2x08 - L'eau qui dort (16/19) - Bas les masques
La fête bat son plein dans le gymnase de Walter Payton. Tous les chaperons, Jena, Markus, et Uglow compris, portent le même loup pourpre basique mais facilement reconnaissable, associé à un brassard avec une bande réfléchissante. Les élèves qu'ils encadrent se sont quant à eux visiblement beaucoup amusés à trouver leurs déguisements, les masques allant du plus simple au plus complexe. Certains montent en arabesques, d'autres s'étendent sur le côté en ailes de papillons ouvragées, tandis que d'autres encore ne couvrent pas les zones du visage les plus attendues. Certains petits malins se sont assortis à leur partenaire de danse, et quelques bandes de copains portent des motifs complémentaires.
Une grande partie de la foule se dandine et sautille sur la piste au rythme de la musique entraînante diffusée par le membre du club de musique actuellement aux platines. Le reste des invités est attroupé soit dans les gradins, pour un repos plus ou moins nécessaire, soit près du buffet, à la recherche d'un verre pour se désaltérer ou de quelques chose à grignoter. Au-dessus de l'estrade installée pour l'occasion sont déjà projetés les vainqueurs de certaines des élections étudiantes. Ils ont été annoncés au compte-goutte depuis le début des festivités. Au bord de ce podium, quelques membres du comité d'organisation se préparent pour la prochaine annonce.
— Bonsoir, E.
C'est un blondinet paré d'un masque noir à cornes de bélier quasi-démoniaques qui salue Ellen. Il l'a remarquée seule près du bar, et s'approche d'elle, un verre contenant un liquide ambré à la main. Curieusement, c'est l'appellation inhabituelle qui aide le plus l'adolescente à reconnaître Jack en dépit de son déguisement. Même si, elle doute que quelqu'un d'autre aurait pu oser arborer de tels appendices presque sataniques en les circonstances…
— Est-ce que ça arrive qu'on t'appelle J ? elle l'interroge pour toute réponse, plissant les yeux derrière son propre masque à plumes bleues.
— Extrêmement rarement ! Et pourtant, c'est pas comme si je ne tendais jamais de perche ! éclate le petit génie en écartant les bras, content que quelqu'un lui fasse enfin cette remarque.
— Tu passes une bonne soirée ? Je savais pas que Margery et toi vous étiez ensemble, enchaîne Ellen.
Elle désigne inutilement la jeune fille bouclée du menton, par-dessus l'épaule de son interlocuteur. Près de la scène, avec le reste du comité, cette dernière a opté pour dissimuler uniquement le bas de son visage par un fin voile rosé, dans un thème très mille et une nuits en accord avec son ensemble de satin rose persan à dorures. Elle est donc facilement reconnaissable. Et personne n'a manqué son entrée au bras du plus élégant des diables, même si elle n'y est pas restée très longtemps, vite accaparée par ses devoirs d'organisatrice. Tout le monde aurait pourtant pensé que leurs récentes et respectives péripéties n'auraient fait que séparer ces deux-là encore plus qu'ils ne l'étaient déjà de base, alors la question de leur association s'impose, qu'on soit avide de potins ou non.
— Oh, on n'est pas ensemble. Elle m'a choisi comme cavalier parce qu'elle n'avait plus de temps et plus d'options, et elle savait que je présenterai bien dans un costume et ne serai pas vexé qu'elle soit occupée toute la soirée, Jack corrige posément la présomption de son interlocutrice.
L'hypothèse n'était pourtant pas déraisonnable. Mais l'appariement pour l'évènement est purement platonique à la limite du professionnel.
— Est-ce qu'elle a vu juste ? s'enquiert alors la marginale.
