2x07 - Atlas (19/20) - Thérapie de couple
Dans la soirée, comme convenu au matin, Sam rejoint Iz chez elle. Pour le bien de son chat, qui n'est pas aussi à l'aise avec le nomadisme que Sing Sing peut l'être, ils alternent là où ils passent la nuit. Ils n'ont pas encore de tiroir l'un chez l'autre, mais au moins une brosse à dents. De même, le Rottweiler a une gamelle d'eau et une couverture dans un coin de chaque cuisine.
Se sachant attendu mais voulant tout de même éviter de potentiellement déranger, l'inspecteur entre après avoir frappé doucement à la porte. Alors que son chien file à sa place, sa grosse tête sur ses pattes, l'air satisfait, il repère sa dulcinée assise dans le coin lecture offert par son oriel. Les pieds sur la banquette et ses genoux légèrement ramenés à elle, elle a une tablette entre les mains. Lorsqu'il commence à s'approcher d'elle après avoir posé sa veste sur un crochet, elle lève cependant vers lui un regard qui lui fait perdre son sourire en marche :
— Est-ce que c'est parce que c'est un labo ? elle l'interroge d'entrée de jeu, sans lui donner de contexte, en ramenant ses jambes au sol.
Évidemment, il ne voit pas où elle veut en venir, et s'immobilise.
— Quoi ? De quoi tu parles ?
— Sam, est-ce que la raison pour laquelle tu ne veux pas me dire qui a pris Mae, c'est parce que c'est un labo ? Iz reformule avec plus de détails.
Elle s'efforce de garder son calme malgré son inquiétude. Elle a considéré d'aller le confronter de suite, en quittant Fred au café, mais s'est finalement retenue. Au lieu de ça, elle a passé le reste de son après-midi à chercher la moindre indication dans le dossier que sa supposition est erronée. Sans succès, bien entendu, même si elle n'a pas non plus trouvé quoi que ce soit de plus qui indiquerait qu'elle a vu juste. Le fichier est tellement maigre…
— D'où tu tiens cette théorie ? le maître-chien retourne les questions vers elle.
Il essaye de ne pas se laisser déstabiliser par l'inattendue pertinence de ce qu'elle lui demande, et parvient plutôt bien à rester de marbre. Malgré cela, son interlocutrice perd tout de même patience. Elle pose sa lecture à côté d'elle sur la banquette et se met debout :
— Ça n'a pas d'importance. Réponds.
Elle n'a pas besoin de hausser le ton. Elle n'en a même pas envie. Elle n'est pas en train de le gronder. Si elle voit juste, elle comprend pourquoi il ne lui en a pas parlé. Mais elle veut savoir, maintenant qu'elle a ce soupçon.
— Non ! C'est tellement plus compliqué que ça… il refuse d'obtempérer, secouant la tête.
Il n'a pas d'autre choix que de tout bonnement refuser de parler, s'il ne veut pas lui mentir. Et il n'est pas prêt à lui en dire plus. Est-ce qu'il arriverait seulement à faire sortir les mots ? Sa question lui a déjà glacé le sang.
— Est-ce que tu penses vraiment que je la dénoncerais ? Iz lui demande alors.
Elle prend malheureusement sa réplique pour un aveu. Il n'a pas dit non par rapport à ce qu'elle a demandé, mais bien par rapport à sa volonté d'obtenir une réponse.
— Bien sûr que non ! Mais… c'est même pas la question, il la corrige avec maladresse.
Non seulement le manque de confiance en elle ne figure pas parmi les raisons pour lesquelles il préfère la garder dans l'ignorance, ces raisons sont aussi bien plus nombreuses et complexes. C'est presque un aveu indirect, de dire une chose pareille, mais il a dépassé ce stade. Iz est de toute manière trop intelligente pour continuer à accepter son silence alors qu'elle vise aussi juste.
— C'est juste une petite fille. Quoi qu'en dise la législation, et quoi qui ait pu lui être fait, je ne vais pas la laisser se faire euthanasier, insiste la jeune femme quant à sa position sur le sujet.
