2x07 - Atlas (7/20) - Retrouvailles
À Chicago comme partout ailleurs, les gratte-ciel se font rares. Entre l'abondance de place et la facilité de transport comme de communication, cela fait bien longtemps qu'on ne construit plus rien au-dessus de trois étages. À travers le monde, un bon nombre des tours préexistantes ont même été détruites, aussi bien intentionnellement que par des aléas environnementaux divers. Les seuls hauts édifices maintenus en état le sont pour la plupart pour des raisons historiques avant tout ; les avantages pratiques qu'ils présentent sont secondaires. Là où autrefois on trouvait des bureaux ou des habitations, il y a aujourd'hui plutôt des attractions, des murs d'escalades, des expositions, et parfois même des sites d'assemblage.
Celui dans lequel Fred a décidé de passer son Samedi est en ce qui le concerne consacré à l'art citadin. Ce ne sont pourtant pas les sites en plein air qui manquent, mais elle a toujours apprécié de taguer en intérieur. Elle aime ne pas être contrainte par les intempéries, et aussi l'ambiance calfeutrée de ces sanctuaires pour ceux qu'on appelait autrefois des vandales, doucement bercée par le souffle discret des systèmes de ventilation. Elle avait son emplacement favori, à Portland, et s'est dit qu'il était temps qu'elle en trouve un dans sa nouvelle ville. Il y a aussi du fait qu'elle a bien besoin de se vider la tête, et elle ne connaît pas de meilleure méthode qu'avoir une bombe de peinture à la main, suspendue au-dessus du vide.
Un casque audio sur les oreilles, un sac en bandoulière couvert de badges contenant son matériel à son épaule, la jeune inspectrice se précipite à travers le hall vers la cage d'ascenseur qui s'apprête à se refermer. Par chance, la seule personne à l'intérieur a la bienséance de retenir les portes, même si seulement du pied. Tout en se faufilant dans la cabine, elle remercie l'homme aux cheveux châtain foncé d'un hochement du menton. D'à peu près son âge mais vingt bons centimètres de plus, il lui sourit brièvement, bien que presque sans quitter des yeux le carnet électronique entre ses mains, sur lequel il pianote avec ardeur.
Une fois les portes refermées, la cage commence son ascension vers le sommet, puisque c'est apparemment le bouton qu'a pressé l'inconnu avant l'arrivée de Fred. Comme elle n'avait pas de niveau en tête, elle s'en accommode. Ce n'est pas un mauvais endroit pour commencer sa recherche d'un bon point de chute. Alors que les numéros défilent sur un afficheur mécanique, elle hoche la tête au rythme de sa musique. De temps à autre, son compagnon de voyage derrière elle lui accorde un bref regard en biais, amusé.
Puis soudain, presque à mi-parcours, le monte-charge fait brusquement halte. Sans paniquer le moins du monde, Fred fait basculer son casque du sommet de sa tête à sa nuque, et s'apprête à appuyer sur le bouton d'alerte.
— Je ne ferais pas ça, à ta place, lui lance alors l'étranger, le faisant presque sursauter.
— Er… Je sais pas toi, mais j'ai pas l'intention de passer ma journée dans un ascenseur, elle rétorque.
Elle le toise ostensiblement de haut en bas et de bas en haut par-dessus son épaule. Elle est à deux doigts de se demander s'il n'essaye pas de la draguer, mais elle est tout à coup frappée d'à quel point il semble hors contexte, dans sa chemise. Les artistes de rue ont tous un petit côté grunge et/ou punk qu'il ne dégage pas du tout. Et de toute manière il n'a pas de matériel, ce qui exclut aussi la possibilité qu'il soit un photographe venu immortaliser l'état actuel du bâtiment, ou encore quelqu'un de la maintenance.
— Oh, je parlais pas de l'alarme. Fais-toi plaisir avec ça, c'est pas comme si c'était connecté, il corrige sa méprise, avec un geste dédaigneux pour l'interrupteur rouge.
Se détachant enfin du gadget entre ses doigts, il le glisse dans l'un des poches de sa veste, comme pour accorder toute son attention à la situation. C'est d'autant plus bizarre que c'est pourtant contraire aux propos qu'il tient.
— Tu t'es déjà retrouvé coincé ici, c'est ça ? Fred déduit de sa remarque, sans s'attarder sur la première partie.
Elle croise les bras, comme souvent, pour défier l'aplomb de son interlocuteur avec le sien. Ils sont dans une situation stupide mais pas alarmante. Il compte vraiment l'utiliser pour faire le malin ?