Elle est curieuse de connaître le degré de détachement dont est capable le petit blond. Elle le sait dragueur invétéré, mais elle a du mal à croire que sa cavalière soit du genre à accepter d'être une conquête d'un soir. Elle peut évidemment se tromper, parce qu'elle ne le connaît pratiquement pas, mais elle préfère espérer qu'il n'est pas aussi irrécupérable qu'il y paraît et aura enfin trouver quelqu'un pour retenir son attention plus de quelques heures. Ça n'avait rien à voir, mais quand il avait Caesar à ses côtés, il avait l'air d'aller beaucoup mieux que ces derniers temps.
— J'ai l'air vexé ? il se contente de répliquer.
Il ne doute pas une seconde que ce n'est pas son apparence qu'elle oserait critiquer. Il est l'un des rares adolescents en présence à ne pas porter un costume pour la première fois de sa vie ce soir, et même parmi ceux qui en ont déjà endossé un, il est le seul à y être entièrement à l'aise.
— En même temps, tu portes un masque, grimace Ellen, incapable de juger à partir du bas de son visage seulement.
L'excuse n'est pas excellente, car Jack n'est déjà pas particulièrement facile à lire à visage découvert. On ne grandit pas au milieu du monde politique sans rapidement maîtriser ses micro-expressions. Mais il fallait bien répliquer quelque chose. Il sourit à cette esquive. Elle lui laisse encore le bénéfice du doute de ne pas être inatteignable, c'est louable.
— Et toi ? Pas trop déçue d'être délaissée pour la scène ? il lui retourne sa question première, faisant pour sa part allusion à Brennen.
Le jeune chroniqueur est lui aussi à côté du podium, puisque chargé des annonces, en tant que rédacteur en chef du journal du lycée.
— Non. Il m'avait prévenue. Et c'est pas comme si je me sentirais plus à ma place s'il restait planté à côté de moi.
Si elle répond un peu à côté, c'est pour ne pas avoir à admettre qu'elle n'est pas aussi à l'aise que lui en les circonstances. Il n'y a pourtant aucune honte, mais c'est plus fort qu'elle. Elle s'en veut de s'être tant inquiétée du temps qu'elle allait passer au bras de Brennen, puisque c'est jusqu'ici ce qui lui a été le plus naturel. C'est plutôt d'être entourées de Terminales qu'elle ne connaît pratiquement pas qui lui est moins confortable. L'approche du blondinet lui rend bien service, finalement.
— Juste parce que tu es plus jeune ne veut pas dire que tu n'es pas à ta place, lui offre Jack, d'un ton étonnamment sérieux.
Il finit ensuite le verre qu'il a à la main d'une traite. Elle n'arrive pas à déterminer s'il s'agissait de thé glacé ou de whisky. Si quelqu'un devait réussir à amener de l'alcool au Bal de Promo à l'insu des chaperons, ce serait bien lui. Même alors que justement, ils ont tous été prévenus qu'il est à surveiller comme le lait sur le feu.
— Je suppose que tu as de l'expérience avec ça, commente Ellen.
Il doit savoir de quoi il parle. Il a dû être traîné dans les divers évènements mondains de ses parents dès son plus jeune âge.
— Dans plus de situations que tu ne crois, il confirme avec un haussement de sourcils et un ricanement.
Dans un frisson, elle a peur de soupçonner à quelles circonstances bien moins convenables que celles auxquelles elle faisait allusion il pense.
Leur conversation s'interrompt ensuite d'elle-même alors que Brennen grimpe à nouveau les marches menant sur l'estrade et toutes les têtes se tournent vers lui. La musique diminue en intensité sur la fin du dernier morceau, et le public s'arrête de danser, attentif.
— Et maintenant, le moment que vous attendez tous avec impatience : le roi et la reine de promotion. En gardant le meilleur pour la fin, par galanterie, on va commencer par le roi. J'espère que vous avez tous bien pensé à participer à l'élection de celui qui va représenter, pour la postérité, l'esprit de notre année. Roulements de tambours, s'il vous plaît ! il chauffe un peu la salle, pendue à ses lèvres.