Elle fait quelques pas pour achever de refermer la distance qui la sépare de son interlocuteur, mais le terme utilisé provoque un mouvement de recul chez lui. Mains sur les hanches, il regarde en l'air en soufflant lentement. Jusqu'ici, il s'était appliqué à ne pas songer de manière directe à ce qui aurait pu se passer si jamais sa nièce avait été retrouvée par les voies conventionnelles. Ce qui pourrait d'ailleurs toujours se produire, moyennant un raté de son escorte, ou encore une mauvaise gestion de sa réinsertion par lui-même, après son retour.
Au tout début des recherches, lorsque Jena lui a demandé de lui offrir une couverture officielle pour ses actions officieuses, il pensait seulement avoir à protéger son frère, Rob, et Caroline. (Ce qu'il avait déjà fait le jour où Alek s'est fait attaquer dans son laboratoire, alors ça ne semblait pas une incartade trop grande.) Même en sachant que c'était DG qui détenait sa nièce, il ne s'était pas d'emblée imaginé qu'ils pourraient lui faire subir des expériences, et qu'elle pourrait ainsi elle aussi nécessiter ce type de camouflage de sa part. Le jour où les extraterrestres ont révélé leur présence, disons que ce n'est pas la seule surprise qu'ils ont apportée avec eux. La nouvelle lui était alors tombée dessus comme une chape de plomb, et tout était devenu beaucoup plus difficile pour lui.
— Comment est-ce que tu as su ? il demande simplement, s'appliquant à rester concentré sur la conversation présente.
La première chose à faire est de déterminer à quel point Iz est plus informée qu'il ne le souhaiterait. Si elle sait, elle sait, il ne peut pas lui retire d'informations, mais il ne compte pas lui en donner plus qu'elle n'en a déjà. Pas s'il peut l'éviter.
— Fred, elle répond platement.
La prénom lui fait froncer les sourcils alors qu'il ramène enfin son regard bleu au sien. Il n'y a jamais particulièrement d'affection dans son expression quand il est question de la jeune inspectrice, mais il y a un reflet d'acier dans ses iris qu'elle ne lui a encore jamais vu.
— Fred ?! Qu'est-ce que Fred sait ? il s'exclame avec une grimace, allant de surprise en surprise.
Iz a un petit soupir.
— Elle a identifié un bâtiment que tu lui as demandé de ne pas signaler. Tu croyais qu'elle allait penser quoi, en apprenant qu'il s'y était passé quelque chose ? C'est une bonne inspectrice, elle lui fait remarquer.
Elle est d'ailleurs étonnée qu'il n'ait pas été plus prudent vis-à-vis de sa partenaire, si la confidentialité lui est si importante dans cette affaire. Ce qu'elle ne peut pas deviner, c'est qu'au moment d'utiliser les services de sa coéquipière de remplacement, Sam n'était pas autant tenu au secret qu'il ne l'est devenu par la suite, avec l'intervention de Strauss et ses petits camarades. À l'époque, la mettre au courant de tout n'était pas si inenvisageable que ça l'est aujourd'hui.
— Je sais… Je… Je pensais qu'on aurait récupéré Mae avant d'avoir à me soucier de ça. Ça m'est sorti de l'esprit, il admet.
Fatigué, il se passe une main sur le visage du front jusqu'à la mâchoire. Il a très envie de s'asseoir, mais le canapé n'est pas suffisamment à proximité, alors il reste debout.
— Ta coéquipière t'est sortie de l'esprit ? se permet de relever Iz, un sourcil haussé au léger manque de considération démontré.
— C'est difficilement mon équipière ! On bosse à peine ensemble. On est plus des consultants pour les autres équipes qu'autres choses, ces jours-ci, se défend Sam.
Il n'éprouve strictement aucune honte à ce que la suppléante de Patrick soit le cadet de ses soucis en ce moment. Peut-être que ce serait le cas si elle lui était plus sympathique.
— Quoi qu'il en soit, je suggère que tu fasses le point avec elle avant qu'elle décide de partager ses suspicions avec quelqu'un. Quelqu'un d'autre que moi, en tous cas. Car je présume que ça ne serait pas une bonne chose pour toi ; je me trompe ? conseille la profileuse sur base de suppositions, à défaut de mieux.
