2x09 - Plein phare (19/19) - Bons derniers
Comme prévu, Mae ouvre les yeux sur le plafond de sa chambre, sans le souvenir d'avoir quitté la pièce. Mais elle s'est déjà réveillée dans son lit auparavant sans que les choses ne soient ce qu'elle pensait, alors elle se redresse précipitamment pour s'assurer que tout est normal autour d'elle. Ou en tous cas, tel qu'elle s'y attend… Une vague de soulagement la submerge lorsqu'elle découvre Caesar à son chevet, à qui son mouvement brusque fait relever les yeux de sa lecture. Il l'accueille avec un sourire tranquille, et pose la tablette qu'il a entre les mains sur le meuble le plus proche.
— Salut, toi.
— Caes ! elle s'exclame avec un immense sourire pour sa part.
Elle savait qu'il serait là à son réveil, c'était convenu, mais elle est quand même infiniment heureuse de l'avoir en face d'elle. Il est la seule personne qui lui a réellement manqué, dans toute cette histoire. De son point de vue, il n'y a que de lui qu'elle a été séparée pendant plus d'un mois ; elle était déjà impatiente de le retrouver avant même de se faire enlever.
— Il était temps que tu te réveilles, je commençais à le prendre personnellement, raille l'adolescent.
Il fait référence à son premier retour à la maison, le soir du Bal, lorsqu'elle était encore pour ainsi dire comateuse. D'après la façon dont le père a raconté l'épisode à sa fille, ce soir-là a été particulièrement riche en émotions. Il attendait pourtant le retour de ses deux plus jeunes enfants avec impatience, mais ni l'un ni l'autre ne s'était déroulé comme il l'aurait espéré. Le fait que Caesar débarque à l'improviste le soir-même où Gregor a été ramené par Sieg et Vlad n'était vraiment pas l'accueil qu'il souhaitait lui offrir. Quant au fait qu'il découvre sa sœur inconsciente juste après avoir appris qu'elle avait été kidnappée, le patriarche ne saurait pas dire si ça a été pour le mieux ou non. Il aurait préféré qu'il apprenne l'une comme l'autre de ces informations de manière contrôlée.
— Ne viens pas plus près de moi, parce que sinon je vais pas pouvoir me retenir de te prendre dans mes bras, Mae met en garde son frère alors qu'il se penche en avant sur son fauteuil.
Elle s'agrippe pour sa part à ses draps afin de contenir son élan d'affection. La dernière fois qu'elle l'a vu, il était en bien piètre état, pâle et ensanglanté. Il a largement plus fière allure aujourd'hui, même si elle se demande comment elle va se faire à sa nouvelle coupe de cheveux. On l'avait prévenue, mais ça reste un pli à prendre. Quoi qu'il en soit, elle est ravie de le retrouver. Mais elle redoute ce qui pourrait se passer s'il s'approche trop…
— J'ai entendu dire que tu t'étais dégotté des super pouvoirs, ouais, il paraphrase les raisons qu'on lui a données pour expliquer qu'il ne puisse pas entrer en contact physique avec sa petite sœur.
Sa peau ne sécrète pas un composé caustique en permanence, donc il doit sans doute y avoir moyen, si ce n'est pas pour elle de contrôler ce genre d'accès, au moins pour un remède extérieur d'être envisagé. Mais puisque les deux solutions sont encore loin d'être réalité l'une comme l'autre, prudence est mère de sûreté. Il reste encore quelques marques de brûlure dans la maison auxquelles les Homiens n'ont pas encore remédié, et si elle peut faire de tels dégâts sur du parquet, personne ne veut découvrir ce qu'elle peut faire sur la chair humaine.
— Je sais pas si je dirais ça comme ça… elle grommelle en baissant les yeux, moins optimiste que son frère sur la question de sa corrosivité.
— Et tu t'es fait des potes venus de l'Espace, aussi. On peut pas tourner le dos deux minutes, avec toi ! il enchaîne sur une autre nouvelle surprenante qui lui a été transmise au sujet de sa cadette, lui donnant une fois de plus une tournure positive.
