2x10 - Au ralenti (5/19) - Maquillage
Un peu plus loin dans le couloir et un peu plus tard dans la matinée, Ben est assis en face de Maena dans sa chambre. Ils n'ont à vrai dire pas beaucoup bougé ni l'un ni l'autre depuis le passage du père dans l'encadrement de la porte, au moment de leur annoncer son départ. La jeune fille est sur le bord du pied de son lit, et le soigneur extraterrestre est sur un tabouret. Alors qu'elle a les yeux fermés, il passe ses doigts sur son visage, comme s'il y appliquait une pommade invisible. Elle s'efforce de rester impassible à ses gestes mais retient tout de même difficilement un tressautement chatouilleur à chaque fois qu'il effleure la base de l'une de ses oreilles. Il ne se laisse pour sa part pas perturber par ses petits sursauts, penchant la tête tantôt d'un côté tantôt de l'autre afin d'observer son ouvrage, qu'il est bien le seul à distinguer.
— Comme ça, ça devrait convenir. C'est supportable ? il déclare finalement, ramenant ses mains à ses genoux.
Rouvrant les yeux, elle grimace un peu dans tous les sens, comme pour vérifier que son visage n'a pas perdu en flexibilité.
— Mouais. Ça donne un peu la sensation du maquillage. Le genre qu'on porte à Halloween, où il y en a trois couches, elle commente son impression.
— C'est ce sur quoi j'ai basé la texture. C'est désagréable ? il continue de s'enquérir.
Il n'est visiblement pas certain de son effet et donc d'autant plus désireux d'en obtenir un compte rendu.
— Non, juste inhabituel. Ça se voit pas, au moins, t'es sûr ? la blondinette le rassure avant de l'interroger à son tour.
Machinalement, elle tourne la tête de droite à gauche, comme pour lui laisser voir, alors qu'elle sait très bien qu'il l'a eue sous les yeux pendant tout le temps où il l'a badigeonnée.
— Absolument pas, lui confirme tout de même le mécano avec un hochement de tête et un petit sourire fier.
Sur cet aspect-là, il était plutôt confiant. Maena est un territoire nouveau, mais il y a tout de même encore certaines compétences sur lesquelles il peut compter. Et le caractère invisible de ses interventions en est une.
— Et ça va tenir ? continue de le questionner l'adolescente.
Elle n'ose même pas porter ses mains à son visage. Mais comme elle doit déjà s'astreindre à éviter le contact avec les autres de manière générale, l'éviter avec elle-même lui paraît un effort moins considérable qu'il n'aurait pu l'être. Elle essaye toujours de trouver les bons côtés là où elle peut.
— Je ne m'inquiéterais pas pour tout ce qui est inanimé. Pour le reste, ça ne permettra pas un contact intentionnel prolongé, mais ça devrait rendre les proximités passagères inévitables sans danger.
C'est le degré de certitude le plus élevé que peut lui offrir Ben. Il ne prend pas ombrage du fait qu'il a déjà répondu à cette question avant qu'ils ne choisissent cette option pour protéger au mieux ses amis de ses accès de corrosivité, lors de leur visite. Il peut tout à fait comprendre sa terreur à l'idée de faire du mal à quelqu'un malgré elle. Il n'a lui-même toujours pas réussi à se sortir de l'esprit son souvenir d'avoir dû pousser un officier de Police contre un mur, lors de la mise en scène de son sauvetage, la semaine passée. Plus il y repense, plus il est presque certain d'avoir fait mal à l'inconnu, et ce malgré l'insistance de Patrick que tous les intervenants se portent comme des charmes. Et aujourd'hui, ce sont des personnes qui lui sont proches, que Maena va mettre en danger.
Avec un faible sourire, l'adolescente se lève et vient se placer devant son miroir sur pied, dans l'angle de la pièce, à droite de son bureau. Lorsqu'ils sont attachés, elle n'a presque pas l'impression que ses cheveux sont plus courts qu'ils ne l'étaient avant qu'elle se fasse enlever. Et encore, le changement est faible, puisqu'ils ont déjà eu le temps de reprendre un peu de longueur depuis qu'ils ont été coupés par ses kidnappeurs. Mais c'est pourtant bien là le seul signe visible qu'il lui est arrivé quoi que ce soit de particulier. Elle se demande si elle ne devrait pas être un peu plus pâle, ou plus maigre. D'après Gregor, elle aurait effectivement perdu du poids en captivité et ne l'aurait pas regagné depuis son retour, mais ce n'est rien de remarquable à l'œil nu. Elle est la même qu'avant. En apparence, en tous cas. Intérieurement, c'est une autre histoire, et c'est bien son comportement qui va faire toute la différence.