Même si ce n'est pas uniquement dû à sa baisse de confiance dans le système à cause d'Eugène comme elle l'avait pensé, elle ne voit pas de raison qu'il ait changé d'avis au sujet de l'archivage de la piste du bâtiment. Mais elle est par ailleurs consciente qu'elle est loin d'avoir tous les éléments en main pour être sûre de quoi que ce soit. Elle n'est même pas certaine que Sam ait effectivement eu quelque chose à voir avec la descente qui a pris place dans ce laboratoire. C'est peut-être véritablement une coïncidence, et c'est ailleurs qu'il s'est rendu Lundi. Peut-être. Mais même si c'est le cas, il peut encore avoir d'autres raisons de vouloir conserver la connexion entre l'enlèvement de sa nièce et cet endroit un secret. Notamment pour éviter toute suggestion qu'elle aurait pu être soumise à de l'expérimentation humaine non sanctionnée.
Sam reste un instant songeur à cette proposition. Il a toutes les cartes en mains, lui. Ou en tous cas, plus qu'elle, et devrait donc avoir une meilleure idée des tenants et aboutissants de la décision qui est aujourd'hui entre les mains de Fred.
— Si Insley parle à quelqu'un, ce sera le DSI, et on est couverts de ce côté-là. Ce serait plus elle qui aurait des ennuis que moi, il écarte finalement la menace.
Il serre les dents à cette conversation qu'il ne voulait décidément surtout pas avoir avec la jolie brune. Il déteste qu'elle soit déjà autant impliquée. Un secret aussi lourd est la dernière chose qu'il voudrait imposer à quelqu'un qu'il aime. Et il n'y a pas de prescription sur celui-ci ; elle va devoir le garder toute sa vie. Peu importe combien elle sera convaincue que c'est la meilleure chose à faire, ça n'en est pas moins une contrainte de taille.
— Donc tu travailles bien avec eux ? Iz devine mais cherche à confirmer tout de même, incertaine encore.
Elle l'avait supposé, presque espéré, mais elle ne sait pas si elle en serait rassurée, en fin de compte. Si Mae a réellement été retenue dans un laboratoire clandestin, ils seraient les premiers à vouloir l'éliminer, puisque l'application de cette Loi est tout à fait leur rôle. Auquel cas Sam les accompagnerait dans leur enquête sous un faux prétexte, ce qui est un jeu dangereux.
— Je travaille avec Chuck Denton, il ne peut que lui offrir.
Il est brusquement soulagé qu'il y ait au moins un intervenant dans cette histoire qu'elle connaît et dont la présence peut donc la sécuriser, même si elle ne sait évidemment pas tout de lui. Il est vrai que, si Fred s'adressait à ses collègues à ce sujet, le grand blond l'intercepterait sans doute. Ce ne serait pas en sa qualité d'agent, mais le résultat serait le même.
— Denton ? L'agent qu'ils ont envoyé pour Eugène ?
Iz est tout aussi prise de court par cette révélation qu'il l'a été par le fait que ce soit Fred qui l'ait mise sur la voie d'un laboratoire. Elle resitue pourtant très bien le grand albinos ; il faut dire qu'il est difficile pour l'élégant alien de ne pas faire forte impression, aussi bien physiquement que par son comportement. De plus, c'est elle qui a travaillé le plus étroitement avec lui durant son bref séjour à Chicago. Et comme s'il n'était pas assez percutant de par son simple charisme, l'image de lui avec le sang de Randers sur sa chemise blanche est difficile à oublier pour tous ceux qui en ont été témoins. Néanmoins, elle ne s'attendait pas à entendre parler de lui maintenant.
— Celui-là même, confirme Sam succinctement.
