2x07 - Atlas (15/20) - Conciliabule

Suite à la visite de Brennen en fin de matinée, Ellen est retournée à son feuilleton. Elle est restée curieusement silencieuse au déjeuner, ce qui a beaucoup intrigué ses parents, mais le couple s'est néanmoins gardé de l'interroger. Ils savent mieux que de pousser leur fille pour obtenir des informations de sa part. Ils lui font confiance pour partager lorsque c'est nécessaire. D'autant que ce n'est pas comme si elle était capable de garder les choses pour elle bien longtemps, de toute manière. Et quoi qu'il en soit, cette discrétion leur semble plus positive que celle un peu triste qu'elle a pu adopter ces derniers jours, alors tout va en s'améliorant en ce qui les concerne.

En fin d'après-midi, Mrs. Illipardi se voit à nouveau dérangée par quelqu'un qui sonne à la porte et demande sa fille. Tout aussi charmant que le précédent, elle connaît cependant ce visage-là.

— Ellie ! Nelson est là, elle appelle son enfant, lui annonçant la visite de son ami.

Sans avoir besoin de répondre, et quelque part rassurée que sa mère annonce effectivement son camarade par son prénom comme elle en a l'habitude, l'adolescente quitte sa chambre et rejoint l'entrée. Une fois de plus, sa génitrice lui cède la place avec un sourire, puis retourne à ce qu'elle était en train de faire.

— Salut, Nels. Qu'est-ce que tout le monde a à se pointer sur mon palier sans prévenir, aujourd'hui ? Ellen accueille son visiteur, qui lève un sourcil à ce commentaire.

— Qui d'autre est venu sans prévenir ? il s'enquiert immédiatement, presque possessif.

— Bren, répond simplement la jeune fille.

Elle accompagne ce diminutif d'un haussement d'épaules désinvolte, comme si la scène de la visite de l'intéressé n'avait pas tourné en boucle dans sa tête depuis qu'elle s'était produite.

Nelson retient un ricanement incrédule, et il doit chercher à confirmer, car il ne peut s'empêcher d'être surpris :

— Brennen Watson est passé te voir ?

— C'est pas si incroyable ; on se connaît ! Ell' s'offusque un brin.

L'étonnement dans le ton de son camarade est un peu trop marqué à son goût. Elle croise les bras, vexée.

— Qu'est-ce qu'il voulait ? le garçon poursuit son interrogatoire, toujours pas convaincu.

— Qu'est-ce que TOI tu veux, d'abord ? le coupe cependant sa collègue.

Elle n'apprécie pas la manœuvre alors qu'elle est sur son propre terrain. On ne demande pas des comptes aux gens quand on débarque chez eux à l'improviste. Non mais c'est quoi, ces manières ?

La question sort Nelson de sa perplexité et lui rappelle la raison de sa venue. Il n'est pas venu pour l'embêter, bien au contraire. Son intention était d'entamer le processus de rattraper la dépression qu'il a causée en envoyant Uglow lui parler. Aussi agaçante Ellen puisse-t-elle être parfois, il est encore plus dérangé lorsqu'elle ne l'est plus du tout. Ce n'est pas naturel.

— Bah… En fait… J'étais tout seul au match de mon père, ce matin, et je me suis dit que peut-être t'avais autant envie de compagnie que moi, il confesse maladroitement.

Il ne fait référence à l'absence de Mae qu'indirectement. Il sait qu'elle affecte sa camarade autant que lui, même si parfois un peu différemment. Ellen n'a cependant aucun mal à comprendre son allusion.

— Tu peux pas remplacer Mae, elle rétorque de suite.

Elle ne voit pas en quoi sa visite pourrait être une solution à leur problème commun. Il y a trois pieds à leur tabouret, d'habitude. Pour tous leurs efforts, ils ne pourront pas rétablir l'équilibre à eux seuls.

Bon improvisateur dans sa persévérance, Nelson ne peut qu'admettre son insuffisance à la tâche, mais il ne démord pas pour autant dans sa volonté de s'y atteler :

— Nan, je sais. Mais en l'occurrence, le mec pour qui tu as un béguin sévère est passé te voir, et elle n'est pas encore revenue pour que tu lui en parles, alors je peux faire de mon mieux. T'en dis quoi ?