Il souligne sa demande au responsable des effets sonores d'un bras tendu vers lui, et celui-ci s'exécute, tandis que Brennen déverrouille sur la tablette qu'il a entre les mains l'enveloppe électronique qui lui a été remise à son arrivée. Il a déjà fait cette manipulation plusieurs fois depuis le début de la soirée. Il découvre le vainqueur du titre annoncé une seconde avant tout le monde seulement, avec quelques points clés à placer dans son discours de remise. C'est très simple, vraiment.
Pourtant, cette fois, il reste muet. Son sourire et son regard se figent à la lecture de ce qui s'affiche sous ses yeux. Il est comme brusquement transi.
Voyant que leur maître de cérémonie a un blanc, l'élève chargé des lumières et visuels de la soirée choisit de lancer la projection du petit film de victoire derrière lui sans attendre son annonce, et la salle s'enflamme en voyant apparaître FYI en grandes lettres sur le mur. Sorti de sa torpeur par les hurlements d'enthousiasme, Bren se retourne et relève les yeux vers ses gros titres qui commencent à défiler. Horrifié, il fuit rapidement la scène. Il se rue sur Margery, restée au pied des marches.
— Est-ce que tu savais le résultat ? il l'interroge, la saisissant par le bras.
— Oui, pour pouvoir préparer le montage. Pourquoi ? Qu'est-ce qui ne va pas ? elle répond.
Plus préoccupée par lui que par elle-même, et comme il ne l'a pas attrapée très fort, elle se dégage rapidement de son emprise et ne fait aucun commentaire sur son geste. Il a l'air sincèrement choqué.
— Ce n'est pas une personne, il rétorque, pointant du doigt son pseudonyme toujours affiché derrière eux.
— Si, c'est une personne, c'est juste qu'on ne sait pas qui c'est. Où est le problème ? Il a été élu à la loyale. S'il y avait eu deux voix d'écart j'aurais peut-être hésité, mais là, c'était une victoire écrasante. Qu'est-ce qui te dérange ? Margery défend les résultats.
Elle ne comprend vraiment pas la réaction du rédacteur en chef. Étant donné son rôle, il doit justement être plus que conscient de la réalité du personnage d'FYI, puisqu'il doit même connaître son identité.
— Il ne va pas venir prendre sa couronne, continue de protester Brennen, écartant les bras devant l'évidence.
— Est-ce que ça importe ? lui oppose la jeune fille avec une moue à la fois perplexe et indifférente.
Le couronnement n'est pas une étape incontournable. La même chose se serait produite si un élu n'avait pas pu être présent en Bal. Rien de dramatique, donc. Elle ne le connaît peut-être pas excessivement bien, mais elle ne croit pas avoir déjà vu son camarade dans un état pareil.
— C'est juste…
Arrivé à court d'arguments, Brennen serre les poings et trépigne dans sa frustration.
La jeune fille est tout à coup frappée par la vérité, et devient bouche bée derrière son voile translucide.
— … C'est toi, pas vrai ?
Il serre les mâchoires, mais hoche discrètement la tête, avant de se pencher encore un peu plus vers elle. C'est une précaution inutile pour que personne d'autre ne l'entende, avec le bruit ambiant de toute manière trop élevé pour que ce soit le cas même s'il s'exprimait normalement, mais il la prend quand même, par habitude.
— Et peut-être un tiers du public est au courant. Tu viens de me faire m'annoncer moi-même, il confirme tout bas.
— Si tu ne l'avais pas fait, le reste se seraient douté de quelque chose. Je suis désolée, mais je ne pouvais pas savoir, s'excuse Margery.
Elle peut enfin compatir à son embarras, mais elle ne peut malheureusement rien y faire pour autant. Les gens parlent. S'ils avaient refusé les votes pour son nom de plume, le caractère démocratique du procédé aurait été remis en cause. Quant à quelqu'un d'autre que le rédacteur en chef du journal du lycée annonçant les élus, ça aurait soulevé des questions également. Et maintenant, c'est trop tard, de toute manière. Tout ce qu'il pourrait obtenir en protestant ouvertement, c'est de compromettre son anonymat journalistique et de passer pour un ingrat auprès de ses pairs.