Il ne veut surtout pas laisser voir à quel point il est dérangé par l'idée qu'elle l'associe encore à la solution de ce problème, alors qu'il sait par ailleurs qu'il a été essentiel au retour du tueur en série parmi les vivants. Il a beau avoir donné son accord pour la résurrection du psychopathe blond, l'inspecteur n'en est pas moins mal à l'aise que son partenaire. En ce qui le concerne, le plus tôt le diable sera retourné dans sa boîte, le mieux ce sera pour tout le monde. Son musèlement ne l'absout de rien, et il doit toujours payer le prix de ses horreurs passées. Il ne peut pas nier son utilité lors de l'infiltration de DG, mais elle ne répare pas ses méfaits passés.
— Et il sait, pour Mae, ou bien au contraire tu le gardes proche pour justement qu'il ne le découvre pas ? Iz théorise tout haut.
Elle ne peut toujours pas faire sens de la participation active d'une organisation gouvernementale à la circonvention d'une règlementation en vigueur. Surtout cette agence-ci.
Sam soupire et prend le pont de son nez entre deux doigts. Il lutte pour ne pas s'emmêler les pinceaux entre la vérité, ce qu'il a déjà partagé avec sa compagne, ce qu'elle doit penser avec les éléments qu'elle a, et ce qu'elle ne doit surtout pas découvrir.
— Comme je l'ai dit, c'est encore beaucoup plus compliqué que tu le crois. Tu n'as pas idée… il se contente de répondre.
Il se rend compte qu'il ne pourrait de toute manière pas tout lui expliquer même s'il en avait l'envie et surtout la permission. Par où est-ce qu'il commencerait ? Certaines choses, il n'est même pas sûr de les avoir assimilées lui-même. Sur plusieurs tableaux, il fait une confiance aveugle à d'autres.
Le voyant en détresse, ce qui n'était pas son intention en entamant cette conversation, Iz se rapproche de lui et abaisse doucement sa main de son visage. Elle la garde dans la sienne, attirant son regard au sien pour l'apaiser. Elle lui est un peu rentrée dans le lard quand il est arrivé, mais ce n'était pas par colère. Elle a simplement peur pour lui. Peur qu'il soit submergé par cette histoire, s'y perde, et n'arrive jamais à en ressortir. Et comme beaucoup de monde, lorsqu'elle a peur, elle resserre son étreinte à en étouffer ce qu'elle voudrait pourtant préserver. Elle s'efforce de peser ses mots avant de reprendre :
— Et je comprends ça. Je comprends que c'est confidentiel, ou dangereux à savoir, voire les deux. Pour info, je n'ai pas cherché à savoir, c'est Fred qui est venue vers moi. Mais Sam, tout ignorer ne m'empêche pas de m'inquiéter. Quand j'ai commencé à suspecter que Mae avait peut-être été emmenée dans un endroit pareil…
Elle n'arrive pas à terminer sa dernière phrase. Comment trouver les termes pour décrire le choc de cette soudaine et terrible illumination ? Cette loi est appliquée. Ça ne fait pas la une des journaux, mais elle l'est.
— Tu n'as pas besoin de me décrire ce sentiment.
Il lui fait grâce de chercher plus longtemps ses mots. Le sang dans les chaussettes, et la plupart des organes avec. Comme un grand froid qui prive d'oxygène, un vertige de faiblesse étourdissant. Son monde a implosé. Il a tenu Mae pas très longtemps après sa naissance, il l'a regardée grandir d'une petite fille à une adolescente, il lui a appris à se défendre et taper dans une balle de baseball. Et tout à coup, son avenir, qu'il ne doutait pas resplendissant, s'est vu ombragé par la possibilité d'une chasse à l'homme et une mise à mort. Comment est-ce qu'il est supposé accepter une chose pareille ?
— C'est exactement de ça que je parle ! Tu es là pour tout le monde, mais qui est là pour toi ? Pendant que tu cherches Mae, tu soutiens Alek, tu soutiens Markus, tu soutiens même Caesar, d'une certaine manière…
— Et ça me vaut une séance de thérapie hebdomadaire. Il est là, mon soutien professionnel, il la coupe dans son énumération, refusant net de se faire plaindre.