L'adolescente pondère sa proposition un instant, une moue hésitante aux lèvres. C'est vrai qu'il tombe à pic, parce qu'elle aurait bien envie de discuter de l'invitation de Brennen avec quelqu'un. Mais dans l'idéal, ce quelqu'un serait en effet plutôt Mae. Ou au moins une fille, même si elle n'est proche d'aucune autre de son âge. Nelson est plutôt du genre à décrocher dès que la conversation se dirige vers la moindre préoccupation féminine, jugeant toujours ne rien avoir à apporter. Et d'habitude, ce n'est pas décevant, puisque son opinion purement masculine a toujours une haute valeur ajoutée. Néanmoins, est-ce qu'il pourrait vraiment donner le change aujourd'hui ?

— Hm. Je sais pas si c'est dans tes cordes, l'adolescente finit par émettre ses doutes à haute voix.

Parallèlement, elle reste consciente qu'elle n'a pas un éventail de choix de confidents excessivement large non plus. Aussi bonne que soit sa relation avec ses parents, il lui paraît impensable de discuter de la visite de Brennen avec l'un ou l'autre. Ils sont géniaux lorsqu'elle a besoin de conseils avisés, mais elle serait beaucoup moins à l'aise avec l'idée de simplement leur vider son sac de papillons d'estomacs. Sa mère tenterait sûrement de se faire la voix de la raison, tandis que son père, eh bien, se montrerait protecteur. Ce qui est bien, mais pas ce qu'elle a envie d'entendre. Ou pas seulement.

— Au pire, on parlera d'autre chose, va ! Je peux entrer ?

Nelson prend cette hésitation pour un début d'accord, et aussi commence à se sentir un peu idiot à se tenir sur le perron comme ça.

— Nan ! T'es fou ! On va pas parler de ça à portée d'oreilles de mes parents ! proteste immédiatement Ellen.

D'une main sur son torse, elle le pousse en arrière, et laisse la porte de son domicile se refermer derrière elle. Bien qu'elle soit beaucoup plus frêle que lui, il obtempère. Tout en s'assurant que ni son père ni sa mère ne sont dans le salon, dont la fenêtre donne sur la balancelle, elle le ensuite fait asseoir sur le banc suspendu avant de prendre place en tailleur à côté de lui.

— Bren est venu pour m'inviter au Bal de Promo, elle révèle une fois qu'ils sont installés.

Elle fait les gros yeux pour illustrer sa propre stupéfaction à ce développement, et il ne tarde pas à l'imiter à sa façon.

— Sérieux ?

— Encore une fois, ce serait mieux si t'avais pas l'air aussi choqué.

Elle recroise les bras, de nouveau froissée par sa réaction.

— Ah, pardon… er… Naaan ! Racooonte ! il se reprend, caricaturant une voix et une pose féminine sur la fin, plaçant le dos de sa main sous son menton en papillonnant des paupières.

— C'est mieux, apprécie Ellen en riant.

— Et alors, c'était quoi, ta réponse ? il reprend normalement.

Pour pouvoir se tourner convenablement vers son interlocutrice, il ramène l'un de ses jambes à côté de lui sur la balancelle. Ce sujet de discussion n'est pas sa zone de confort, mais il compte bien faire de son mieux pour donner la réplique de manière honorable.

— Tu crois vraiment que j'allais lui dire non ? rétorque Ellen avec un regard en biais, le trouvant bien peu perspicace.

— On sait jamais, dans la panique ! il défend sa question en haussant les épaules et les mains.

Il ne sait pas comment il aurait réagi si une Terminale l'avait invité. Mais en même temps, il ne traîne pas avec qui que ce soit de plus âgé. La seule véritable occasion de mélanger les niveaux, au lycée, ce sont les options. Or, les membres du club de menuiserie sont beaucoup moins amenés à travailler ensemble qu'au journal. Des plus jeunes lui demandent parfois des conseils, mais les plus anciens ont plus de mal. Et puis, de toute façon, le nombre de garçons dépasse de loin le nombre de filles, pour les pratiquants de cette activité. Ce qui n'est pas le cas au club de sculpture, curieusement.

