ce qui le pousse à faire halte à son tour. Il n'essaye même pas de deviner, puisqu'il sait que ça l'agacerait.
— Éclaire-moi.
— Je vais dire à Jazz que c'est toi qui as repéré ce dont on a besoin. Parce qu'il va ta falloir des munitions pour te faire pardonner du fait que ton premier acte de rébellion aura été de m'inciter à m'opposer à lui, elle lui offre d'un ton magnanime, en guise de félicitations pour son élan de révolte inhabituel.
— Ça pourrait encore être vrai, il rétorque en fronçant les sourcils.
Il ne comprend pas pourquoi elle part du principe qu'elle va devoir lui faire grâce du crédit.
— Nope. Trop lent, papy, elle le détrompe, avec un haussement de sourcils et un grand sourire espiègles.
Le laissant bouche bée à cette appellation taquine, elle le contourne pour se diriger vers le monticule derrière lui, sur lequel elle a en effet repéré un objet par-dessus son épaule, qu'elle sait contenir le métal en quête duquel ils sont venus jusqu'ici. Pivotant sur place, il la regarde laisser glisser son sac à dos jusque par terre, puis s'élancer dans l'escalade de l'entassement précaire sans avoir le temps de l'arrêter. Il retient pratiquement son souffle tout le long de son ascension. À plusieurs reprises il esquisse un geste, et est à deux doigts de la mettre en garde d'un appui qui semble périlleux de là où il est, mais elle ne se retrouve jamais en mauvaise posture malgré les sueurs froides de son spectateur. Elle atteint sa destination sans encombre, et brandit son butin avec fierté. Il ne se remet tout de même à respirer normalement que lorsqu'elle a regagné le sol.
Tout en fourrant ce qu'elle a trouvé dans son sac, elle dévisage l'ingénieur d'un air de lui demander ce qui ne va pas, défiante. Il prend une inspiration, mais choisit finalement de s'abstenir de lui dire qu'ils auraient tout à fait pu procéder plus prudemment que ça pour obtenir ce qu'ils voulaient, qu'il n'y avait aucune raison de prendre tous ces risques. Elle s'en est sortie sans heurt, et il est aussi beaucoup trop content qu'elle semble avoir retrouvé sa bonne humeur pour lui reprocher son élan casse-cou. Et puis, il ne peut pas lui en vouloir de ne pas connaître son passif avec les éboulements. Il se contente donc de lui sourire, et ils décident ensemble de terminer leur tour du propriétaire, au cas où, avant de prendre le chemin du retour. Ils devraient avoir plus qu'assez du matériau désiré dans l'objet récupéré, mais disposer d'un peu d'excédent ne pourrait pas leur faire de mal.
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