— Par une psychiatre qui en sait encore moins sur ce qui se passe que moi. Et ne me ressors pas cette ligne comme quoi je suis ton roc même dans l'ignorance, parce que c'est bien beau, mais j'ai l'impression que me préserver t'apporte autant de quiétude que de stress, proteste la brunette avec ferveur, faisant référence à leur dernière confrontation sur ce sujet, haussant un sourcil presque sévère.
— Patrick est dans la boucle. C'est le seul partenaire en qui j'ai jamais eu confiance, et il ne m'a jamais laissé tomber, tente alors Sam.
Il ne se sent pas aussi seul qu'elle le dépeint. Cette affaire n'est pas une promenade dans le parc, c'est certain, mais il a une équipe. Atypique et inattendue, mais une équipe tout de même. D'accord, ils n'en sont pas à chanter Kumbaya en faisant la ronde autour d'un feu de camp, mais ça n'a jamais été son style de toute façon.
— Patrick peut à peine tirer droit, raille Iz, roulant des yeux.
— Bien sûr qu'il tire droit ! le maître-chien se met à protester à son tour.
Il sait à quel point le sang de son coéquipier bouillirait à cette remarque. Et ce même lorsqu'elle était encore vraie, il y a quelques semaines. Il a eu une petite baisse de performance, compréhensible d'ailleurs, suite à sa rencontre avec un certain assassin blond. Mais curieusement, ça va beaucoup mieux depuis qu'il a appris qu'il s'agissait en réalité d'un alien. C'est d'ailleurs appréciable, car ça aurait pu aller dans ce sens comme dans l'autre.
— Oh, je suis contente d'apprendre qu'il a récupéré son mojo sur ce plan. Mais ça n'empêche que je le pense encore en train de digérer son tête-à-tête avec un tueur en série. Pas le pilier idéal, insiste la profileuse, qui ne démord pas de son diagnostic d'isolement pour son amant.
— Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? il finit par lui demander.
Se dégageant doucement, il lève les mains en l'air. Il ne comprend pas comment un interrogatoire s'est transformé en intervention. Il est soulagé qu'elle accepte de lui faire confiance et de ne pas creuser d'avantage, comme il le lui en était reconnaissant au matin, mais ce nouveau sujet ne le met néanmoins pas plus à l'aise que le précédent.
— Que tu prends un peu soin de toi pendant que tu prends soin de tout le monde autour de toi. Parce que c'est beaucoup, ce qui se passe. C'est énorme, plus que je ne le pensais, tu as raison, je peux le deviner sans avoir de détails. Alors j'ai besoin de savoir que tu vas en ressortir avec toute ta santé mentale, elle répond avec candeur, malgré le caractère plus ou moins rhétorique de la question.
Elle savait que cette affaire serait difficile, que quelle qu'en serait la conclusion, il y aurait des morceaux à ramasser. Mais elle ne pensait pas, avant sa discussion avec Fred, qu'il serait potentiellement impossible de s'en remettre. Et elle n'a pas envie de perdre Sam. Elle se sent capable de beaucoup de choses, mais pas ça. Pas comme ça.
La voyant à son tour alarmée, comme il l'était un peu plus tôt à ne pas savoir quoi lui dire ou ne pas lui dire, il vient poser ses mains sur ses épaules. C'est à nouveau à lui de la rassurer, maintenant. Voilà une partie de tennis qui n'a rien de distrayant…
— Je craquerai plus tard, d'accord ? C'est peut-être bizarre, mais c'est ma méthode. C'est comme ça que j'ai géré la mort de mes parents, de ma belle-sœur, même de mes chiens. Je travaille extrêmement bien sous la pression, et je ne lâche rien tant que je n'ai pas fait ce que j'ai à faire, il lui explique, puisqu'elle ne l'a jamais vu traverser d'épreuve particulière.
Là où la plupart des gens ont besoin d'évacuer au fil de l'eau, il a toujours fait preuve d'une remarquable endurance. Il est têtu, comme ça. On l'a déjà qualifié de bulldog. Alors qu'il avait un American Staffordshire Terrier à ses basques. Il préfère dire qu'il est tenace, mais dans le fond, il sait que le premier adjectif est amplement mérité.