— Intéressante hypothèse, mais non. En revanche, vu que c'est moi qui ai mis le système hors ligne, je suis bien placé pour savoir qu'il l'est, il s'explique alors, sans se laisser impressionner.
Il termine par un nouveau petit sourire comme celui qu'il a eu après lui avoir tenu la porte. C'est bref, discret, comme s'il essayait de se contenir, et pourtant on jurerait que c'est la seule façon qu'il a de le faire. Malheureusement, Fred, elle, n'est pas amusée par la situation.
— De quoi tu parles ? T'es qui, au juste ?
Elle passe à la défensive. Elle commence à avoir la désagréable impression d'être tombée dans un piège.
— Devine… Frangine, répond simplement l'inconnu.
Ce même sourire furtif auparavant apparu sur ses lèvres passe dans son regard marron. L'appellation envoie un choc électrique à travers tout le corps de Fred. Elle fait un pas en arrière, comme par peur d'être éclaboussée par quelque chose de répugnant.
— … Jazz ?! elle s'exclame avec dégoût.
Comment concilier l'idée de son Némésis à la personne qu'elle a sous les yeux ? Avec quelque être humain que ce soit, d'ailleurs ? Même après les insinuations de Jack Nimbleton sur un potentiel lien de parenté entre eux, il n'était resté qu'une idée noire pour elle. Est-ce qu'il pourrait réellement n'être rien d'autre… qu'un type ?
— Ding ding ding ! il confirme par l'onomatopée, mimant la vibration du battant d'une cloche de fête foraine avec son index en l'air.
— Je suis pas ta sœur, elle réplique immédiatement, son visage toujours crispé dans un rictus d'horreur.
— Uh… Un test ADN te donnerait tort, il se permet de lui faire remarquer, espiègle, sa tête penchée sur le côté.
Il ne se vexe pas de sa réaction, et reste même particulièrement composé. Ce n'est pas comme si son opinion de lui était un secret. Il a lu des pages et des pages de ses rapports pour la brigade Cyber, tous moins flatteurs les uns que les autres à son égard. Et il se doutait qu'apprendre qu'ils sont frère et sœur ne changerait rien. C'est bien pour ça qu'il ne lui en a jamais amené la preuve, lui laissant le loisir de la trouver d'elle-même. Qu'un tiers parti la lui fasse remarquer n'était pas dans ses plans, mais il s'en accommode.
— Ça fait pas de nous une famille, elle persiste dans son refus, les poings serrés le long de son corps.
— Et pourtant, un peu quand même.
Il ne peut pas résister à entrer dans un débat avec elle, pour la toute première fois de vive voix. Ça lui procure la même petite bouffée d'euphorie qu'il a ressenti la première fois qu'il est entré en contact avec elle par la Toile. Il ne pensait pas pouvoir retrouver cette sensation un jour, et n'est pour une fois pas mécontent d'être détrompé.
— Tu as foutu ma vie en l'air ! elle lui crache alors, furieuse à présent.
La phase de déni est dépassée. Si c'est vraiment lui, alors elle veut le réduire en cendres. S'il n'était pas si grand, et qu'ils n'étaient pas dans un espace si réduit, elle lui aurait peut-être déjà sauté dessus.
— Ah bon ?! il se permet d'être étonné, haussant un sourcil.
Il ne voit pas ce dont la jeune femme a à se plaindre : sa carrière est un franc succès, et elle vient d'obtenir la mutation qu'elle demandait depuis presque un an. Objectivement, elle devrait plutôt le remercier. Qu'elle n'apprécie pas ses occupations est une chose, mais qu'elle estime qu'il lui a nui personnellement ? Vraiment ?
— T'es sorti de nulle part et m'as lancée sur un chemin que j'aurais jamais envisagé toute seule. Tu as pris le contrôle de toute ma vie ! elle continue de l'accuser.
À ça, il ne peut s'empêcher de s'esclaffer. Influencer, sans doute, mais contrôler, non. Elle n'a jamais laissé personne la contrôler.
— Arrête, tu aurais pu m'ignorer ! Je voulais juste jouer, et c'est toi qui es partie au quart de tour dans une course à l'armement. Tu aimais ça autant que moi, si ce n'est plus ! il se défend, jugeant qu'elle est de mauvaise foi.
