2x09 - Plein phare (4/19) - À plat
Caesar déteste la façon dont son cerveau fonctionne. Il la déteste. Il pensait avoir atteint un certain niveau de lucidité, au cours de son séjour à l'Institut, avoir appris à canaliser ses intuitions, réussi à prendre du recul sur le peu qu'il savait clocher autour de lui, avec son père, son frère, et même sa sœur. Il pensait vraiment avoir tiré les conclusions nécessaires pour que son retour puisse se faire à peu près sereinement. Il était supposé avoir besoin de, quoi ? Peut-être deux ou trois conversations cœur à cœur, avant que tout puisse rentrer dans l'ordre ? Pas plus. Et une fois que tout aurait été révélé au grand jour, tout aurait été plus simple. Mais il a gravement sous-estimé l'ampleur de la situation. Malgré toutes les discussions qu'il a déjà eues sur le sujet depuis qu'il s'est retrouvé malgré lui plongé en plein dedans, il est assez clair qu'il va encore avoir besoin de beaucoup avant que les choses ne puissent revenir à la normale. Si elles peuvent seulement y revenir.
Il déteste la façon dont son cerveau fonctionne parce que ses stupides méninges font encore des heures sup, plus d'une semaine plus tard, pour mettre en relation tous les nouveaux éléments qui lui ont été fournis depuis le Bal de Promo. Comme si tout ne lui avait pas été expliqué suffisamment clairement… Et le pire, c'est qu'il ne contrôle pas le processus, ça se fait malgré lui, à son insu, comme un réflexe qui au lieu de le soulager lui donne la migraine. Même vomir a un impact positif, mais pas sa façon d'assimiler, apparemment. Il pensait avoir apprivoisé cette petite boule inexpliquée qui se forme au creux de son ventre de temps en temps, mais c'était sans compter la possibilité d'en avoir beaucoup plus qu'une en même temps.
Bien que ça n'ait en fin de compte pas été le plus révélateur de tous les échanges qu'il a eus ces derniers jours autour de ce qui est arrivé à sa sœur et pourquoi, il n'arrête pas de repenser à son retour à la maison ce soir-là. Sans doute parce que c'est là que tout a basculé, à ce moment-là qu'il a su que, pour toute sa préparation, il ne pourrait pas revenir à un état antérieur, même légèrement différent. Non, il allait être obligé de prendre un train en marche et s'en accommoder tant bien que mal.
— Er… Vous êtes qui ? Et pourquoi est-ce que tout le monde au bahut semble penser que ma petite sœur s'est fait kidnapper quand elle est juste là ? il avait demandé, incapable de faire sens de la scène qu'il avait sous les yeux.
Après avoir quitté Jack et Brennen, il était rentré à la maison pratiquement en courant. Ça n'avait pas exactement été confortable, en costume, mais il ne s'en était pas formalisé, en chemin trop préoccupé par ce qu'il allait demander en premier : des explications, ou bien comment est-ce que tout le monde allait en les circonstances. Et sans qu'il puisse savoir si c'était une bonne ou une mauvaise chose, le choix avait été fait pour lui.
Il était entré sans frapper, à la fois par habitude et parce qu'il était pressé, et comme il avait entendu des voix à l'étage, c'était tout naturellement là qu'il s'était dirigé en premier. En arrivant sur le seuil de la chambre de Mae, il n'avait alors pas manqué de remarquer qu'elle était non seulement dans son lit, où il ne l'attendait certainement pas, mais aussi et surtout entourée de quatre hommes qui lui étaient tous totalement inconnus. Et s'ils semblaient suffisamment à l'aise pour avoir été autorisés à être là, l'allure de ces étrangers n'avait rien de rassurant pour autant. Leurs tenues, leurs visages, leurs blessures…
Ils l'avaient tous dévisagé, certains devant se retourner pour le faire, puis ça avait été une curieuse succession d'échanges de regards entre eux, comme s'ils cherchaient à élire en silence qui allait répondre, et surtout essayaient de se mettre d'accord sur quoi. Le seul homme aux cheveux sombres de la bande avait rapidement baissé les yeux, tandis que le plus petit des trois blonds avait semblé chercher à obtenir une sorte de permission de la part des deux autres, qui n'avaient pas donné l'impression d'être prêts à prendre une décision.
