2x08 - L'eau qui dort (9/19) - Faux départs
Après s'être rendu sur la tombe de sa mère, et comme annoncé avoir erré dans le cimetière pendant plusieurs heures, Caesar a doucement pris le chemin de son lycée, Setsuko toujours à ses côtés. Sa tenue de soirée a soulevé quelques sourcils amusés en route, mais rien dont il ne se soit formalisé. C'est autant son caractère soigné que sa juxtaposition à celle plus décontractée et bigarrée de la Japonaise qui aura attiré l'attention. La conseillère infiltrée a usuellement l'art de rester discrète tout en arborant toujours des touches de fluo sur une base noire, mais forcément, à côté d'un costume avec nœud-papillon, ça jure un peu. Elle n'a cependant pas prêté plus d'attention aux regards des passants que celui qu'elle accompagne. Elle serait presque fière qu'il égale sa résistance au regard des autres, mais elle ne s'attendait une nouvelle fois pas à moins de sa part. Ce n'est pas la façon dont le monde le regarde, son problème, mais à l'inverse, la façon dont lui le perçoit.
Se méfiant de sa condition, le grand brun n'a pas, contrairement à ce qu'il avait initialement envisagé, lu le journal. Non pas parce qu'il soupçonne qu'il pourrait y trouver des informations sur ce qui se passe dans sa famille – pour toute son intuition, il est loin de se douter que la situation a pu prendre de telles proportions – mais plutôt parce qu'il a été refroidi par l'idée de ce qu'il pourrait être amené à pressentir en apprenant ce qui s'est déroulé dans le monde ces derniers mois. Il s'est également souvenu qu'il consultait justement l'actualité peu avant sa crise d'angoisse et son geste irréparable. Il n'a pas consciemment établi de lien direct entre les deux occurrences, mais comme par superstition, il reste tout de même frileux à l'idée de répéter cette séquence d'événements. À la place, il a simplement échangé des anecdotes avec sa compagne de marche, ce qui était à la fois plus prudent et beaucoup plus agréable.
Pour le déjeuner, ils ont trouvé un marchand de hotdogs. Les sandwichs ont requis d'être manipulés avec grande précaution pour ne pas ruiner sa chemise blanche, mais ils auront au moins eu le mérite de les amuser en plus de les rassasier. À ce stade de la journée, ils avaient déjà pratiquement atteint leur destination, et pourtant, ils ont encore fait plusieurs fois le tour du pâté de maisons avant que Caesar ne se décide à oser franchir le seuil du lycée. Il avait d'une part peur de rencontrer quelqu'un et ne pas savoir quoi leur dire, et d'autre part peur de revenir sur les lieux du drame. Il a néanmoins fini par prendre son courage à deux mains, et entraîner Setsuko à l'intérieur pour une visite guidée.
Dans le réfectoire, il a pu lui montrer la table exacte où il a rencontré Jack, et aussi celle à laquelle ils étaient assis le jour où il lui a mis son poing dans la figure, quelques mètres plus loin seulement. Au détour des couloirs, il lui a désigné la classe où il s'est coupé par accident, et la porte des toilettes où il s'est coupé intentionnellement. Il lui a présenté la salle où il a été retenu en otage, celle où il a un jour surpris sa sœur en pleine session de bouche-à-bouche avec son premier petit copain, et celle où il a eu sa première expérience de psychothérapie. Pour faire bonne mesure, il a aussi amené la Japonaise à l'infirmerie, l'auditorium, et la salle du journal. Et au bout du compte, pour la toute première fois, la rétrospective de son expérience lycéenne ne lui a pas paru si déprimante.
— Et là, c'est l'endroit exact où les forces de Police ont rencontré les preneurs d'otages, il annonce finalement lorsqu'ils traversent le corridor en question, venant se placer là où il se tenait ce jour-là, mains dans les poches.
Il est à des années lumières de l'état dans lequel il était lors de son dernier passage, c'est certain. Si ce n'était pour le bandage qu'il s'obstine encore à porter à l'avant-bras droit, dont un fin liseré dépasse toujours de sa manche, sa fière allure serait indiscutable. Et ça va bien au-delà de ses vêtements et sa coupe de cheveux. Son regard a quelque chose de serein, assuré, décisif. Sans le savoir, il ressemble plus que jamais à son père.
— Et tu étais présent ? demande Setsuko.