— Je porte un col roulé en Juin. Tout va bien. On dirait Greg… elle critique sa propre tenue, prévue pour diminuer les risques de contact entre elle et ce qui l'entoure, humains comme objets.
Elle passe son temps à tirer sur ses manches pour couvrir ses mains. Elle se demande si le tissu homien lui serait aussi rassurant s'il n'était pas la seule chose qui lui évite de tout détruire sur son passage. Elle apprécie également qu'il ne lui tienne pas aussi chaud qu'il pourrait, même si elle est bien incapable de dire s'il s'agit là d'une propriété du matériau, ou bien encore d'un nouvel écart de ses sensations.
— Tes amis t'ont vue en pull lors de vos appels vidéo, alors ça ne va pas les surprendre de te voir habillée de cette façon en personne aussi, la rassure son soigneur.
Il pivote sur son tabouret afin de suivre son déplacement dans la pièce, les mains entre ses jambes sur l'assise, dans une pose un peu enfantine.
— Je sais… elle écarte son inquiétude qui n'en était effectivement pas vraiment une, baissant la tête.
Si seulement il n'y avait que sa tenue d'étrange chez elle. Elle sait bien qu'ils vont lui faire grâce de beaucoup de choses, pas seulement d'avoir des manches longues, ou de rechigner au contact, ou de ne rien manger. C'est déjà ce qui se passe avec sa famille. Elle pourrait se mettre à hurler et jeter des objets dans tous les sens qu'ils ne lui en tiendraient sans doute pas rigueur. Et quelque part, elle est reconnaissante qu'ils soient aussi compréhensifs, mais par ailleurs, elle est hérissée par cette façon qu'ils ont de tourner autour d'elle comme si elle était faite de verre.
— Est-ce que ça va ? s'alarme soudain Ben, sentant l'humeur de sa patiente descendre brusquement.
— Oui, oui, c'est rien.
Maena ramène ses yeux à lui par l'intermédiaire du miroir, se forçant à lui sourire. Il fronce les sourcils à ses yeux humides, et se lève à son tour :
— Tu es en train de pleurer, il remarque.
— Oui, mais c'est parce que je suis contente, elle se justifie, sans cesser de sourire, même amusée qu'il soit aussi observateur.
De beaucoup d'autres personnes, une telle insistance sur les détails l'agacerait sans doute, mais venant de Ben, elle l'accepte.
— Pas que parce que tu es contente… il proteste.
Il est beaucoup trop perceptif pour se laisser convaincre si facilement, après tout.
— Je peux être contente et pas contente en même temps, ça arrive ! elle insiste avec un haussement d'épaules presque exaspéré, se forçant à regarder en l'air pour éviter que ses larmes ne coulent.
Avec le bol qu'elle a, ça pourrait complètement ficher en l'air tout le travail de l'extraterrestre sur sa peau. Ou pire, avoir une réaction adverse.
— Pourquoi est-ce que tu n'es pas contente ? demande Ben naïvement, ce qui fait encore s'élargir le sourire de la jeune fille.
— Parce que je vais enfin revoir mes meilleurs amis aujourd'hui, et je ne vais pas vraiment pouvoir en profiter parce qu'il va falloir que je fasse attention à ne pas les toucher sous peine de les défigurer, elle résume ce qui l'attend en fin de journée.
Elle est partagée entre penser que ça ne peut pas venir assez vite et vouloir repousser ça au plus tard possible. Ils lui manquent et elle sait qu'elle leur a beaucoup manqué aussi, mais si elle leur faisait du mal ? Ou même seulement leur laissait voir quoi que ce soit qui pourrait les conduire à se retrouver entraînés dans toute cette histoire folle ? Elle leur fait une confiance absolue, mais elle ne peut pas leur imposer ça pour autant. Sa vie a déraillé, mais ça ne signifie pas qu'elle a le droit d'entraîner tout le monde autour d'elle dans sa chute.
— Tout sera beaucoup plus simple pour toi lorsque ton sens du toucher se sera stabilisé, l'encourage le jeune Soigneur.
Bien qu'il ne puisse rien y faire dans l'immédiat, il soupçonne que toutes ou en tous cas la plupart les difficultés qu'elle rencontre sont liées à cet unique symptôme.