— Caesar ?
C'est la voix de son père qui avait fini par lui parvenir en premier, depuis le rez-de-chaussée, après ce qui lui avait paru une éternité.
— Papa ! Qu'est-ce qui se passe ?
Le choc de sa découverte, ou même carrément sa succession de découvertes, se transformant peu à peu en témérité, il avait immédiatement pris son géniteur à parti. À ce stade, il n'était déjà plus du tout essoufflé de son trajet, ce qui lui avait fait penser que le passage du temps ne lui était peut-être pas si distendu qu'il n'en avait l'impression.
— Tu es là… avait murmuré Alek, lui aussi ahuri par ce qu'il voyait.
En plus de ne pas s'être attendu à voir son fils, il était assez clair sur son visage qu'il le reconnaissait à peine.
— Oui, je suis là. J'ai 18 ans ; le Docteur Conway n'est pas tenue de te dire lorsqu'elle me laisse sortir. Et je ne savais pas si j'allais passer par ici. Jusqu'à ce que j'apprenne pour Mae. Pourquoi est-ce que tout le monde croit qu'elle a été enlevée ? Caesar avait répondu d'une traite.
Il n'avait pas eu la patience de ménager son père quant à sa présence alors que ce qu'il venait de découvrir lui semblait bien plus alarmant.
— Parce qu'elle l'a été. Mais on l'a récupérée, avait simplement répondu son géniteur.
Ce n'était pas suffisant, mais il était encore trop surpris par la vue de son fils pour faire mieux.
— Alors pourquoi personne n'est au courant ? Est-ce que ça vient d'arriver et j'ai le meilleur timing du monde ? avait insisté l'adolescent sur le ton du sarcasme, la témérité se changeant en effronterie sous le coup de la frustration de ne pas recevoir de réponse claire.
Un nouveau silence s'était écoulé, durant lequel le père n'avait pas pu s'amener à mentir à son fils une fois de plus. Alors, il n'avait rien dit, incapable de trouver les mots. Vladas et Siegfried étaient restés interdits également, tandis que Kayle râlait intérieurement au temps qu'avait mis Chad à réagir à l'intrusion, ignorant complètement la confrontation qui était en train de se dérouler.
— … Non, c'est parce que, d'après la législation en vigueur, les sujets d'expérimentation humaine illégale sont systématiquement euthanasiés, avait finalement osé trancher Gregor.
C'est le seul qui n'avait rien à perdre. Et il a jugé que le frère de sa patiente était tout à fait en droit de savoir ce qui lui était arrivé.
À ses mots, tous les regards qui le pouvaient s'étaient tournés vers lui, pour diverses raisons, ce dont il n'avait pas semblé se formaliser outre mesure. Difficile de dire s'il n'en avait pas la force ou tout simplement pas l'idée. Toujours en bas des escaliers, Alek avait fermé les yeux et baissé la tête.
— Expérimentation humaine ? Et vous êtes qui, d'abord ? Caesar avait interrogé l'homme à lunettes.
Il n'avait pas remis en cause sa parole. Son ton était trop assuré pour qu'il mente. Ce qui avait en revanche laissé l'adolescent perplexe, c'était autant ses traits inconnus que ses ostensibles blessures. Qui était ce type ?
— Je suis… celui qui la lui a fait subir, avait simplement répondu le scientifique, hésitant plus par crainte de brusquer son interlocuteur que par honte.
Pour illustrer son propos et peut-être aussi en diminuer l'impact potentiel, il avait levé ses poignets juste assez pour mettre en évidence ses liens, auparavant dissimulés par les manches trop longues de son pull à col roulé.
— On l'a amené pour aider, s'était alors permis d'intervenir Siegfried, en voyant les yeux de Caesar s'agrandir à l'aveu du savant fou.
— Et vous êtes…?
Puisqu'ils avaient enfin pris la parole, ça avait été au tour des deux agents d'infiltration de se voir questionner. Ils étaient en effet tout aussi étrangers au jeune homme que leur prisonnier, si moins amochés.
