2x10 - Au ralenti (12/19) - Interaction
Ce Lundi 22 Juin marque le premier jour de la dernière semaine de l'année scolaire. L'heure n'est donc plus vraiment à l'application pour qui que ce soit à Walter Payton High. Et pour les élèves de Terminale, ça signifie aussi leur dernière semaine de lycée. Pour eux, c'est le moment des préparatifs pour l'avenir, aussi bien des au revoir que de l'emmagasinement de derniers souvenirs inoubliables avant la fin d'une époque. Pour toute la promotion, c'est le début d'une nouvelle ère et un changement de décor radical qui s'annonce. Même pour ceux qui comptent prendre leurs dernières vacances scolaires estivales avant d'entamer la prochaine étape de leur cursus, quelle qu'elle soit, et ne seront donc pas séparés de tous leurs camarades avant quelques mois encore, c'est déjà un premier rideau qui va se fermer.
Puisque chacun n'a pas la même façon de gérer les bouleversements, aussi anticipés soient-ils, il reste tout de même aussi quelques irréductibles qui n'ont malgré l'approche de l'échéance pas l'intention de lever le pied d'un millimètre avant la toute dernière minute, voire redoublent d'investissement à la vue de la ligne d'arrivée. C'est peut-être leur manière à eux de profiter, rendre hommage, ou peut-être qu'ils sont tout simplement dans le déni et n'arrivent pas à se faire à l'idée de devoir quitter un endroit qui leur aura été si formateur. Certains de ceux-là ressentent aussi tout simplement le besoin de ne pas délaisser leurs responsabilités, aussi mineures soient-elles.
Pour Brennen, c'est un peu cette dernière explication qui le pousse à ne pas avoir changé ses habitudes, mais aussi et surtout son arrivée à saturation. En début d'année, il avait les grandes lignes de toute sa vie soigneusement planifiées dans sa tête, et même certains points sur le papier proverbial. Aujourd'hui, à l'aube de son premier tremplin, si ses projets n'ont pas changé, il est un peu contrarié de ne pas être capable de ressentir l'enthousiasme qu'il espérait. Il lui est arrivé trop de choses ces derniers mois pour qu'il puisse convenablement réagir à l'arrivée de ce rite de passage qu'il attendait pourtant autrefois de pied ferme. Même avec ses frères déployés en zones de catastrophe depuis plusieurs années déjà, les derniers événements marquants de son existence lui ont offert une nouvelle perspective du monde dans lequel il vit. Être pris en otage, puis trouver un camarade dans une mare de son propre sang, et finalement être témoin d'un enlèvement ; rien de tout ça ne devrait être déjà arrivé à quelqu'un de son âge, ou même une seule personne quel que soit son âge. Ce qui lui semblait auparavant majeur lui paraît désormais presque trivial.
Seul dans la salle de rédaction, le grand adolescent est concentré sur le chemin de fer de la dernière édition du Paw Print sous sa tutelle. Il pourrait pester que la plupart de ses journalistes semblent avoir pris leur dernier article de l'année à la légère, sans compter ceux qui ne lui en ont même pas promis un, mais il apprécie exceptionnellement que la pièce ne soit pas en ébullition. Il a déjà eu sa couronne, oui, mais cette édition va tout de même être la dernière pierre à l'édifice de sa carrière lycéenne. Il tient à faire du bon travail, pour finir en beauté. C'est l'un de ses rares objectifs avec lequel il arrive toujours à se sentir connecté : pouvoir relire ce qu'il a écrit ces dernières années sans rougir lorsqu'il sera vieux et grisonnant, idéalement mais pas nécessairement après une longue et fructueuse carrière de journaliste d'investigation.
Le bruit de la porte qui s'ouvre dans son dos le fait faire volte-face, et il découvre quelqu'un à qui il ne s'attendait pas. Mais ce n'est pas la première fois qu'il ne s'attend pas à cette personne, alors peut-être qu'il devrait paradoxalement s'y habituer de sa part.
— Caesar ! Salut, il accueille son collègue revenant, un sourire à la fois avenant et incrédule aux lèvres.
Sans doute en d'autres circonstances la nouvelle de sa présence en classe et dans les couloirs lui serait-elle revenue aux oreilles. Mais quelque part, il se réjouit un peu qu'il y ait enfin quelque chose pour faire oublier à ses petits camarades leurs envies de commérages. Ou peut-être qu'ils savent déjà que, de retour ou non, Caesar Quanto occupera certainement une place importante dans son dernier édito.
Laissant la porte se refermer derrière lui, le nouveau venu se montre un peu plus sobre dans sa salutation :
— Salut, Brennen.