Elle cherche à se construire une image mentale de la scène. À l'Institut, elle a vu défiler des mômes avec des histoires sacrément sordides, et d'autres sans vraiment quoi que ce soit pour expliquer leur déroute mentale, mais quelqu'un avec un passif comme celui-ci, jamais. Heureusement. Le monde serait dans un bien piètre état si une telle expérience était plus répandue chez les adolescents.
— Oui, juste là, petit chanceux que je suis, confirme Caesar, dans un effort pour dédramatiser son récit.
Elle est la première personne à qui il raconte l'Incident sans qu'elle n'en ait une connaissance préalable. C'est plus facile qu'il ne l'aurait pensé. Plus facile que ça n'a été d'expliquer son expérience à sa famille ou même Liz, la psycho-psychiatre profileuse qui s'est occupée d'eux directement après les faits. Peut-être que c'est parce que ça lui paraît loin, désormais. Il a l'impression que tellement de choses se sont produites depuis, alors que ça ne fait pourtant que 4 mois.
— C'est comme s'il ne s'était rien passé, commente Setsuko en tournant sur elle-même.
Elle est bien en mal de trouver quelque trace que ce soit qu'un quelconque événement notable s'est déroulé ici. Tout semble si normal. Elle n'a pas passé beaucoup de temps au lycée, et celui qu'elle a fréquenté n'était même pas dans ce pays, mais elle peut tout de même en juger. Qui que ce soit qui s'est occupé de restauré les lieux a fait du très bon travail.
— Ouais. Ça a un peu participé à mon pétage de plomb, d'ailleurs, renchérit Caesar.
Il fronce le nez à cette idée, mais ne perd pas son sourire tranquille. Il est agréablement surpris que la réaction de celle qui l'accompagne soit la même que la sienne. Il se sent un peu moins fou encore. À l'époque, ça semblait arranger tout le monde, que tout soit effacé. Il a eu l'impression d'être le seul que ça dérange.
— Le manque d'impact physique d'un événement qui t'a tellement impacté psychologiquement. Je peux comprendre, Setsuko formule sans effort son ressenti.
Elle parle sans se retourner vers lui, continuant à scruter les murs pour un coup de peinture un peu plus frais que les autres, ou une micro aspérité là où un trou dans le mur aurait été colmaté. Il étouffe un éclat de rire incrédule, décidément impressionné.
— Tu comprends même exactement, en fait, il lui accorde en hochant la tête.
— C'est un peu mon job, en même temps, elle répond.
Cette fois, elle lui lance un sourire espiègle par-dessus son épaule. Sans perdre le sien, il plisse imperceptiblement les yeux, comme pour pouvoir mieux analyser cette image. Il est très intéressant pour lui de la découvrir en dehors des murs de l'Institut. Elle n'a plus aucune apparence à maintenir, plus quoi que ce soit à cacher ou feindre. La façon dont elle vient d'admettre son rôle réel, sans baisser le ton ni un petit coup d'œil alentour pour s'assurer que personne ne pourrait l'entendre, en est particulièrement révélatrice. Il est content qu'elle ait accepté de l'accompagner aujourd'hui. Il sait que c'est pour son bénéfice, mais il espère qu'elle en retire aussi quelque chose.
— Tu as décidé d'où tu allais aller ? il lui demande soudain.
Il baisse les yeux vers ses chaussures juste après avoir parlé. La question lui a vraiment échappé. Et de surcroît, l'idée du départ de la Japonaise ne l'enchante guère. Il sait que ça aura sans doute lieu bien après sa propre sortie, mais ça lui fait drôle tout de même, d'imaginer l'endroit sans elle.
— Pardon ?
Elle se retourne vers lui avec une grimace d'incompréhension totale. Ils parlaient de lui, et maintenant, de quoi est-il question, exactement ?
— Tu dois quitter Lakeshore, non ?
C'est une intuition qu'il a depuis un certain temps. Il n'avait encore jamais cherché à la confirmer, ni auprès de la principale concernée ni auprès de qui que ce soit d'autre. Mais comme elle vient de se faire particulièrement ressentir, la question qui en découle est sortie toute seule.
— Comment… ? C'est un peu lourd, ton truc, tu sais, se renfrogne Setsuko, croisant les bras.
Elle ne termine même pas son interrogation sur la façon dont il a pu obtenir cette information, se rendant compte dans un second temps qu'il a tout simplement dû en avoir le pressentiment, basé sur son comportement. Comme pour le reste. Et c'est très agaçant.