— J'ai dit oui, annonce alors Ellen explicitement.

Rétrospectivement, elle peut comprendre son objection. Nels, avec la gent féminine, ce n'est pas ce qu'il y a de plus simple. Il faut déjà qu'il se rende compte quand on l'apprécie. Et si c'est lui qui est intéressé, autant dire qu'elle sait qu'il n'a jamais fait le premier pas. Pour un type aussi bien bâti et le reste du temps plutôt courageux, il est bien peu téméraire dans ses avances. Mais elle estime que c'est aussi ce qui lui vaudra du succès un jour. Elle espère juste que ça ne continuera pas d'être avec des filles du genre de sa dernière petite copine, dont elle préfère ne même pas penser le nom. C'est sûr qu'avec elle, il n'a pas dû avoir à faire preuve de beaucoup d'initiative tant elle a dû se montrer entreprenante.

— Et c'est tout ?

Nelson est pour le moins étonné que son amie n'ait pas plus de détails à donner. Elle est pourtant toujours friande de grands élans lyriques lorsqu'elle raconte une histoire, même quand celle-ci est objectivement inintéressante.

— C'est pas comme si j'avais besoin de lui donner mon accord par écrit avec contresignature, tu sais, elle rétorque avec un sourcil arqué, ne comprenant visiblement pas sa question.

— Nan, mais j'veux dire, t'aurais rien d'autre à raconter à Mae ? Genre, je sais pas, sur-analyser le moindre de ses faits et gestes ? Discuter robes, peut-être ? il explique sa surprise en proposant ce à quoi il se serait attendu.

Il patauge en terrain inconnu. Bien que sa meilleure amie depuis l'enfance soit une fille, elle a l'avantage que, même avant qu'ils ne se rencontrent, elle était déjà principalement entourée d'hommes. Son père, ses frères, son oncle. Même avant la mort de sa mère, ils étaient en majorité parmi ses proches, et ils ont pris l'exclusivité après ça. Elle était donc habituée à cette situation avant qu'il entre en jeu, et ne la lui a par conséquent jamais reprochée. Si elle a été très contente d'étendre leur duo en trio pour Ellen, sa présence féminine a plus été une bonne surprise pour la blondinette qu'un manque qu'elle cherchait consciemment à combler. Et comme de son côté c'est la même chose, avec ses deux pères, Nels n'a donc pas réellement d'expérience des discussions de filles au-delà de celles qu'il a vaguement entendues d'une oreille, entre Ellen et Mae, justement.

— Bah… J'aurais bien deux trois remarques, mais c'est ta première discussion de filles, on va peut-être pas pousser trop loin, concède la marginale.

Elle ne nie pas ses hypothèses, mais elle se propose de lui faire grâce de tout ça. Qu'il ait fait l'effort de venir la voir sur son week-end, et ait ensuite accepté de l'écouter parler d'un truc qu'elle sait ne pas l'intéresser du tout et même plutôt lui faire peur, est largement suffisant. Elle n'en doutait pas avant, mais Nelson est vraiment un bon pote à avoir. Il ne veut toujours que ce qu'il y a de mieux pour ses amis, même lorsqu'ils ne se rendent pas compte de ce qu'il leur faut eux-mêmes.

— J'suis prêt, il se porte tout de même volontaire, menton relevé presque à l'espagnole.

Se jeter à l'eau est une méthode d'apprentissage comme une autre. Et tirer d'un coup sur le sparadrap évite aussi beaucoup de douleur. Et puis, il n'aime pas faire les choses à moitié, alors maintenant qu'il est lancé, il compte bien terminer cette conversation. Il ne sera pas dit qu'il est venu pour rien.

Après considération, Ellen choisit alors volontairement la remarque la plus improbable à lui offrir :

— Très bien ! Si Mae était là, je lui dirais que c'est cool que mes règles aient commencé hier, parce que ça veut dire qu'elles seront finies Samedi prochain.