Il avait espéré ne trouver personne ici, comptant sur la période de l'année. Il se demande s'il a encore sa place dans ce journal après toutes ces semaines d'absence. Pour peu qu'il l'ait déjà vraiment eue, puisqu'il n'a jamais considéré être très doué pour rapporter quoi que ce soit ni même écrire de manière générale. Il ne sait pas vraiment pourquoi il est venu, en fin de compte. Nostalgie, peut-être, comme une envie de faire une dernière fois le tour de son emploi du temps en bonne et due forme.
— Je savais pas que tu allais revenir, Bren se permet d'expliquer son air étonné, pour éviter qu'un silence inconfortable ne s'installe.
Après les situations dans lesquelles il l'a surpris, on pourrait pourtant croire qu'ils seraient à l'aise l'un avec l'autre, tous les deux. Il n'est cependant pas impossible que ce soit le plus à l'aise que Caesar puisse être avec qui que ce soit. Jack à part, bien entendu.
— La seule personne que j'ai prévenue ne fait pas exactement partie de tes indics, rétorque justement Caes, un peu plus sèchement qu'il n'en avait l'intention.
— C'est vrai… confirme l'autre sans rancune.
Le tatoué est effectivement l'opposé d'une source d'information pour lui. Non seulement c'est le journaliste qui a le plus appris de choses au petit surdoué ces derniers temps, mais le délinquant ne lui a en contrepartie pas donné beaucoup de grain à moudre. Bren se demande d'ailleurs soudain si le blondinet a réussi à se satisfaire que Mae ait été retrouvée sans son aide, tiens…
— J'aurais pu ne pas revenir. Mais je me suis dit… bon, reprend le grand brun.
Il aimerait rattraper son intonation précédente en étant un peu plus dynamique dans sa déclamation de cette platitude, mais le succès est mitigé.
— Je suis content que tout aille bien pour ta famille, lâche alors Brennen, puisqu'il n'en a pas encore eu l'occasion.
Ellen l'a personnellement informé du sauvetage de Mae le jour-même. La nouvelle du retour définitif de Caesar s'est fait un peu plus attendre mais a fini par leur parvenir également quelques jours plus tard. Aucune publicité n'a de toute évidence été faite au sujet de son retour en classe aujourd'hui, cependant. Quoi qu'il en soit, tout ce qui allait de travers pour les Quanto semble maintenant en excellente voie de résolution, et c'est objectivement une bonne chose.
— Je suis désolé que tu aies dû voir ça, Caes s'excuse auprès de son camarade.
Il n'oublie pas qu'il a été une victime indirecte de toutes leurs mésaventures. Un peu de la même manière que Mae a demandé après lui en se réveillant, son frère n'avait pas été enchanté d'apprendre qui l'avait trouvé. Il ne souhaitait cette découverte à personne. Mais il n'avait pas vraiment anticipé quoi que ce soit, ce jour-là.
— Pas moi, le détrompe curieusement le jeune reporter, secouant la tête.
— Ah bon ? s'étonne le grand brun.
Un sourcil haussé de perplexité, il réajuste machinalement son sac à son épaule. Bêtement, il avait perdu l'habitude de trimballer partout avec lui.
— Si je ne t'avais pas trouvé tout de suite, qui sait ce qui aurait pu se passer, se justifie Brennen dans son opinion.
Il pense surtout au premier des malheurs de la famille Quanto auquel il a assisté bien malgré lui. Ça n'a pas été une vision facile, certes, mais il est rétrospectivement bien conscient que ça aurait pu être encore pire, s'il était arrivé sur les lieux un peu plus tard qu'il ne l'a fait voire carrément s'il n'était pas arrivé du tout.
— J'aurais pu mourir. Ou en tous cas avoir des séquelles de mobilité dans ma main droite, concède l'intéressé, sans émotion particulière à la mention de sa propre fin.
— Et tu ne penses pas que ça aurait été dramatique ? le reprend son interlocuteur.
Perturbé par son degré de détachement, il s'assoit en arrière sur le bord de la surface intelligence sur laquelle il travaillait quelques instants plus tôt. Ils n'ont jamais vraiment été des amis proches, voire des amis tout court, mais il a lui-même été un peu obsédé par les pires scénarios, dans les jours qui ont suivi l'incident, avant de recevoir les premières nouvelles de son état. Et même après avoir été informé qu'il avait intégré un institut psychiatrique, il est resté dans l'appréhension de l'état d'esprit dans lequel il allait en ressortir. C'est d'ailleurs justement ce qui l'a amené à entamer la conversation avec Mae le jour de son enlèvement, non pas qu'il aurait pu prévoir ce qui allait se passer. Mais alors comment est-ce que, en tant que principal concerné par la situation, Caesar est capable d'une telle désinvolture ?