— Ouais, et bah c'est pas près d'arriver, j'ai l'impression ! Maena s'agace de cette promesse.
Bien qu'elle le sache sincère, sa projection lui paraît beaucoup trop loin dans le temps pour être réellement rassurante.
— J'aimerais que Kayle soit là, souhaite alors le grand brun.
Il est toujours aussi abattu par l'absence de son aîné. Hormis Patrick, qui est plutôt frustré de la maigreur de la punition, personne d'autre que Ben n'a laissé transparaître quoi que ce soit de son ressenti vis-à-vis du sacrifice de l'ancien tueur en série. Gregor, qui a pourtant travaillé avec lui chaque jour depuis son arrivée chez eux, a laissé les choses se faire sans broncher. Mais il ne se positionne sur aucune question, après tout. Est-ce qu'on lui donnerait seulement une voix s'il essayait d'en avoir une ? Maena elle-même aurait bien aimé protester plus fortement au rôle de bouc émissaire de l'ancien Soigneur, mais en dehors du fait que tout était déjà en marche avant-même son réveil, elle sait qu'elle demande déjà beaucoup de clémence à ses proches de manière générale, et ne voudrait donc pas en abuser. Elle n'en pense cependant pas moins.
— C'est probablement horrible de notre part de souhaiter ça, mais je suis un peu d'accord avec toi, elle confirme, solidaire de ce sentiment.
Lorsqu'il était encore parmi eux, Kayle n'a pas correspondu à l'image qu'elle s'était faite du terrible tueur en série que lui avait dit traquer Strauss. Son visage d'ange n'aide déjà pas à se rappeler qu'il est capable d'horreurs, et sa façon d'être est juste un peu excentrique, pas malsaine. Il lui a fait penser à Greg en un peu plus exubérant, un genre de scientifique fou et brillant, mais pas fondamentalement méchant, juste un peu déconnecté du monde réel. Elle est déjà impressionnée par les Homiens de manière générale, alors qu'aucun d'eux ne leur veut du mal, elle s'était donc imaginé que quelqu'un avec leurs capacités et l'intention de nuire serait particulièrement effrayant. Mais sans doute ne faut-il pas oublier qu'on lui avait déjà fait passer ses velléités funestes lorsqu'elle l’a rencontré. Peut-être qu'il était tout ce qu'elle imaginait et pire encore, avant ça.
— Il saurait quoi faire, continue Ben dans ses vœux, songeur.
— Comment ça ? relève l'adolescente.
Elle se détourne de son miroir pour faire à nouveau face à son interlocuteur. Sans qu'elle sache pourquoi, quelque chose lui souffle que ce qu'il vient de dire ne tient pas des paroles en l'air. L'avantage de la superposition de la communication homienne à une langue terrienne, sans doute.
— Il avait une idée de comment remettre ton toucher à zéro, mais il n'a pas eu le temps d'aller au bout avant de devoir se rendre, mentionne le mécanicien.
Il révèle cette information comme si c'était un détail. Pour lui, ça l'est. Une pensée inachevée ne peut pas se concrétiser, et encore moins lorsque sa source est indisponible.
— T'es sérieux, là ? hallucine Maena en face de lui, ses yeux soudain écarquillés.
— Ça m'a semblé brutal, comme beaucoup de ses solutions, mais pas impossible en théorie, il confirme indirectement, tout en pensant justifier pourquoi il n'a pas parlé de tout ça avant maintenant.
Ce n'était qu'une bribe d'idée, même pas entièrement prononcée à haute voix, un bref flash d'inspiration, un soir où il lui a passé le flambeau de veiller sur la jeune fille. Il ne sait même pas si son congénère blond a continué à creuser dans ce sens, depuis là où il est.
— Est-ce que tu ne peux pas reprendre le fil de son raisonnement ? suggère sa patiente.
Elle est soudain si pleine d'espoir qu'elle en ignore les risques qu'il vient de sous-entendre. Ben ne saurait pas nommer la sensation qui l'étreint comme le regret, mais il se rend bien compte qu'il aurait sûrement mieux fait de ne pas aborder ce sujet. Sauf que c'est trop tard, maintenant.
— C'est d'une technicité bien trop poussée pour moi. Je ne suis pas aussi avancé que Kayle dans mes capacités. Il n'était déjà pas certain de pouvoir effectuer la manœuvre lui-même avec succès, alors si c'est moi qui m'en charge… il expose, apportant plus de raisons encore pour lesquelles cette avenue ne lui paraît pas la bonne.