Alors que Bren détourne la tête, agacé mais ne pouvant pas décemment en vouloir à sa collègue, son regard est attiré par quelqu'un qui retire son masque, de l'autre côté du gymnase. C'est évidemment déjà arrivé au cours de la soirée, à cause de la chaleur ou pour réajustement, mais cette façon de faire tomber le loup est différente. Et surtout, le visage qui se cache derrière l'interpelle. Il a un moment de doute, perturbé par la coupe de cheveux qui ne colle pas à son souvenir, mais il se rend rapidement compte qu'il ne fait pas erreur sur la personne.
Caesar Quanto est debout à l'autre coin de l'estrade, les yeux rivés sur ce qui est en train d'être projeté.
Le grand brun a passé la soirée dans l'ombre, à ne pas se faire remarquer et simplement apprécier d'être dans la foule, pour changer. Il a été surpris d'à quel point il a été facile de passer inaperçu, mais il ne s'en vexe pas. Personne ne s'attend à le voir ici et il porte un masque. Lorsque le roi de promo a été annoncé, il a d'abord été très amusé et fier pour son collègue du journal, jusqu'à ce que son article sur ce qui lui était arrivé à lui apparaisse. Ça, ça lui avait un peu fait perdre son sourire. Mais il ne s'en était pas offusqué pour autant. Non, ce qui le fait se décomposer à présent, c'est plutôt l'article sur l'enlèvement de sa petite sœur.
Reconnaissant celui qu'il a vu pour la dernière fois à moitié mort sur le sol, Brennen est pris d'un mauvais pressentiment. Suivant son regard vers la présentation qui est en train d'être faite de son alter ego, il ne tarde pas à comprendre ce qui est en train de se passer. Et ce n'est pas bon du tout. Le sang dans les chaussures, il se précipite à travers la foule, à la poursuite du grand brun, qui a déjà pris le chemin de la sortie.
De là où ils sont, ni Ellen ni Jack n'ont raté une miette de l'annonce. Connaissant tous les deux l'identité réelle d'FYI, ils ont grimacé, et la marginale a ensuite entrepris de rejoindre son cavalier, dans l'idée de le soutenir dans sa mésaventure. Resté en retrait tandis qu'elle joue des coudes pour se frayer un chemin jusqu'au bord de l'estrade, le petit blond a aussi pu observer Bren être interpellé par quelque chose. Après avoir suivi son regard, il en est arrivé à l'exacte même conclusion que lui, pour l'exacte même réaction de course-poursuite. La foule moins dense plus loin du podium, il est cependant le premier à rattraper son meilleur ami, dans la partie la plus large du hall principal du lycée.
Caesar est simplement sorti du gymnase pour prendre l'air, s'isoler. Il n'avait pas l'intention de quitter le bâtiment. Mais même s'il l'avait voulu, il ne pense pas qu'il y serait arrivé. Trop étourdi par la nouvelle de l'enlèvement de Mae, il a eu besoin de s'asseoir bien avant d'avoir atteint une porte extérieure. Jack, après avoir couru pour le rattraper, achève de le rejoindre en marchant, même si d'un pas plutôt vif.
— Ça fait combien de temps ? interroge le grand brun sans cérémonie avant qu'il ait le temps de dire quoi que ce soit.
Il a le regard perdu dans le vide devant lui, alors que son ami retire son masque et reprend son souffle.
— Qu'est-ce que tu fais ici ? lui demande Jack au lieu de répondre, égocentrique comme toujours.
— Depuis combien de temps est-ce que ma sœur a disparu, Jack ? insiste Caes, haussant le ton et levant vers lui un regard noir.