— Je pense que tu es allé chercher Uglow quand tu l'as fait, et qu'on a la chance de ne pas avoir à se poser la question, l'ancien interné répond simplement, en réalité plus zen qu'insensible.
Rien ne sert de s'attarder sur le passé et ce qui aurait pu arriver. C'est comme gravé dans le marbre, maintenant ; on ne peut plus rien y faire. Ce sur quoi on devrait plutôt se focaliser, ce sont les possibilités que l'avenir nous réserve. C'est souvent plus facile à dire qu'à faire, mais quand on y arrive, autant s'y tenir.
— Grâce au calme de Strauss, aussi, sinon j'aurais peut-être été trop lent par moi-même, ajoute Brennen, mettant un point d'honneur à accorder le mérite du sauvetage à tous ceux à qui il est dû.
— Strauss était là, se remémore brusquement Caesar dans un murmure.
C'est la première fois qu'il repense à ce détail à la lumière des nouvelles informations qu'il détient sur l'ancien enseignant. Il n'en avait rien pensé de particulier en l'apprenant par ses soignants, qui cherchaient à combler le silence qu'il imposait par son mutisme en lui racontant ce dont il ne pouvait pas se souvenir.
— Ouais. Il a été super. Il m'a sorti de ma stupeur et envoyé chercher Uglow, et c'est lui qui a gardé ta sœur à l'écart, confirme l'autre adolescent, sans remarquer à quel point son interlocuteur est soudain crispé, tout absorbé qu'il est par le souvenir du sang-froid du suppléant.
De la part de l'infirmier, il s'y attendait. Et après avoir eu vent de ce qui s'est passé dans sa classe le jour de la prise d'otage, peut-être qu'il aurait dû s'y attendre aussi de la part du mathématicien. Mais il reste néanmoins impressionné, et surtout reconnaissant.
— Ils étaient là ensemble, relève une fois de plus le grand brun, toujours à demi voix.
Il se rend à présent mieux compte qu'auparavant des potentielles implications de cette association. L'identité de ceux qui l'ont trouvé est l'une des premières choses dont on l'a mis au courant à son réveil. Ce n'est même pas le Docteur Conway qui s'en est chargé, c'était avant son transfert à Lakeshore. Il a d'ailleurs un souvenir assez vif de la culpabilité qui l'a étreint lorsqu'il a appris que Mae était présente. En revanche, s'il avait enregistré que Brennen, Strauss, et Uglow avaient également été impliqués, sur le moment, ça ne l'avait pas plus marqué que ça. Et bien que pendant son mutisme il avait soupçonné que sa petite sœur avait un secret au même titre que son père et son frère, il n'avait jamais envisagé que ça ait quoi que ce soit à voir avec le mathématicien. Et depuis qu'il a appris pour ses origines extraordinaires, il n'a pas repensé au fait que Strauss faisait partie des gens autour de lui ce jour-là. Était-ce donc réellement une coïncidence que sa cadette et lui se soient trouvés tous les deux dans ce couloir à ce même moment, ou bien est-ce qu'il y avait autre chose, une autre raison, un rendez-vous secret qu'ils se seraient donnés en rapport avec ce qu'elle savait déjà sur lui à l'insu de tout le monde ? L'adolescent a envie de penser que s'il avait des raisons d'être suspicieux il l'aurait déjà été, mais il ne voudrait pas trop se reposer sur ses instincts non plus.
— Coup de bol. De ce que j'ai compris, il passait simplement récupérer ses affaires avant le retour d'Hemmerson le lendemain, et Mae a fait une pause technique au bon moment. Il faut croire que vous êtes connectés, toi et ta frangine, commente Brennen.
Il est toujours aveugle à la réflexion interne de son collègue, mais pour sa défense, ce dernier la cache très bien, en plus du fait qu'elle repose sur des éléments dont le jeune journaliste ne peut pas possiblement disposer.
— Tu crois ça ? pouffe Caesar.
Il est sorti de sa stupeur par sa surprise d'entendre ce genre de proclamation ésotérique de la bouche du reporter, ordinairement intransigeant sur le besoin de preuves pour affirmer quoi que ce soit.
— J'ai quatre frères qui sont en zone de catastrophe ; quand j'ai des angoisses inexpliquées, je ne cherche pas si longtemps, répond pourtant Bren avec sérieux, mais sans prendre ombrage de la réaction pour autant.