— Je ne peux pas me doucher. Je ne peux pas manger. Je ne sais jamais quand est-ce que je peux toucher les gens ou même les objets sans danger. Tu ne peux pas me donner de l'espoir et le reprendre comme ça ! s'exclame l'adolescente en face de lui, listant tout ce qu'elle doit subir uniquement à cause de sa peau qui ne se comporte pas comme elle le devrait.
Si qui que ce soit peut trouver comment réparer ce qui cloche chez elle, c'est bien Kayle. Il est brillant. Et téméraire. Il a de l'expérience et de la créativité, et il n'a jamais peur de s'en servir. Et si quelqu'un peut mettre en œuvre ses idées folles, c'est Ben. Il est beaucoup plus jeune, c'est vrai, mais ce qui lui manque en âge il compense en talent pur. Elle a bien vu la façon dont le blond regardait parfois son cadet travailler. Il était impressionné, et pas qu'un peu.
— Maena. En admettant que je sois capable d'émuler Kayle – ce qui est loin d'être assuré – la procédure qu'il avait commencé à imaginer serait extrêmement douloureuse. Au point peut-être de te tuer. Ton père n'accepterait jamais ça. Et il ne serait que le premier de la liste.
Les mains du mécano sont liées sur ce point. C'est l'autre raison pour laquelle il n'a fait part à personne de la graine d'idée de Kayle. Même si c'était à portée, ce serait sans doute rejeté par la majorité. Mae écarte cependant instantanément cet obstacle, comme s'il n'était rien :
— On n'a pas besoin de demander la permission à qui que ce soit.
— Je crois que les gens remarqueront si on s'enferme dans une pièce et que tu te mets à hurler… se permet de lui soumettre Ben, pragmatique et toujours aussi opposé au conflit.
Il est là pour rendre service. Il ne veut pas aller à l'encontre des souhaits de qui que ce soit. Il a pris pour règle de n'agir qu'à l'unanimité des partis concernés, tout particulièrement depuis que Jena a refusé son aide pour son épaule et sa cheville. Elle s'est ravisée entre temps, mais sa réaction première n'en était pas moins légitime pour autant.
— Alors… on fait ça quand la maison est vide, problème réglé.
Dans son impatience d'aller mieux, la petite blonde réfléchit à cent à l'heure. Elle a déjà caché des choses à son père. Et même s'il n'était pas content, ça a joué en sa faveur, au final, car si elle n'avait pas gardé le secret des Homiens, ils ne seraient probablement pas venus à son secours quand elle s'est fait enlever. Il sera fâché là aussi, mais si c'est le prix à payer pour aller mieux, est-ce que tout le monde n'y gagnera pas, au bout du compte ?
— Maena, le mécanicien prononce simplement son prénom.
Il imagine que ce simple appel pourrait suffire à la ramener à la raison, sans penser à tirer avantage de sa grande taille. Au contraire, le fait qu'elle lève le menton vers lui aurait plutôt tendance à l'apitoyer lui que l'intimider elle. Mais il reste hésitant. En dehors du fait qu'avec le nombre d'allées et venues, ces derniers temps, la maison ne se trouve jamais vide, agir dans le dos de tout le monde ne paraît pas raisonnable. Et puis, elle ne doit pas bien se rendre compte de ce que se mentir entre Homiens représente. Au-delà de la manœuvre évoquée en elle-même, la cacher à ses congénères relèverait de l'exploit également.
— Si j'arrive à organiser ça, est-ce que tu serais prêt à au moins essayer ? propose la jeune fille, tentant un compromis.
Maintenant qu'elle a son objectif en vue, elle ne compte pas lâcher l'affaire si facilement.
— Je… Ben hésite encore.
Il ose à peine s'imaginer la réaction de Strauss s'il faisait le moindre mal à leur protégée, même par accident, sur sa demande, et en partant d'une bonne intention. Le Diplomate n'est pas très prolifique en termes de prouesses homiennes, c'est le moins qu'on puisse dire, mais si quelque chose devait le déverrouiller ce serait certainement l'arrivée d'un malheur à Maena. La façon dont il a menacé Gregor le jour où ils sont venus la sauver et qu'ils ont dû la lui laisser, tout le monde l'a ressenti au plus profond de lui, même ceux qui n'étaient pas dans la pièce avec eux.