La déclaration a évidemment l'effet escompté. Il se lève brusquement, les mains à hauteur de ses oreilles en signe de reddition, et les yeux fermés comme si ça pouvait lui ôter l'image de ce qu'il s'est imaginé malgré lui :

— Ew ! D'accord ! Trop d'infos ! Je savais pas que t'en étais là, et je crois pas que je voulais le savoir !

Sa camarade éclate de rire à son air traumatisé et sa présomption déplacée.

— Sois pas bête ! Je parle pas de ça. C'est juste beaucoup plus facile de s'amuser quand t'as pas à penser à aller aux toilettes toutes les quatre heures, elle le corrige, tout en restant hilare à son malaise typiquement masculin.

Le plus drôle, c'est qu'autant il a raison et elle n'en est pas là du tout, autant il a en ce qui le concerne eu quelques copines. Il devrait donc être beaucoup moins timide sur le sujet qu'elle. Les garçons sont des êtres étranges…

— Et Mae, elle aurait sérieusement trouvé ça normal que tu lui lâches un truc pareil ? Ew, il accepte l'explication et se rassoit, bien que sans perdre sa grimace de dégoût.

— Ouais… C'est peut-être même elle qui m'en aurait parlé, vu qu'on est synchros, confirme Ellen avec un air soudain un peu triste.

La première semaine sans elle, c'était l'une des choses qui l'avaient fait pleurer bêtement. Elle s'était retrouvée en larmes au-dessus d'un lavabo, à se demander comment son amie pouvait bien gérer cette situation là où elle était. Secrètement, et aussi naïf ça puisse être, elle avait même espéré que ça mette ses kidnappeurs dans l'embarras.

— Je sais pas quoi faire de cette info, je t'avoue, répond Nelson.

Il est un peu gêné en voyant que sa camarade est ramenée à songer au sort incertain de leur amie commune. C'est vraiment pénible, cette situation qu'ils ne savent pas par quel bout prendre. Ils ne peuvent pas l'ignorer, mais à chaque fois qu'ils essayent de s'en consoler, ça les ramène aussi à s'en lamenter.

— En fait, ça m'étonne un peu que t'aies jamais remarqué, fait remarquer la marginale, se forçant à sourire et penser à autre chose.

Être versatile n'est pas toujours une étrange caractéristique, ça peut aussi parfois être utile.

— Mais qui remarquerait un truc pareil, en même temps ? se défend le garçon.

Il n'arrive même pas à s'imaginer sur quel type de détail il faudrait s'attarder pour en arriver à cette conclusion. Autant qu'il s'ache, toutes les filles vont toujours au toilettes au moins par deux, quelle que soit la période du mois et même quel que soit leur âge. Et il n'en a jamais vue aucune laisser une fuite passer plus d'une fois. C'est bien simple, hormis ces rares malheureuses qui subissent des crampes suffisamment violentes pour les envoyer tout droit à l'infirmerie, aucune demoiselle ne fait pas tout ce qui est en son pouvoir pour ne jamais laisser paraître qu'elle est indisposée. Et il comprend pourquoi, très franchement.

— Il y a des profs qui ont déjà compris, Ellen insiste cependant sur la possibilité.

Elle n'a pour sa part pas manqué le regard entendu de certains enseignants lorsqu'elle et sa meilleure amie demandent toutes les deux une permission dans la même heure de cours.

— Cites-en un seul ! continue de protester l'autre, cherchant à lui faire exposer ce qu'il pense être du bluff.

— Strauss, sort pourtant immédiatement de la bouche de la jeune fille, puisque c'est le premier nom à lui être venu à l'esprit.

La plupart des professeurs, s'ils devaient s'apercevoir qu'une élève semble pâle, à mi-chemin entre la nausée et les crampes, éviteraient de lui poser des questions ou la faire intervenir. Ils seraient prévenants. Mais le jeune mathématicien, pourtant très obligeant de manière générale, a en ce qui le concerne à plusieurs reprises eu des commentaires très étranges à l'intention de la gent féminine incommodée, même si toujours discrets et jamais déplacés. Puisqu'elle a tendance à s'attarder sur les petites choses incongrues, Ellen n'a pas manqué de cataloguer ces quelques fois, envers elle et Mae comme d'autres lycéennes d'ailleurs.