Il n'a clairement pas été élevé dans un foyer croyant. Tout son arbre généalogique, sur toutes ses branches et aussi loin qu'il remonte, n'est composé que de cartésiens, pour certains même trop puristes. Et il doit bien admettre qu'il serait légitime de la part de n'importe qui, même sans bénéficier de ces informations, de présumer qu'il correspond à ce profil. Il a construit toute la persona d'FYI autour des faits et leur importance, après tout. Pourtant, de temps à autres, il s'autorise une incartade d'ouverture d'esprit vers des choses que peut-être il ne peut pas expliquer tout à fait. Il ne sait pas trop d'où il tient ça.
— L'intuition est basée sur des éléments concrets, même si tu n'en as pas conscience, déclare Caesar, puisqu'il en connaît désormais un rayon sur le sujet.
— Sans doute. Mais qu'est-ce que ça change ? lui soumet l'autre avec un petit haussement d'épaules.
Il ne voit pas en quoi cette affirmation entre en contradiction avec ce qu'il vient de dire.
— Il n'y a rien qui aurait pu souffler à Mae que j'allais faire ce que j'ai fait, puisque ce n'était pas prémédité de ma part. C'est juste une coïncidence, si elle s'est trouvée là, comme que toi tu te sois trouvé là, proteste calmement le grand brun.
Une chose est certaine : Mae n'a pas son intuition, pas même dans une moindre mesure. C'est une observatrice active. Elle serait plutôt du genre à ne pas savoir quelles conclusions tirer de ce qu'elle a remarqué que l'inverse. Mais même si ce n'était pas le cas, il n'y avait pour lui aucun signe avant-coureur de son geste. Ça lui est venu de nulle part. Il n'avait préparé ni ce qu'il a fait, ni où, ni quand. C'est forcément le hasard si Mae est sortie d'une classe voisine à ce moment-là, quelles qu'aient été ses raisons réelles pour le faire, en rapport avec son pote de l'espace ou non.
— D'accord. Eh ben tu peux dire ça à ma réputation qui est aujourd'hui que je porte la poisse à toi et aux tiens. Et dire que j'avais presque réussi à garder mon identité secrète sous le radar jusqu'à la fin du lycée ! objecte Brennen en riant.
Il ne juge pas pertinent de se lancer dans un débat véritable sur ce sujet, dans lequel les arguments relèveraient sans doute plus du ressenti que du tangible et dont par conséquent la validité serait impossible à estimer.
— Tu vois : tu es désolé aussi, finalement, relève Caesar avec un petit ton triomphal.
Ces mots les ramènent en effet à ses excuses initiales, qui n'avaient pas été acceptées. C'est crétin, mais il était un peu gêné par cette idée, par le fait qu'on puisse tout lui passer sous prétexte qu'il a eu un moment de faiblesse. Ce n'est pas une vision de lui-même qu'il apprécie.
— Mouais. J'aurais pu faire sans le coup de crosse de fusil au visage et les maux de têtes qui ont suivi, c'est vrai, admet le journaliste en grimaçant, même s'il n'y a absolument plus aucune trace de l'assaut sur sa pommette.
— Est-ce qu'Ellen t'a dit qu'elle allait voir Mae ce soir après les cours ? lui demande alors Caesar, pris d'une soudaine inspiration.
— Er… Oui, elle l'a mentionné, répond le journaliste, avec de gros yeux à sa propre minimisation de la réalité.
La petite marginale n'a qu'une hâte depuis le retour de son amie, et c'est bien de lui rendre visite. Elle saute dans tous les sens depuis qu'elle a obtenu le droit d'y aller aujourd'hui. Il ne fait que la croiser au détour des couloirs ou au réfectoire, et se demande bien comment Nelson fait pour la supporter presque en permanence. C'est une bonne excitation dont elle fait preuve, mais il aurait à sa place tout de même essayé de la calmer un peu depuis bien longtemps.
— Tu comptes l'accompagner ? le grand brun poursuit dans ses questions, suivant son idée.
— Je devrais ? s'étonne son collègue de cet enchaînement, notamment parce qu'il n'avait pas du tout considéré cette possibilité.
Malgré ce qu'ils ont traversé ensemble, Mae n'est pas une amie proche. Il est extrêmement soulagé qu'elle ait été retrouvée en un seul morceau et rendue à sa famille indemne. Apprendre qu'elle ne garde aucun souvenir de sa détention lui a fait plaisir également. Mais il ne ressent pas vraiment le besoin d'aller lui rendre visite pour autant. Maintenant qu'il y pense, il se sentirait comme un intrus.