Iz scrute encore son regard bleu du sien verdoyant pendant un moment avant de répondre. Elle le sait coriace. Ce n'est pas sa fortitude qu'elle remet en doute par ses angoisses. Mais tout le monde à ses limites. Elle aimerait simplement pouvoir être sûre qu'il connaît aussi bien les siennes qu'il le prétend.
— Promets-le-moi, alors, elle finit par lâcher, s'efforçant de prendre du recul.
— Que je te promette quoi ?
Il est évidemment dérouté par la demande, puisqu'elle manque de contexte.
— Trois jours. Non, une semaine. Promets-moi une semaine, une fois que toute cette histoire sera terminée, que Mae sera rentrée à la maison, et Caesar aussi, et Pat au boulot. Une semaine pour crier, pleurer, casser des trucs s'il le faut. Promets-moi, elle élabore sa requête.
Elle accompagne ses énumérations du geste, tantôt martelant doucement le côté de sa main sur son autre paume, péremptoire, tantôt désignant ses doigts tour à tour.
— Tu veux que je te promette de péter des trucs ? il choisit de souligner.
Il est sceptique vis-à-vis de cette partie du plan. L'ombre d'un sourire joueur commence à danser au coin de ses lèvres.
— S'il le faut, elle maintient cependant, restant sérieuse, elle.
Il est incorrigible, mais elle commence à savoir comment lui résister. Quand ça compte, en tous cas.
— Une semaine semble excessif, il tente de négocier.
Il n'aime pas l'idée de devoir s'écouter.
— Sam… elle le rappelle à l'ordre, le défiant du regard.
— D'accord. Une semaine, il accepte donc après considération, convaincu par son air grave.
Il ne sait pas si cette affaire sera réellement terminée un jour. Mais Iz n'a pas tort de penser que sa résistance à l'adversité n'a jamais été testée à ce point. La destruction a toujours plus participé à la sérénité de Patrick qu'à la sienne, mais ça vaut peut-être le coup d'essayer. On dit que c'est libérateur. Et même s'il ne tente pas cette méthode, c'est vrai qu'il n'a pas pris de véritables vacances depuis longtemps.
Iz n'est pas tout à fait convaincue par cet accord. Ça lui paraît un peu facile.
— Une semaine loin de tout et tout le monde, sans enquête, sans personne, juste toi qui gères, elle précise.
— Si tu n'es pas là je vais reconsidérer ! il rebondit immédiatement.
Est-ce une véritable césure si sa compagne manque à l'appel ?
— Sam, elle réitère, levant un index dans sa direction cette fois.
— Très bien ! Oui ! Je te promets une semaine d'introspection au milieu de nulle part, loin de la civilisation. Est-ce qu'on peut dîner et aller dormir, maintenant ?
Lassé de ces allers retours, il cède, et propose une activité normale dans l'immédiat. Il commence à se faire tard, et il n'est pas venu pour discuter de tout ce qui vient d'être discuté. Alors, en attendant qu'il puisse réellement se permettre de souffler, pourquoi ne pas lui accorder le répit même peut-être illusoire d'une soirée tranquille en couple, comme il n'avait jamais pensé en vouloir avant de se rapprocher de la jeune femme ?
— Oui, on peut faire ça, oui, répond heureusement cette dernière en pouffant et levant les yeux au ciel.
Elle craque, et se joint à son humeur. Elle a obtenu gain de cause, après tout, alors elle peut bien se dérider.
— Merci… il lui accorde.
Il fait passer dans son regard qu'il lui est reconnaissant, non seulement de ce choix mais également de se soucier de lui comme elle le fait, aussi récalcitrant il puisse se montrer à ce qu'on s'occupe de lui de la sorte. Lisant entre les lignes, elle s'abstient de tout commentaire et vient simplement passer son bras autour de sa taille, avant de l'entraîner doucement avec elle en direction du coin cuisine de sa grande pièce à vivre. Comme s'il était le premier macho à qui elle avait affaire, franchement. C'est le premier dont elle s'éprenne, en revanche.
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