— Des amis de Jena, avait répondu Vlad en toute sobriété.
Un troisième silence s'était installé, mais cette fois du fait de Caesar et non malgré lui. Tout ça allait beaucoup plus loin que ce qu'il aurait pu s'imaginer de plus improbable. Mais après tout, il n'avait même pas cherché à s'imaginer quelque chose de particulièrement improbable. Le simple fait qu'il ait besoin de s'imaginer quoi que ce soit lui paraissait suffisamment problématique, à la base…
Que Mae ait été enlevée n'était pas si incroyable, en considérant que l'adolescent soupçonnait déjà que tout ça avait un lien avec le laboratoire de son père, à rattachement militaire. Qu'elle ait été récupérée à l'insu des forces de Police et soit maintenant cachée dans sa propre maison, et apparemment sous la supervision d'un de ses anciens geôliers, était en revanche beaucoup plus difficile à accepter. Même si ça n'invalidait pas les causes premières de la situation.
— Qu'est-ce que tu as fait, Papa ? Caesar avait fini par reprendre, se rabattant sur ses soupçons initiaux.
L'un des quatre hommes inconnus ne s'était toujours pas présenté, même sommairement comme les autres, mais l'adolescent avait estimé que ce n'était pas la priorité. Il était en partie venu pour confronter son père, au départ, et si clairement tout n'était pas en train de se dérouler comme prévu, il allait au moins aller au bout de cette démarche-là.
— Qu'est-ce que MOI j'ai fait ? Alek avait répété la question en insistant sur le pronom personnel qui le désignait, pris de court par cette accusation.
Comment est-ce que son fils avait-il possiblement pu se douter qu'il était à l'origine de l'enlèvement de Mae ? Comment était-il d'ailleurs si calme à cette idée en premier lieu ? Il ne semblait même pas si perdu ou en colère que ça, juste un pur faisceau de détermination, braqué vers la vérité.
— Tout ça, c'est lié à ce qui s'est passé dans ton labo, pas vrai ? Jack avait raison. Je ne voulais pas le croire, mais il avait raison. Il n'y a jamais eu d'explosion, ce n'était pas un accident, et tu nous as menti. Qui est-ce que tu as énervé, Papa ?
C'était là l'élaboration de ce qu'il avait réussi à extrapoler tout seul, et qui pour l'instant n'avait pas été invalidé par quoi que ce soit de ce qu'il avait vu ou entendu ce soir.
— Je… J'ai tenté d'aider quelqu'un. Et ensuite tout a dégénéré, avait balbutié Alek en baissant la tête à nouveau.
Il était abasourdi que son fils ait pu deviner autant avec le peu d'éléments qu'il avait. Qu'il sache pour l'explosion qui n'en était pas une était une chose ; qu'il mette cette non-explosion en relation avec ce qu'il vient de découvrir être arrivé à sa sœur en était une autre. Qu'est-ce qu'il avait pu déduire d'autre du peu auquel il avait été exposé lorsqu'il était encore à la maison ? Il n'avait pas eu l'air très surpris que deux hommes pratiquement en tenue de combat se présentent comme des amis de Jena, par exemple.
— Clairement… avait raillé Caesar, amer.
Ce résumé particulièrement simpliste d'une succession d'évènements qu'il pressentait plus que complexe lui avait laissé un drôle d'arrière-goût dans la bouche.
— J'ai essayé de vous protéger, s'était permis de se défendre l'ingénieur.
Il a fait de son mieux en des circonstances plus que difficiles. Il a repassé ces derniers mois dans sa tête encore et encore, sans jamais être capable de discerner une combinaison de choix qui aurait pu amener à une meilleure situation que celle qu'il a suivie. Quoi qu'il envisage, quelqu'un est toujours blessé ou pire, et personne n'est jamais en sécurité. Avoir inclus Caesar et Mae depuis le début n'aurait sans doute pas empêché qu'elle se fasse enlever. Ça aurait éventuellement pu éviter son geste irréparable à son frère, mais à quel prix par ailleurs ? Est-ce que son père aurait réussi à le garder aussi en sécurité qu'il l'a été jusqu'ici à l'Institut ?