Ils avaient à peine 18 ans quand il a initié le contact, mais ça ne veut pas dire qu'elle n'avait pas le choix dans sa façon de réagir. Elle aurait pu le snober. Elle aurait pu aller directement aux autorités. Mais non, elle a choisi de le gérer toute seule. Il n'avait pas l'intention que ça escalade, à la base. Il ne pensait pas que ça irait si loin. Il pensait que peut-être il lui apprendrait qu'ils étaient jumeaux, qu'ils se rencontreraient, que ce serait malaisant, et qu'ils seraient resté en contact distant jusqu'à la fin de leur vie, mais elle n'a laissé aucune place à un déroulement aussi anodin. Elle a tout de suite pris la mouche et lancé les hostilités. À partir de là, difficile de calmer le jeu. Et puis, il était marrant, ce jeu…
— Bientôt tu vas me sortir qu'on a ça dans le sang, elle raille, serrant les mâchoires et croisant à nouveaux les bras.
— Pas d'après ce que je sais de nos parents, non, il répond avec sérieux, ce qui fait lever les yeux au ciel à son interlocutrice.
Elle déteste être enfermée dans ce cube de métal de quelques mètres carrés de surface avec lui. Et ce qu'elle déteste surtout, c'est de ne rien pouvoir y faire. Il a le contrôle de la situation, et c'est insoutenable.
— Qu'est-ce que tu veux ? elle l'interroge, souhaitant en finir.
S'il avait voulu l'enlever ou lui faire du mal, il l'aurait déjà fait. Il a sans doute plutôt quelque chose à lui transmettre. Et plus tôt il aura vidé son sac, plus tôt il la laissera partir et elle pourra utiliser cette entrevue pour compléter son dossier et lancer ses anciens collègues à sa poursuite une nouvelle fois. Elle n'a peut-être pas provoqué leur rencontre comme le lui a suggéré Iz, mais ça ne signifie pas qu'elle ne peut pas en faire usage comme elle l'aurait fait si ça avait été le cas.
— J'aimerais pouvoir dire que je voulais enfin te rencontrer en personne, mais on sait tous les deux qu'il n'y avait pas moyen que ça se passe bien. La preuve, d'ailleurs… Non, si je suis ici, c'est pour te mettre en garde. En tant qu'inspectrice, il en vient aux faits, toujours aussi imperméable à l'hostilité de sa jumelle.
— Me mettre en garde contre quoi ?
— De dire à qui que ce soit que le bâtiment qui est tombé à D.C. est celui que tu as pu lier à l'enlèvement de Mae Quanto, il annonce d'une traite, comme si ce n'était rien.
La chute du dernier bastion de DG n'est pas un secret d'État. Tout comme le démantèlement du réseau principal une paire de mois plus tôt, la découverte d'une faction vestigiale a été communiquée au public. Le fait que le bâtiment en question soit le même que celui que Fred a identifié, grâce au témoignage de Brennen Watson et aux quelques informations d'un mystérieux informateur confidentiel de Sam, en revanche, non. Sur demande de son partenaire, ce n'est même pas dans les archives de la Police, seulement dans ses documents personnels. Et jusqu'à ce qu'il se passe quelque chose dans ledit bâtiment, Fred avait accepté l'excuse du manque de confiance dans l'infrastructure, de la peur d'une fuite, mais maintenant, elle hésite.
— Tu oublies qui de nous deux est le criminel, j'ai l'impression, elle se contente de rétorquer, bien qu'entre ses dents.
Elle refuse de se laisser surprendre par la connaissance qu'il a de ses affaires en cours. Qu'il ait accès à ses fichiers n'est pas étonnant pour elle ; il a de la ressource et du talent, c'est bien pour ça qu'elle n'a jamais réussi à le coincer toutes ces années. Non, ce qui l'agace le plus, c'est que ce qu'il vient lui demander de faire est précisément ce à quoi elle avait besoin de réfléchir aujourd'hui. C'est la raison première de sa venue ici. Il n'est pas seulement dans ses affaires, c'est comme s'il était dans sa tête, et ça n'est pas une impression agréable.