— Je sais à quel âge tu es entrée à l'Institut et depuis combien de temps tu y es. Mais il y a aussi la façon dont tu en parles. Tu sonnes… nostalgique, il s'explique malgré tout.
Il hausse une épaule contrite sans encore oser affronter son regard tout à fait. Il se rend bien compte du caractère intrusif de sa remarque. Il essaye encore de trouver le bon équilibre. Se taire tout le temps n'était clairement pas la bonne marche à suivre, et tout évoquer ne l'est pas non plus, mais déterminer le juste milieu n'est pas évident.
Setsuko reste un instant silencieuse. Elle pondère ses options en termes de réactions. Elle pourrait couper court à la conversation, lui dire que ça ne le concerne pas. Ce ne serait pas faux, et il ne lui en voudrait sans doute pas. Ils ne sont pas vraiment amis, pas vraiment proches. Elle est sa conseillère, et il le sait ; c'est à elle de l'aider et pas l'inverse. Mais elle n'a pas tellement qui que ce soit d'autre à qui en parler, pas qui puisse être aussi objectif, en tous cas. Vu comme il est parti, il sera sans aucun doute sorti avant qu'elle ait pris une décision, donc ça ne l'impactera pas. Alors, elle opte pour partager :
— Je ne sais pas si je vais être aussi à l'aise avec des adultes que des adolescents, elle avoue sa première réticence à changer de centre.
Elle en a déjà fait part à Kennedy, mais aussi flatteuse qu'elle soit, sa réaction de confiance sans borne ne l'a pas satisfaite. Même si elle ne doute pas de sa sincérité, ce n'est pas de soutien inconditionnel dont elle a besoin en le cas présent.
— Tu vas sans doute commencer par de jeunes adultes, non ?
Sa volonté évidente d'atténuer le choc qu'elle semble craindre lui tire un bref sourire. Il est vrai que la limite paraît vite franchie, et pourtant, tout un monde sépare ces deux tranches d'âges. Est-ce qu'elle ose ou prend seulement le temps de lui expliquer qu'elle ne souhaite pas conseiller un groupe de gens dont elle n'estime pas faire partie ? Elle se sent pertinente parmi les enfants parce qu'elle a traversé quelque chose de similaire à ce qui les amène à l'Institut, et s'en est sortie, d'une certaine façon, mais un adulte, même fraîchement adulte, ne fait plus les choses pour les mêmes raisons. Et elle ne pourra jamais compatir à ces raisons, puisque justement, elle a passé ce cap plus jeune. C'est son vécu qui guide ses pas, et elle n'a tout bonnement pas celui qui pourrait lui ouvrir les portes vers lesquelles on l'oriente.
— Le Doc dit que je peux aussi valider mes acquis et devenir une conseillère officielle. Je n'aurais pas besoin de partir, alors, elle enchaîne sur une autre idée, qui contournerait complètement l'obstacle du changement de niveau de maturité de ses patients.
Caesar peut bien voir, à son expression concentrée, qu'elle a déroulé mentalement toute une répartie à sa remarque précédente sans la lui partager, mais il n'insiste pas. Il est déjà content qu'elle accepte de lui parler d'elle, puisqu'elle le fait rarement. À la place, il lui fait part de son interprétation de ce qu'elle a justement choisi de dire.
— Quelque chose me dit que ça ne te conviendrait pas.
Il peut le deviner sans peine. Si la proposition lui allait, elle l'aurait sans doute déjà acceptée. Et elle n'y semble clairement pas résolue.
— Je me sens plus à l'aise à l'intérieur, c'est tout, elle confirme.
Elle a l'une de ces grimaces d'agacement, de celles qu'on accorde aux impressions qu'on sait qu'on ne devrait pas avoir mais qu'on ne peut pas combattre. Sur le papier, sa position d'infiltrée n'est pas idéale. Elle doit mentir presque en permanence, ne peut pas se permettre de se rapprocher véritablement des personnes avec qui elle vit pourtant et qui lui font confiance. Elle est d'une grande aide aux soignants véritables, c'est certain, mais elle n'en reste pas moins une traîtresse glorifiée. Les personnes qui occupent ce type de poste n'y restent usuellement pas aussi longtemps.
— Tu pourrais toujours devenir actrice, lui suggère Caesar pour détendre l'atmosphère.