Il n'est plus exactement la même personne qu'avant son passage à l'Institut, et pas seulement à cause de sa nouvelle coupe ni même sa cicatrice au bras. Il a grandi, s'est endurci. Il a gagné une nouvelle compréhension de lui-même, et avec ça une nouvelle assurance. Il n'a jamais parlé à Jack sur ce ton, pas même lorsqu'il lui faisait la morale pour une incartade ou une autre. Pas même avant de lui mettre son poing dans la figure. Le petit blond vacille donc, aussi bien au sens propre qu'au sens figuré.
— C'est arrivé le 30 Avril, il lui apprend tout de même platement, sa mémoire ne lui faisant jamais défaut.
— Il y a plus d'un mois ?! s'exclame Caesar, choqué.
Cette date coïncide presque parfaitement avec le jour où il a commencé à suspecter que quelque chose n'allait pas chez lui, à cause du changement de jour de visite de son père, mais il n'en est pas moins surpris de la confirmation.
— Tu es parti depuis plus de deux, lui retourne Jack, comme s'il voulait lui donner la perspective des durées.
Avant que le grand brun ne puisse rétorquer à cette remarque totalement inadaptée, Brennen débarque enfin dans le couloir, lui aussi le bandeau de tissu qui lui servait de masque à la main. En un coup d'œil à gauche et à droite, il avise les deux meilleurs amis avant de les rejoindre.
— Caesar ! Je suis désolé. Je suis tellement désolé, je ne savais pas qu'ils allaient afficher ça. Je n'aurais jamais voulu que tu l'apprennes comme ça, il s'excuse immédiatement.
Tout désagrément causé par le fait d'avoir dû s'annoncer lui-même comme le roi de promo est oublié ; cette situation est sans conteste bien plus grave.
À sa réaction de décomposition puis de fuite, il est plus qu'évident que Caesar n'était pas au courant de ce qui est arrivé à sa petite sœur. Mais même s'il n'avait pas été présent, Bren n'est pas satisfait de l'exposition qui vient d'être faite de ses écrits. Les monteurs auraient pu s'en tenir à ses articles les moins sérieux, même s'ils ne sont certainement pas ceux qui lui ont valu la couronne.
— En même temps, personne ne savait qu'il allait être là… raille Jack.
En ce qui le concerne, il estime que ce détail est un facteur atténuant tout de même. Exaspéré, Caes explose :
— Je m'en fous ! Est-ce que quelqu'un peut me dire ce qui est arrivé à ma sœur ?
Il se relève, pour pouvoir regarder ses deux collègues en face, voire de haut pour l'un d'eux. C'est au tour de Brennen d'être frappé par le degré de différence entre aujourd'hui et la dernière fois qu'il l'a vu, inconscient dans une ambulance.
— Une camionnette est sortie de nulle part, avec des types en noir à l'intérieur. Ils l'ont emmenée. C'est tout ce qu'on sait, répond journaliste en herbe, résumant au mieux la situation.
— Tu étais là, devine le grand brun.
Il est mis sur cette voie aussi bien au choix de ses mots qu'à son expression contrite. Il n'a rien d'un narrateur qui ne serait pas directement concerné par les faits qu'il relate. Il n'est pas en train de transmettre un témoignage qu'il aurait recueilli auprès de quelqu'un d'autre.
— C'est grâce à ça que j'ai pu défendre l'exclusivité, répond Bren.
Se sentant maladroit, il détourne le regard. Au moment de faire le choix de raconter ce qui s'était passé, il avait eu l'impression de faire le bon choix. Il avait même réussi à obtenir l'aval de Nelson pour son article, alors qu'il était contre au départ. Mais maintenant qu'il est en face du frère de la victime, il se demande si ce n'était pas son meilleur ami qui avait raison.
— Merci pour ça, le remercie cependant Caesar contre toute attente.