À lui parler, il se rend peu à peu compte qu'elle est la première personne qu'il peut se permettre d'être ouvertement content de retrouver à sa sortie de l'Institut. Sa réunion avec son père ne s'est pas déroulée sous les meilleurs auspices, et celles avec son frère et son oncle ont été placées sous les mêmes signes funestes. Il se demande à la fois s'il va avoir l'occasion de célébrer son retour auprès d'eux en bonne et due forme, et s'il en a seulement envie.
— Je pouvais rien dire ! Ils m'ont dit que savoir était dangereux, Mae s'empresse de se justifier, à propos de sa connaissance des Homiens.
Elle a pu constater cette semaine l'opinion du reste des hommes de sa famille par rapport à ce qu'elle leur a caché. Son père semble particulièrement secoué qu'elle ait été capable de dissimuler un secret aussi énorme. Il a aussi l'air un peu méfiant de la relation qu'elle peut bien avoir avec les aliens, tout reconnaissant qu'il soit de l'aide qu'ils apportent. Mais vu qu'elle ne saurait pas elle-même définir précisément ce qu'ils sont pour elle et ce qu'elle est pour eux, il ne risque pas d'être fixé de sitôt.
— Dans ton cas, ça a plutôt été salvateur, de ce que j'ai compris, commente Caesar, sans rancune.
Il ne lui tient pas rigueur de sa décision de garder le silence. Non seulement il peut la comprendre, mais il ne juge pas qu'elle soit la plus cachottière de la famille, en l'occurrence. Surtout que c'est aussi la seule à avoir l'excuse de sa jeunesse pour prendre des décisions un peu moins défendables peut-être. Étant lui-même adolescent, il sait combien tout peut très vite se chambouler. Le caractère discutable de certains de ses propres choix n'est plus à souligner. Il pensait en revanche que cette tendance à l'impulsivité se calmait à l'âge adulte…
Mae considère un instant cette vision de cet aspect de sa situation. Pour toute l'angoisse que sa rencontre avec une forme de vie extraterrestre lui a apportée, il est vrai qu'elle ne peut pas nier qu'ils lui ont sauvé la mise à chaque tournant. Malgré leurs menaces, ils n'ont fait que venir à son secours et la protéger, jusqu'ici. Elle se sent effectivement chanceuse de les compter parmi ses alliés.
— J'ai encore du mal à me faire à l'idée que vous êtes tous au courant. Et qu'ils sont là. Et Jena ?
Elle prend le relais du bilan des bouleversements qu'ils traversent tous les deux, que son frère était bien parti pour établir. Les talents de la petite amie de leur aîné, ex petite amie maintenant d'ailleurs, sont en fin de compte ce qu'il l'a le plus surprise à son réveil. Elle savait que son père travaillait pour l'armée, et que les risques inhérents à cette position sont aussi variés qu'inattendus. Et elle savait pour les Homiens, y compris le tueur en série parmi eux. Mais que la brunette qu'ils ont hébergée et avec qui son frère est sorti soit un genre d'agent secret, elle ne pouvait pas s'y attendre. Elle la trouvait déjà super cool, mais elle était loin de se douter à quel point. Certes, la jeune femme se sent responsable de son enlèvement, pense tout bas qu'elle aurait pu l'éviter si elle avait été honnête sur les raisons de sa présence et ses soupçons ensuite, mais Mae n'y croit pas.
— T'es sérieuse, là ? J'ai eu un rattrapage intensif en l'espace d'une semaine ! Aliens compris ! J'ai l'impression d'avoir englouti cinq saisons d'une série thriller ; j'ai la tête à l'envers, Caesar s'offusque en riant.
Il estime qu'il a quand même eu largement plus à assimiler à sa sortie que sa frangine à son réveil, bien que ce ne soit pas une compétition. Quelle que soit la brutalité avec laquelle ils y ont été jetés, ils sont tous dans le même bateau, à présent.