— Gros succès dans ce département. En plus, Markus est au courant depuis le début, lui, pas vrai ? avait poursuivi Caesar dans ses conclusions.
À ce stade, il était à deux doigts de ne même plus prendre la peine d'utiliser une tonalité interrogative.
— Oui. Oui, il est au courant, avait confirmé Alek, hochant la tête.
L'implication de l'aîné de la fratrie était sous-entendue par le fait que Vlad et Sieg se soient présentés comme des amis de Jena, mais le père s'était douté que son fils n'avait pas deviné en se basant sur cette information. Caesar avait déjà remarqué que quelque chose se tramait avec la brunette bien avant que tout ne s'envenime, avant même que le message codé de Caroline ne soit déchiffré et les documents incriminant DG ne soient découverts. Alors, l'ingénieur n'avait même pas cherché à préciser qu'il n'avait pas mis Markus dans la boucle par choix. D'autant que ça n'aurait rien changé si ça avait été le cas, puisque ce n'est pas l'injustice de ne pas avoir été informé que Caesar cherchait à souligner en l'occurrence mais simplement l'invalidité de l'argument fourni juste avant, comme quoi c'est pour tenter de les protéger que leur père les aurait gardés dans le noir.
— Je sais, c'est lourd, mon truc d'intuition, quand on a des choses à cacher, avait commenté l'adolescent.
La mine de plus en plus défaite de son géniteur, au fur et à mesure de ses déductions, l'avait irrité. Est-ce qu'enfin pouvoir lui dire la vérité ne devrait pas être un soulagement ? Est-ce qu'il n'était pas en train de lui simplifier la vie, en comprenant pratiquement tout de lui-même ?
— Je n'ai jamais eu l'intention de te cacher tout ça à ta sortie. J'aurais cependant aimé avoir un peu plus de temps pour me préparer à ce que j'allais te dire à ton retour, lui avait alors retourné Alek.
C'était un rappel subtil qu'il n'était pas le seul à avoir garder des informations pour lui, en l'occurrence. Puisqu'il ne pouvait que concéder cet argument, même si son humeur n'était pas encore retombée pour autant, Caesar était passé à la défensive :
— Je ne suis pas encore de retour. J'ai juste une permission pour la journée.
— D'accord, avait simplement accepté son père.
D'une part, il aurait été bien incapable de rebondir là-dessus, et d'autre part, il avait souhaité laisser du temps à son fils pour se calmer tout à fait.
— Est-ce que Mae va bien ? Est-ce qu'elle va se remettre ? l'adolescent l'avait interrogé après un moment de réflexion, enfin percuté par son air contrit.
Il s'était remémoré être venu aussi bien pour savoir ce qui était en train de se passer que pour s'enquérir de comment tout le monde le gérait. Et que la situation ne soit pas exactement celle qu'il pensait trouver n'empêche pas qu'elle doit être difficile pour tous les partis concernés. Il ne sait que sa sœur a été kidnappée que depuis une heure et il a déjà l'impression d'avoir perdu 10 ans d'espérance de vie, alors il ne peut pas imaginer quel effet toute cette affaire a pu avoir sur son père alors qu'il l'a subie en temps réel.
Pas étonnant que la dynamique entre Jena et Markus lui ait parue si bancale, lorsqu'il les avait repérés parmi les chaperons du Bal de Promo. Il s'était demandé s'il aurait pu s'inquiéter plus tôt, si au lieu de les éviter il avait continué à les observer. Leur présence lui avait au contraire laissé penser que tout n'était peut-être pas si grave qu'il ne le craignait, mais avec ces nouvelles informations, il avait compris que superviser la soirée dansante était plus une distraction qu'un rencard.
— Elle est en sécurité, est tout ce qu'Alek avait pu répondre à son fils.
Malgré toute sa volonté, il n'était pas en position de faire des prédictions sur l'avenir proche de sa fille à ce stade. La présence de Bertram était supposée améliorer son pronostic, mais il venait à peine d'arriver.
— Merci. Je crois que c'est tout ce que j'ai besoin de savoir dans l'immédiat. Je vais te laisser le temps de préparer ton explication, maintenant, l'adolescent avait alors décidé de conclure l'échange, soudain très las à l'idée de le poursuivre.