— Ben. Ça fait combien de fois que tu me sauves la vie ? Tu as rattrapé le coup de Strauss qui m'a empoisonnée sans le faire exprès, tu m'as surveillée pendant que j'étais je-ne-sais-où, et aussi depuis que je suis revenue, endormie comme réveillée. Tu es littéralement la seule raison pour laquelle je ne suis pas morte de faim à l'heure qu'il est. Si je n'ai pas confiance en toi, je ne sais pas en qui je dois l'avoir, l'adolescente encourage l'extraterrestre.
Elle s'épate toute seule de la vitesse à laquelle tous ces arguments valides lui sont venus. Mais ça ne fait que prouver à quel point ils sont écrasants, non ?
— Laisse-moi encore un peu de temps pour mûrir l'idée avant de me mettre devant le fait accompli, d'accord ? il négocie à son tour.
Il peut difficilement résister à son regard suppliant, mais il n'est tout de même pas suffisamment à l'aise avec la procédure envisagée pour promettre de la mettre en pratique. Même si Kayle avait su comment aller au bout de son idée, ils sont différents, et donc la mise en œuvre de toute intervention ne peut pas être la même pour l'un comme pour l'autre. Il faut non seulement qu'il complète un raisonnement qui n'est pas le sien pour commencer, mais aussi l'adapte.
— Combien de temps ? la blondinette entre malgré elle dans les pourparlers, prête à le ménager s'il le faut vraiment.
Une part de la validité des mises en gardes du Soigneur se fraye aussi peut-être enfin un chemin dans son esprit. Si elle a confiance en lui, elle doit donc avoir confiance en ses doutes, aussi.
— Suffisamment pour que je sois sûr que ça ne va pas te tuer, ou qu'au moins je serai en mesure de te ramener si c'est le cas, il pose comme limites.
Il est estime que c'est là le strict minimum pour accepter de faire quoi que ce soit.
— Ce n'est pas une durée, ça, elle se permet de lui faire remarquer, croisant les bras.
— Redemande-moi dans une semaine, peut-être ? Avec un peu de chance, j'aurai réussi à entrer en contact avec Kayle d'ici là, il s'affole, jamais à l'aise avec les estimations de temps.
En ce qui le concerne, les choses prennent le temps qu'elles prennent et il a du mal à concevoir cette nécessité des Humains de tout calquer sur le même étalon. Heures, minutes, secondes, et même jours, mois, années… C'est tellement arbitraire ! La rotation d'une planète et la vibration d'un minéral ne devrait regarder que cette planète et ce minéral, et pas grand-chose d'autre autour.
— Tu es génial ! s'exclame Maena avec enthousiasme, sautillant sur place à présent.
Elle lui sauterait bien dans les bras, mais en dehors du fait qu'elle n'est pas certaine que Ben serait réceptif à une démonstration d'affection sous cette forme, elle a pris l'habitude depuis son réveil de se modérer dans ce type d'élans. Même si les Homiens sont tous totalement insensibles à ses accès de causticité – ou en tous cas s'en remettent sans broncher –, elle préfère ne pas prendre le risque d'oublier un jour que ce n'est pas l'un d'eux qui lui fait face. Elle ne se considère pas comme quelqu'un de particulièrement tactile, et pourtant s'astreindre à cette retenue lui a été difficile.
— On verra…
Le grand brun ténébreux aimerait tempérer ses ardeurs, à nouveau étreint par la sensation de remord qui s'est déjà abattue sur lui un peu plus tôt. Il ne voulait pas lui donner de faux espoirs.
— Même sans ça, ne serait-ce que pour aujourd'hui, tu es génial, elle insiste, tout sourire, avant de tourbillonner sur elle-même dans sa liesse, terminant face à son miroir à nouveau.
— On verra aussi ! il continue de protester à ses louanges dans son dos, humble dans sa prudence.
Elle éclate de rire à son manque de confiance en lui. Elle n'a plus peur, ou en tous cas plus comme tout à l'heure. Tout ne va pas être tout rose dans ses retrouvailles en personne avec ses amis, mais ce n'est qu'une mauvaise étape à franchir. C'est comme si elle était malade et devait faire attention de ne pas les contaminer, voilà tout. Ça va passer. Il y a de la lumière au bout de son tunnel, maintenant. Devant l'impuissance de tout le monde jusqu'ici, elle avait sérieusement considéré l'idée qu'elle passerait le restant de ses jours dans ces conditions. Elle est bien contente que l'heure de se résigner ne soit pas encore venue.
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