Il est peu inspiré par le thème pourtant vaste des professions d'infiltration. Il voit mal Setsuko se tourner vers les forces de l'ordre. Sa proposition lui tire un sourire nouveau sourire, mais elle répond tout de même sérieusement :
— Mais je n'aiderais personne. Jamais comme maintenant, en tous cas.
— Et c'est comme ça que tu t'es sortie de ta propre dépression en premier lieu.
Il extrapole cette conclusion à la fois de son refus d'abandonner cet aspect de sa position actuelle mais aussi de tout ce qu'il sait déjà d'elle. Il a vu sa chambre, la fois où elle lui a montré ses murs et son plafond hypnotiques. Il n'y a rien de personnel dans cet espace, alors qu'elle y habite depuis plusieurs années. Ses tenues pourtant colorées, en hommage à son pays d'origine, ne sont ni plus ni moins qu'un uniforme de travail pour elle, un camouflage. Et il a beau connaître son secret, il ne l'a jamais entendue faire mention de qui que ce soit en dehors des murs. Il est assez clair pour lui qu'elle n'a jamais retrouvé le goût de la vie après avoir tenté de sa la prendre. Elle existe à travers le service qu'elle peut rendre, les gens qu'elle peut aider. C'est un jeu dangereux, surtout quand la partie menace de prendre fin.
— Qui est-ce qui comprend très exactement mon ressenti, maintenant ? elle lui renvoie son commentaire d'un peu plus tôt, malicieuse.
Son sourire s'élargit alors qu'elle taquine sa perspicacité. Elle l'en sait autant victime qu'elle à cet instant précis. Elle préfère d'ailleurs ne pas penser à quel point il lui arrive de s'en sentir menacée. Elle le savait même avant que le Doc ne le lui rappelle : il ne va pas la remplacer. Et elle n'a rien à lui envier, elle est excellente dans ce qu'elle fait. Et pourtant…
— Ton choix n'a pas à être définitif, tu sais. Tu peux essayer plusieurs choses et voir celle qui te convient le mieux, il lui propose, reprenant le conseil de son père lorsqu'il a lui-même été pris d'indécision face à son avenir.
À ce moment-là, ça lui avait un peu paru une perte de temps superflue, mais avec le recul, il voit mieux l'intérêt de la démarche. On peut passer aussi longtemps qu'on veut dans sa tête, il y a des décisions qu'on ne peut pas prendre sans expérience.
— Tu dis ça parce que tu m'as toujours vue à ma place. Tu n'as aucune idée de la façon dont je peux être lorsque je n'y suis pas, elle rétorque doucement.
Machinalement, son bras droit glisse légèrement sur son flanc gauche. Il ne l'a jamais vue faire ça auparavant, mais ça lui rappelle beaucoup trop la façon dont il lui arrive parfois à lui de jouer avec sa manche pour être une coïncidence. C'est probablement là qu'elle s'est fait le plus mal en tombant, et donc là où les séquelles de son saut sont les plus visibles. Elle n'en parle pas, et Caesar ne commettrait jamais l'impair de lui poser la question, mais il est presque certain que sa tentative d'en finir s'est faite par la hauteur. Son premier indice a été la couleur du bracelet à son poignet.
Pendant son mutisme, il ne lui avait pas fallu longtemps avant de comprendre que la teinte du ruban d'identification des patients était liée au risque qu'ils représentent pour eux-mêmes aussi bien que pour les autres, pour certains. Il s'est d'ailleurs demandé pourquoi c'était supposé rester secret, bien qu'il n'ait jamais enfreint cette règle tacite. Le personnel de l'Institut arbore également ce code couleur, sans doute en référence à leur expertise, en ce qui les concerne. Jaune pour l'asphyxie, bleu pour la noyade, orange pour l'immolation, et violet pour les dangers narcotiques. Le rouge, comme à son propre poignet gauche, est associé aux comportements sanglants, et le vert, comme à celui de Setsuko, correspond aux attitudes brutales, du type de se jeter sur une voie de circulation ou bien du dernier étage.
— Tu n'as plus 15 ans. Tu crois vraiment que tu régirais encore comme tu l'as fait à l'époque ? il se permet de lui demander.