Lorsque l'alerte qu'elle avait machinalement placée sur les coordonnées du lieu a été activée, elle n'a pas tout de suite su quoi faire. Est-ce que son coéquipier était justement absent le jour du raid qui a eu lieu là-bas ? Oui. Mais ça ne constitue pas une preuve irréfutable de son implication. Et autant qu'elle sache, cet endroit pourrait avoir été une fausse piste, ou n'être simplement que les quartiers généraux des mercenaires responsables de l'enlèvement, pas là où ils ont amené leur victime. Mais est-ce que Quanto ne lui a pas tout de même expressément demandé de garder le bâtiment hors du dossier ? Si. Qu'elle ait du mal à avaler ses excuses pour ça ne signifie pourtant pas nécessairement qu'elles ne sont pas valables. Ou qu'il n'en a pas d'autres certes meilleures mais qu'il ne peut pas partager avec elle, pour une raison X ou Y. Elle ne l'apprécie pas spécialement en tant que personne, mais elle doit bien admettre qu'elle a plutôt tendance à le respecter en tant qu'enquêteur. Ce sont toutes ces incertitudes qui la font désormais hésiter à signaler le potentiel lien entre les affaires à qui de droit. Même si, elle le sait, c'est ce que lui dicte le protocole.
— Criminel ? Vraiment ? Est-ce que j'ai déjà tué quelqu'un ? Est-ce que j'ai seulement déjà fait du mal à quelqu'un ? Qui ne le méritait pas, en tous cas, proteste Jazz au descriptif qui vient de lui être accordé, un peu trop réducteur à son goût.
Il est un artiste, un professionnel. Il ne fait pas ce qu'il fait par cruauté ou mégalomanie pure mais parce qu'il aime ça, il est doué pour ça, et il estime que le monde en a besoin. Il expose les malfrats véritables, protège les injustement accusés (ou a minima les injustement punis), et oui, occasionnellement joue quelques tours par-ci par-là. Mais jamais rien de bien méchant.
— Tu es un hors-la-loi, Fred réitère son jugement, utilisant un qualificatif synonyme de son premier terme mais qu'il ne pourra pas réfuter.
— Ce n'est pas parce que c'est la Loi que c'est juste, il lui oppose tout de même.
Il n'arrive pas à comprendre qu'elle puisse se réduire à une idéologie aussi simpliste, alors qu'il la sait si intelligente. Il n'aurait pas pu la pousser jusqu'ici si elle était idiote.
— Je devrais t'arrêter ici et maintenant, elle l'avertit, décroisant les bras pour serrer à nouveau les poings, rongeant son frein.
— Sauf que tu n'as ni menottes, ni badge, ni arme. Dommage, il retourne ses règles contre elle, non sans lui décocher l'un de ses sourires furtifs.
Il ne cache pas sa jubilation d'avoir le dessus dans cet échange, en tous cas.
— Tu crois vraiment que je peux pas te mettre au tapis ? elle le menace cette fois franchement.
Visiblement, la colère lui fait momentanément oublier ses lacunes en forme physique. Cependant, même en sachant qu'elle n'excelle effectivement pas dans le domaine, Jasper ne peut pas s'empêcher de se rappeler qu'il n'est pas exactement un soldat non plus. Il évite ou s'échappe de tout conflit, en général. Si les vies de Mae Quanto, Caroline Miller, et Robert Gleamer ne tenaient pas à la décision de Fred de continuer à garder pour elle le lien qu'elle a pu établir, il ne l'aurait pas rencontrée face à face. Il n'a tout bonnement pas trouvé de meilleure illustration de sa bonne volonté que celle-ci.
— Je crois que de nous deux, c'est moi qui ai eu le gène de la grande taille, il se contente de répliquer pour éviter que la situation ne dégénère.
La façon dont il baisse le menton et elle le lève illustre parfaitement son propos, mais sa jumelle malgré elle ne se laisse pas démonter :
— C'est pas grave, on peut rien faire avec une petite serpillière, de toute façon, elle rebondit habilement, voulant insinuer qu'elle pourrait essuyer le sol avec lui si l'envie lui en prenait.
— Le seul hic dans ton plan, c'est que cet ascenseur ne va pas redémarrer tant que je n'en serais pas bien loin, libre et indemne. Et il n'y a aucun scénario dans lequel tu trouves un moyen de sortir d'ici avec moi sous contrôle, il ajoute à son lot d'arguments.
Il ne s'est évidemment pas risqué à cette petite entrevue sans couvrir ses arrières. Il n'est pas aussi prolifique dans son domaine parce qu'il est du genre à se reposer sur ses lauriers. Être bon ne lui suffit pas ; il aime être le meilleur. Et bien qu'il n'en ait jamais eu l'usage, il se prépare toujours à sa capture éventuelle.
— Je vais te trouver et te mettre en cage, Fred lui promet alors.