Assez d'émotions pour une journée. Ce n'est pas comme si ça arrivait fréquemment, mais peut-être y aurait-il été moins sensible s'il n'avait pas passé les deux derniers mois bercé par la stabilité de l'Institut. Ou peut-être qu'au contraire il en avait justement supporté plus ce soir qu'il ne l'aurait jamais pu avant son internement. Quoi qu'il en soit, il avait atteint saturation.
— Caesar… avait murmuré son père alors qu'il commençait à redescendre les escaliers vers la sortie.
De son côté, l'ingénieur était réticent à s'en arrêter là, même s'il aurait été bien en mal de savoir par où continuer. Est-ce que tous les retours de ses enfants étaient condamnés à mal se dérouler ? Il pensait récupérer Mae, et elle était dans le coma. Et maintenant Caesar surgissait à l'improviste, et sa découverte de la situation le laissait trop en colère pour qu'ils puissent profiter de leurs retrouvailles.
— Je dois être rentré avant le couvre-feu. C'est le deal, l'adolescent avait justifié en passant à côté de son père, doucement mais sans appel.
Et donc, il était reparti, sans laisser à qui que ce soit l'occasion de le retenir. Il avait déjà suffisamment à intégrer. Il s'est d'ailleurs félicité par la suite d'avoir pris congé quand il l'a fait, parce qu'après avoir obtenu le reste de l'histoire, il a su qu'il n'aurait pas pu tout assimiler d'un seul coup. Le Docteur Conway l'a autorisé à voir ses proches tout au long de la semaine qui a suivi, en lieu et place de ses sessions habituelles avec eux, mais même reçu petit à petit, le bilan de la situation n'est pas exactement digeste. Pour preuve, ça lui tord encore les cellules grises aujourd'hui.
Le Lundi précédent, son père était revenu en détails sur son partenariat malencontreux avec DeinoGene, sa découverte plus ou moins fortuite de leurs malfaisances, et ses conséquences directes comme indirectes. Il lui avait raconté les messages d'abord aussi indéchiffrables qu'anonymes, puis de plus en plus lisibles comme ils l'étaient le jour de la prise d'otages à Walter Payton. Il avait mentionné comment Jena était impliquée dans tout ça, à la fois parce qu'il est le plus à-même d'expliquer la situation de Caroline et Robert, mais aussi parce qu'il en a eu besoin pour justifier pourquoi il n'avait révélé l'absolue totalité de son agression qu'à Sam et Markus, et pas même à ses collaborateurs militaires. L'entrevue entre le père et le fils s'était conclue par la narration de la première chute du laboratoire de l'ombre, et la vendetta promise par le Docteur Vurt en rétorsion.
Le lendemain, c'est Jena qui était passée à l'Institut, mettant à profit l'horaire normalement réservé à Mae sans que Kennedy n'y voie d'objection. Elle n'était pas venue depuis l'arrivée de l'adolescent, et sa relation avec son frère n'est pas ce qu'elle a pu être, certes, mais la psychiatre sait aussi qu'elle était chez eux au moment de la prise d'otage. Elle a plus soutenu Mae que Caesar à ce moment-là, mais c'est tout de même une amie de la famille, et comme son patient a accepté de la voir, la psychiatre n'a pas vu de raison de s'opposer à l'entrevue. Pour s'être elle-même entretenue avec lui avant de le laisser voir qui que ce soit, elle a bien pu constater que le garçon encaissait extrêmement bien la nouvelle de l'enlèvement de sa sœur. Et cette endurance n'a été que corroborée par Setsuko, qui a pu l'observer tout le Dimanche après sa découverte.