Il a du mal à s'imaginer ce scenario. Surtout après l'avoir vue ramener tant de monde du bord de ce gouffre de tant de manières différentes. Il ne l'a pas connue à ce moment-là, c'est vrai, mais il ne peut pas croire qu'elle n'ait pas changé du tout. Et quand bien même, le comportement humain n'est pas strictement répétable. On apprend, parfois lentement, malgré nous, et à nos dépens, mais on apprend. Autant il n'a aucun doute qu'il n'avait pas d'alternative lorsqu'il s'est lui-même ouvert le bras, autant il sait que plus jamais il ne se remettra dans cette position pour quelque raison que ce soit. Et il n'a séjourné à l'institut que quelques mois seulement, pas des années comme elle. Il comprend que c'est justement sa méthode de gestion de ses tendances autodestructrices qu'on menace de lui retirer, mais il n'arrive pas à croire qu'elle n'estime pas avoir la ressource d'en trouver une autre.
— S'il y a le moindre risque, je ne pense pas que ce soit prudent d'essayer.
En effet, elle se montre beaucoup moins téméraire qu'il ne s'y serait attendu. Une petite part de lui est déçue, mais le reste accepte cette réponse. C'est elle sa conseillère, pas l'inverse. Elle est non seulement experte dans son domaine, mais il y a aussi sans doute des tas de choses qu'elle ne lui a jamais dites à son sujet. Il serait donc bien incapable d'établir un diagnostic même s'il en avait les compétences. Pour plus d'une raison, il n'est pas très bien placé pour lui donner des conseils, en fin de compte. Il espère simplement que Kennedy ou quelqu'un d'autre saura la guider dans sa décision, car il déteste l'idée qu'elle pourrait régresser au statut de patiente.
— Bon, alors dans ce cas il ne te reste qu'à trouver une solution à ton problème du premier coup. Et d'un certain côté, si quelqu'un devait y arriver, ce ne serait que justice que ce soit toi, il reprend d'un ton plus léger, un sourire pointant au coin de ses lèvres.
— Pourquoi ça ?
Elle ne le suit pas dans son raisonnement, et fronce les sourcils d'incompréhension.
— Karma. Je t'ai vu tout essayer sans succès, une fois, il lui rappelle tranquillement, après quoi il attend patiemment qu'elle comprenne ce à quoi il fait référence.
Il ne faut pas longtemps à la jeune femme pour saisir son allusion à tous les masques qu'elle a essayé de porter pour le faire parler, et secouer la tête en retenant un soupir atterré. Elle a beau savoir qu'il cherche simplement à la taquiner pour lui changer les idées de son départ imminent, puisqu'il n'y a bien qu'elle qui considère qu'il ne s'est pas remis à parler grâce à ses efforts, elle est tout de même un peu agacée par ce souvenir. D'un certain point de vue, il pourrait effectivement être le seul point noir dans sa carrière à Lakeshore, la seule personne qu'elle n'aura pas réussi à atteindre. D'un certain point de vue mais pas tous, peut-être…
— Sauf que toi, tu ne comptes pas, elle lui lance, le rejoignant dans son humeur joueuse.
Au moins, elle est efficacement distraite de ses préoccupations sur l'avenir.
— Ah bon ? il s'étonne avec un sourcil haussé.
— Non. Je conseille les ados suicidaires et autodestructeurs. Et toi, tu n'as jamais voulu mourir, souviens-toi, elle lui rappelle calmement ses premiers mots, lorsqu'il a recouvré la parole.
En fin de compte, cet événement peut tout aussi bien servir à l'asticoter elle que lui.
Soufflé par tant d'aplomb, Caesar ne trouve plus rien à répondre. Il pouffe et secoue la tête à son tour, amusé. Satisfaite d'avoir remporté cette brève joute orale bon enfant, Setsuko se détourne, décidant qu'il est plus que temps pour eux de quitter cet emplacement de toute façon porteur d'un mauvais Feng Shui. Il reste encore plusieurs heures avant le début de la soirée festive et il serait dommage qu'ils les passent dans un couloir. De plus, les premiers organisateurs ne devraient pas tarder à commencer à arriver et si le grand brun préfère éviter de croiser qui que ce soit avant de pouvoir enfiler son masque et se fondre dans la masse, ils feraient mieux de trouver un coin tranquille où se cacher d'ici là.
Alors qu'il lui emboîte le pas, elle ne doute pas qu'il va rapidement déterminer l'endroit idéal où ils vont pouvoir se poser jusqu'à l'heure dite et continuer à échanger comme au matin, profitant pleinement de cette liberté retrouvée de la plus pure des manière : l'oisiveté.
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