Elle se le promet aussi à elle-même. C'est la seule façon dont elle va pouvoir se résigner à l'idée qu'elle doit bien le laisser filer. Il a raison : elle n'est pas en position de quoi que ce soit maintenant. En admettant qu'elle arrive à prendre le dessus dans une confrontation physique, et à l'attacher avec son baudrier, ce serait un sévère vice de procédure qui lui serait plus favorable à lui qu'à elle, sur le long terme. Et s'il a réellement le contrôle du bâtiment – ce qui est entièrement dans ses cordes –, elle ne peut pas le lui reprendre si facilement. Soit elle le laisse partir, soit ils meurent de faim tous les deux enfermés là.
— Bonne chance avec ça, frangine !
Sa déclaration ne l'inquiète nullement. Cette entrevue ne va rien changer au statu quo entre eux, il en est convaincu. Elle n'a jamais réussi à l'arrêter jusqu'à maintenant, et il n'y a aucune raison qu'elle en soit plus capable désormais.
— Je suis toujours pas ta sœur ! elle proteste de plus belle à cette appellation qui la hérisse au plus haut point.
À lui, ça semble curieusement lui tirer un sourire de plus en plus large à chaque fois qu'il l'emploie. Il est au courant de leur lien de parenté depuis plus longtemps qu'elle, après tout. Et contrairement à elle, il ne le redoute pas.
— En attendant, je te serais reconnaissant de prendre ce que je t'ai dit en considération, parce que des vies innocentes en dépendent, il lui rappelle une dernière la réelle raison de leur rencontre.
Il ne voudrait pas que son message soit éclipsé par leur petite session de rivalité fraternelle, aussi divertissante il l'ait trouvée. Il aimerait au contraire que ça donne du poids à sa requête.
Aveuglée par son opinion de lui, Fred se méprend évidemment sur ses intentions :
— Est-ce que c'est une menace ?!
— Non, c'est un fait, il répond avec une certaine lassitude.
D'une simple pression sur le carnet électronique qu'il a toujours dans sa poche, sans même avoir besoin de regarder ce qu'il fait, il fait ensuite coulisser la trappe au plafond de l'ascenseur.
Trois vies, autant qu'il sache. Trois jeunes vies mises en péril par une Loi injuste comme beaucoup d'autres, une règle cruelle née de la peur viscérale de l'humanité de perdre le contrôle. Parfois, il déteste sa propre espèce.
Malheureusement, l'inspectrice n'entend rien de plus qu'une bravade dans sa réplique.
— Tu n'aides vraiment pas ton cas, tu sais ça ?
Il ferme les yeux et soupire doucement.
— Je t'en dirais bien plus, mais je ne pense pas que tu sois prête. Peut-être une prochaine fois. Ciao ciao !
Avec un clin d'œil taquin, il attrape le rebord de la trappe à deux mains, aidé par sa grande taille, puis se hisse sur le toit de la cabine d'un bond agile. Il n'est peut-être pas un combattant, mais ça ne signifie pas qu'il n'est pas athlétique sous d'autres formes. S'introduire quelque part et s'en échapper sans être vu demande plus de finesse que de force brute.
Sa jumelle malgré elle se précipite sous l'ouverture, mais il l'a refermée avant qu'elle ait pu tenter quoi que ce soit pour le suivre, non sans évidemment un petit signe de main espiègle avant de disparaître à sa vue. Et au cliquetis qui se fait entendre, il a pris ses précautions pour qu'elle ne puisse pas lui emboîter le pas, quand bien même elle trouverait un moyen d'atteindre le plafond.
Frustrée, Fred rugit et tape du pied. Le temps qu'elle arrive à accéder à un panneau de contrôle, Jazz sera sans doute déjà loin, et l'ascenseur aura repris son chemin comme si rien ne s'était passé, sans qu'elle ait eu besoin de faire quoi que ce soit. Elle n'aurait jamais pensé pouvoir être plus énervée par lui en personne qu'en ligne, et pourtant la voilà détrompée. Son passage ici aura finalement eu l'effet inverse de celui escompté, puisqu'elle est maintenant encore plus incertaine de ce qu'elle va faire à propos de l'information qu'elle détient au sujet du bâtiment DG à Washington. Et en plus, sa colère envers sa bête noire s'est encore ravivée. Aucune quantité de temps passée à vaporiser de la peinture sur des murs et du mobilier urbain ne pourra jamais faire retomber son humeur, maintenant. Génial !
Commentaires
Enregistrer un commentaire
Alors ? Ça vous a plu ?