— Je sais que Mae serait contente de te voir. Tu es la première personne après qui elle a demandé à son réveil, lui apprend cependant le frère de la petite blonde.
Officiellement, il est supposé y avoir assisté, alors on lui a relaté l'événement. Puisque la question a surgi sincèrement et avant même qu'il ne soit question de quoi que ce soit que leur famille doive désormais cacher, l'adolescent ne voit pas de raison de ne pas en faire part à celui qu'elle concerne.
— Oh, s'étonne Brennen de plus belle, pris de court.
Tout à son inquiétude pour elle, ça ne l'avait pas effleuré qu'elle ait pu s'inquiéter pour lui. Mais ça a sans doute du sens, en fait, si la dernière chose dont elle se souvient avant de se faire kidnapper c'est d'être en train de lui parler sur le trottoir.
— Tu n'es obligé de rien, évidemment, mais l'invitation t'est ouverte, Caes tempère son propos.
Il ne voulait pas mettre la pression à son camarade, et le voir ainsi bouche bée lui laisse deviner que c'est pourtant ce qu'il est en train de faire, alors il tente de rattraper le coup.
— Merci. Je vais y réfléchir, promet l'autre, hochant la tête, déjà en train d'y songer.
S'il décide qu'il se sent d'attaque pour s'incruster, il faudra de toute façon qu'il voie avec Ellen d'abord. Il ne voudrait pas ruiner sa réunion avec sa meilleure amie. Au pire, il passera un autre jour.
— D'accord. Cool. Er… En attendant, est-ce que t'as besoin d'aide ? Je ne sais pas si je peux te promettre un article, mais je suis là, donc bon, le grand brun change de sujet, jetant un œil sur le travail de mise en page en cours toujours affiché en-dessous de son interlocuteur.
Ce dernier se redresse pour suivre son regard, comme s'il se souvenait seulement d'où il se trouvait et de ce qu'il était en train de faire avant l'apparition de son collègue.
— Bah, je t'aurais bien proposé de la relecture, mais je n'ai que les titres, et encore, parfois seulement les sujets. En revanche, tu peux faire une passe sur les derniers tuyaux, si tu veux. Il faut que tout ait été archivé d'ici la fin de la semaine, donc on ne peut pas faire comme d'habitude et en laisser de côté pour plus tard, finit par offrir le jeune rédacteur en chef sans avoir trop besoin de réfléchir.
— Ça marche, accepte Caesar, faisant enfin glisser son sac de son épaule pour le déposer dans un coin.
— Merci.
— De rien.
Prenant une chaise, le grand brun s'assoit devant l'une des nombreuses tables intelligentes qui font le tour de la pièce, tandis que Brennen reste debout pour retourner à sa propre tâche. Avant de se replonger dans son état de concentration antérieur, il se fait seulement la remarque que Caesar semble tout à fait normal. Il ne s'était pas exactement projeté par rapport à la première fois où il le reverrait après sa sortie de son institut psychiatrique, ou en tous cas la première fois qu'il le reverrait après son apparition au Bal de Promo, mais il aurait pu penser qu'il serait un peu moins… stable. À tort, sans doute, puisque c'est justement le rôle de ces endroits, de recentrer les gens qui en ont besoin. Mais même avec son séjour là-bas, au milieu de tout ce que sa famille traverse en ce moment, il ne serait pas illégitime de sa part d'être un peu plus dispersé tout de même qu'il ne l'est là. Au moment d'envisager que peut-être il est sous traitement, le journaliste décide que ça ne le regarde pas, et se refocalise enfin sur son travail. De toutes les personnes qui auraient pu le rejoindre cet après-midi, Caes est en tous cas la plus silencieuse, et donc exactement la compagnie qu'il lui fallait.
De son côté, l'enfant du milieu est plutôt content de pouvoir se rendre utile. Il n'a pas trop l'impression d'avoir un rôle à jouer, chez lui. Il apprécie aussi que le malaise causé par la découverte de son retour semble être un cap rapidement passé par tout le monde. Margery n'a pas marché sur des œufs en le saluant, et maintenant Bren, sans doute le plus impacté par ce qui lui est arrivé, agit somme toute normalement. Il n'est pas dupe quant au fait qu'il se pose certainement encore beaucoup de questions sur son état d'esprit, comme tous ceux qui sont au courant de ce qu'il a fait lorsqu'ils le voient, mais tant qu'il n'est pas mis sur le banc ou traité préférentiellement, ça lui convient. Peut-être qu'il va en effet pouvoir trouver une nouvelle normalité.
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