Jena avait révélé à Caesar son propre secret ainsi que comment il a à la fois quelque part conduit à tout ce capharnaüm mais aussi permis d'être un peu plus en position de s'en occuper. En toute honnêteté, l'adolescent n'avait pas été vraiment surpris d'apprendre pour son entraînement ni même sa mission initiale. Et il n'en avait été que plus désolé d'entendre la tension qui s'était créée entre elle et Markus à cause de ça, aussi sous contrôle soit-elle à peu près désormais. Le récit de la première partie de la mission de sauvetage, depuis le moment où Sieg et Vlad sont venus prêter main-forte jusqu'à la récupération de Gregor, l'avait laissé à la fois impressionné et inquiet. Franchir des barrières, esquiver des gardes, s'accrocher sous des véhicules, et ramper dans des conduits d'aération, ce n'est pas exactement une balade dans un parc pour qui que ce soit. Et la neurotoxine, l'état de fugue de Mae, et avant ça la chute de plusieurs étages de la narratrice, ça ne fait qu'ajouter au caractère incroyable de toute cette histoire. Le seul point positif qu'il peut trouver à tout ça, c'est qu'au moins il ne s'est pas inquiété pour rien, même sans savoir quel était le problème exactement, puisque tout le monde était bel et bien en danger.
Le Mercredi, son oncle avait commencé par lui annoncer la bonne nouvelle du réveil de Mae le soir précédent. Puis, il avait pris la suite de sa mise à niveau en lui annonçant ce qui allait sans doute se dérouler à partir de maintenant, ce qui allait peut-être être mis en place pour permettre le retour officiel de la benjamine de la famille. Il avait laissé son neveu émettre son opinion sur le sujet, et surtout choisir le rôle qu'il désirait jouer dans la mise en scène, si aucun. L'adolescent n'avait pas beaucoup hésité avant de décider de subir les évènements plutôt que d'y participer activement, ne serait-ce que pour une question de crédibilité ; il ne peut pas quitter l'Institut une semaine avant que sa sœur ne soit retrouvée, ce serait une trop grosse coïncidence. Le maître-chien avait salué son sang-froid, et apprécié sa réaction compassionnée en apprenant que Patrick s'était fait tirer dessus (évènement datant du jour de son internement ou presque, et dont il n'avait pas encore été informé) et surtout qu'il avait ensuite dû accepter de travailler avec le coupable pour sauver Mae. Cet enfant est décidément une bonne graine, Alek a fait du bon boulot.
Enfin, en guise de dernier visiteur avant de disposer de trois jours de réflexion, Caesar avait pu s'entretenir avec son grand frère. Markus s'était chargé de couvrir pour lui l'état émotionnel de tout le monde, puisque personne d'autre n'avait finalement jugé que c'était la priorité, s'en étant plutôt tenu aux faits. Parmi le stress et l'appréhension rapportés, l'étudiant avait été content d'être le premier à révéler à son frère que leur oncle avait une petite amie. Il a cependant été à la fois déçu et épaté lorsque son cadet a deviné de qui il s'agissait quelques secondes seulement après qu'il lui ait donné pour seul indice qu'il l'avait déjà rencontrée. Comment oublier la psychiatre qui s'était occupée de lui suite à la prise d'otage, ceci dit ? Bien qu'il n'en ait pas le souvenir conscient, elle avait dû avoir un commentaire pour son oncle, sans quoi il n'aurait pas pu faire le lien malgré lui. Ce dont il se souvient effectivement c'est qu'elle était belle, intelligente, et gentille. Si son oncle devait abandonner son papillonnage pour quelqu'un, elle lui paraît un excellent choix.
Aujourd'hui allongé dans sa chambre à l'Institut, Caesar contemple simultanément le plafond et tout ce qu'il a appris en peu de temps. Beaucoup de noms à retenir, beaucoup de changements auxquels s'habituer et se préparer, et surtout beaucoup de choses à cacher. Même avant d'être entièrement briefé, il n'avait pas tout partagé avec Setsuko, dès le lendemain. Ça l'embête, parce qu'il lui en a tellement mis dans la figure pour ne pas être honnête, mais il s'était douté que c'était la meilleure marche à suivre pour tout le monde. Pour toute son intuition, il n'aurait jamais pu s'imaginer que les choses en étaient arrivées là où elles en sont. Même avant son intégration de l'Institut, la situation était plus dramatique qu'il ne l'avait supputée. Mais au moins il a toutes les cartes en mains, désormais. Il ne lui reste plus qu'à entrer en scène avec le reste de la troupe. En espérant qu'être au contact de la conseillère infiltrée lui ait permis d'acquérir quelques talents d'acteur.
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