— Quoi ? Il a été notre remplaçant pendant genre 3 mois. Pas moyen qu'il soit aussi observateur ! objecte Nelson à l'accusation.

Selon lui, elle ne peut pas être autre chose que totalement infondée, comme la grande majorité des affabulations de la marginale. Strauss était particulier, difficile à cerner et perspicace, mais quand même.

— Deux fois c'est une coïncidence, trois fois une récurrence, Ellen se contente d'énoncer en guise de répartie.

Elle refuse d'entrer dans les détails, mais elle souhaite tout de même illustrer qu'elle dispose d'arguments pour soutenir ce qu'elle avance. Il ne gâche rien qu'elle ait prêté une attention toute particulière à Strauss, lorsqu'il enseignait à Walter Payton. La première raison à ça est l'attrait de la nouveauté, qui a été intensifié en ce qui concerne le mathématicien par son côté mystérieux. La seconde raison est l'étrange façon qu'il avait de toujours se retrouver dans l'orbite de leur petit groupe, et tout particulièrement celui de Mae. Il y a eu ce bête accident où il lui a épargnée une chute mortifiante les quatre fers en l'air, puis le fait que c'est avec lui qu'ils étaient lors de la prise d'otage, et enfin le béguin qu'avait fini par avouer la blondinette.

— Tu devrais être policière, er, pardon, écrire des romans policiers, raille Nels, se reprenant faussement, un air taquin sur le visage.

— Et commencer comme mon père ? Probablement pas.

En effet, son géniteur a commencé par écrire des scénarios dans ce genre, avant de bifurquer vers des tragédies impliquant un peu moins de crimes. Elle adore ses pièces, mais elle ne partage pas du tout son style.

— Tu sais pourquoi il a changé de thème ? demande son camarade.

Il ignorait ce détail à propos de Mr. Illipardi. Jusqu'à maintenant, il ne le savait que dramaturge. Il a d'ailleurs assisté à une représentation de l'une de ses pièces, une fois, et ça ne lui a pas du tout donné l'impression d'avoir été écrit par un amateur de suspense.

— Il dit qu'il n'aimait pas la façon dont ses histoires finissaient, Ellen lui transmet la réponse qui lui a été donnée lorsqu'elle a posé la même question, il y a quelques années.

— Er… C'était lui l'auteur, s'étonne son camarade.

Naïvement, il présume qu'un écrivain décide de tous les moindres détails de ses récits, ce qui fait sourire la marginale à côté de lui.

— On choisit pas toujours sa conclusion, tu sais, elle lui apprend.

Elle connaît ce problème aussi bien parce qu'il lui a été mentionné à maintes reprises par son père que par sa propre expérience. Malgré son imagination débordante, elle n'a encore jamais osé s'atteler sérieusement à de la fiction. Mais même un article de journal basé sur des faits réels ne va pas toujours là où on le pensait en commençant à le rédiger, et ce même si on avait déjà tous les éléments avant de se lancer dans la rédaction. Les évènements ont comme leur vie propre, et ne sont pas toujours ouverts à l'interprétation qu'on voudrait leur imposer, ou qu'on penserait tout simplement venir d'elle-même. Et les gens sont comme des personnages, ou l'inverse, peu importe, en tous cas ils sont à la fois imprévisibles et invariables. On ne peut pas prendre de décisions pour eux, il leur arrive ce qui leur arrive. Une fois l'évènement perturbateur injecté dans le contexte, on ne conserve qu'un contrôle minime sur ce qui va se dérouler. Et c'est à la fois rassurant et terrifiant.

Le problème avec cette morale, c'est qu'elle rappelle aux deux ados à quel point ils n'ont aucun rôle à jouer dans le dénouement du kidnapping de leur meilleure amie. Les dés sont déjà jetés depuis longtemps, et s'ils ont hâte que toute cette histoire se termine, ils ont également peur d'en découvrir le dernier acte. Ils ne se sentent pas prêts à ce que leurs vies, qu'ils estimaient jusqu'ici plutôt attraire à la comédie, même pour l'orphelin, tournent à l'horreur.

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