— En parlant de super pouvoirs… elle lui retourne alors son commentaire d'un peu plus tôt.
Malgré les objections de son frère, elle a aussi appris des choses à son sujet, même si pas autant que lui au sien. Elle le taquine gentiment d'un jeu de sourcils. Sans perdre le sourire, il soupire en comprenant qu'elle veut faire référence à son diagnostic, effectivement tombé après son enlèvement.
— C'est hyper, pas super, il corrige dans un grommellement, les yeux baissés sur la moquette entre ses pieds.
Il considère moins son intuition comme un super pouvoir que les incartades physiologiques incontrôlées de sa petite sœur. Il ne conçoit même pas d'en faire sciemment usage, alors que ça reste une possibilité pour elle. Pour le moment, tout ce qu'il essaye de faire, c'est de ne pas la subir, d'arriver à la gérer, mais puisque tout se passe malgré lui, il ne voit pas très bien comment il pourrait volontairement l'employer. Travailler ses capacités d'observation ne l'aide qu'à mieux comprendre a posteriori, rien de plus. En tous cas, jusqu'ici.
— Tu m'as manqué, tu sais, Mae conclut cette compétition qui n'en était pas une.
Elle n'a pas d'autre moyen de le lui faire savoir, à défaut de pouvoir le prendre dans ses bras, alors elle le dit. La communication sentimentale au sein de leur famille, comme dans beaucoup de familles d'ailleurs, est le plus souvent non verbale. Ils se singent, se donnent des coups d'épaules, se vautrent ensemble dans le canapé… Mais Mae est désormais un peu limitée dans ce département.
— Toi aussi. Même si j'avais aucune idée d'à quel point tu étais loin ! il lui rend son sentiment.
Il est revenu à ce ton volontairement joueur qu'il a pris dès son retour à elle. Il sait qu'il ne peut pas lui faire oublier ce qui se passe ou ce qui s'est passé. Et ce ne serait pas une bonne idée de toute manière, ce n'est pas comme ça qu'on avance. S'il peut en revanche lui offrir un semblant de trêve de tous ces regards sérieux et inquiets autour d'elle, il ne va pas se gêner. Ils ne peuvent ni l'un ni l'autre retourner en arrière, rien ne sert de faire de la résistance à leur nouvelle normalité. Ce n'est ni bien ni mal, ce sont juste les faits. Il comprend bien sûr tout à fait pourquoi tout le monde les surveille comme le lait sur le feu, mais puisqu'ils sont deux au centre de l'attention, autant s'épargner l'un l'autre.
S'il est évidemment horrifié de ce que sa petite sœur a traversé, et infiniment reconnaissant qu'elle n'en retienne aucun souvenir, il doit admettre apprécier ce sentiment de solidarité qu'il éprouve depuis son retour. Pas qu'avec elle, d'ailleurs. Il pensait rentrer chez lui en mouton noir et maillon faible, le seul endommagé de la bande, et pourtant, depuis qu'il a franchi les murs de l'Institut, il est écrasé par cette forte impression d'être une pièce essentielle d'un puzzle invisible, le dernier membre d'une équipe qu'on attendait encore pour pouvoir cesser de subir et enfin passer à l'offensive. Il ressent l'équilibre, aussi bizarre que ça puisse paraître en les circonstances.
Bien qu'elle ne puisse pas deviner ce qui est en train de lui passer par la tête, Mae partage sans le savoir son avis. Elle n'est au cœur de l'action que depuis une semaine à peine, et pourtant elle s'était déjà rendue compte que tout était encore un peu bancal sans la meute au complet. C'est comme si, maintenant que Caesar était là, tout allait bien se passer. Et elle sait qu'elle ressentait déjà le vide laissé par son absence de cette façon avant son enlèvement. La situation ne fait qu'exacerber à quel point aucun membre de leur famille n'est superflu, aussi discrète sa participation puisse-t-elle paraître.
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