Il connaît les principes et la façon d'écrire de Brennen. Il lui fait toute confiance pour avoir respecté la vie privée de sa famille dans ses articles, ce qu'il n'aurait pas présumé de n'importe qui d'autre au journal du lycée. Il n'est pas en colère que l'article ait été écrit, et qu'il ait été un témoin direct ou non, il apprécie que ce soit cette plume qui se soit attelée à la tâche.
— Tu es sorti depuis quand ? reprend Jack.
Il est coincé sur ce détail que tout le monde sauf lui semble avoir passé outre. Caesar a fait une tentative de suicide, quand même. Il a été enfermé pendant des mois, sans qu'aucune explication ne leur parvienne à ce sujet. Et il se pointe comme ça de nulle part, sans prévenir et comme si de rien n'était ?
— J'ai une permission pour la journée. Pour le Bal, répond laconiquement le grand brun.
— Quel genre de thérapeute te laisserait sortir sans te dire que ta sœur a été enlevée ? s'exclame le blondinet, levant les mains au ciel.
Peut-être que s'il s'était rendu à l'Institut plus d'une seule fois pendant le séjour de son camarade, et qu'il avait osé se mettre en contact avec le reste de sa famille, il serait moins pris de court. Mais pour l'heure, ce paradoxe lui échappe totalement.
— Le genre qui obéit aux directives de mes proches. Et ne s'imaginait pas que ça serait placardé sur un écran géant pendant un Bal, Caesar défend sèchement le Docteur Conway.
Il la sait avoir gardé le silence sur requête de son père. Et il respecte son intégrité. Quelque part, il est même flatté qu'elle l'ait jugé apte à affronter une telle nouvelle sans savoir comment elle allait lui être présentée. C'est une grande marque de confiance en ses progrès, plus grande qu'il ne l'avait imaginée. Maintenant qu'il est au courant de ce qu'elle savait l'attendre au dehors, il comprend mieux pourquoi elle a tant hésité avant de lui donner cette permission de sortie.
— Encore une fois, je suis désolé, répète Bren, se passant une main sur le front dans son embarras.
— Arrête de t'excuser ! Et félicitations pour ta couronne, au fait, même si tu ne peux pas la porter. Mais là… il faut que je rentre à la maison.
Après l'avoir absolu de toute faute une dernière fois, le grand brun commence déjà à se détourner de ses deux interlocuteurs ; en leur parlant, il se rend compte qu'ils ne sont pas vraiment les personnes à qui il devrait être en train de s'adresser dans l'immédiat. Le petit génie écarte les bras d'incompréhension de se voir ainsi planté sur place sans plus de considérations pour ses questions.
— Caes ! il tente de le retenir.
Caes fait demi-tour sans s'arrêter de se diriger vers la sortie, juste le temps de lui offrir une réponse pour apaiser son aigreur :
— Je sais que tu avais raison, Jack, d'accord ? Je suis pas désolé de t'avoir frappé, mais je sais que t'avais raison. Et là, il faut que je rentre pour découvrir à quel point. Il faut que j'y aille.
Pour toute la force qu'il reconnaît aujourd'hui à leur relation, Jack n'aurait jamais dû être sa priorité autant qu'il l'a été depuis qu'ils se sont rencontrés. Il est peut-être temps qu'ils s'y fassent, tous les deux.
Alors que Caesar disparaît vers la sortie la plus proche, Ellen surgit de là où est également arrivé son cavalier un peu plus tôt. Le temps qu'elle atteigne Margery, Bren était déjà parti en courant depuis un moment. Comme personne n'avait cependant compris les raisons de son départ inopiné, il a encore fallu un certain temps à la jeune fille avant de déterminer par où il était parti. D'abord soulagée de l'avoir enfin trouvé, la marginale est étonnée de découvrir Jack à ses côtés. Et aux visages qu'ils tournent tous les deux vers elle à son approche, ses sourcils se froncent. Qu'est-ce qu'elle a manqué ?
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