2x07 - Atlas (1/20) - Récapitulatif
Debout dans sa chambre, devant un grand tableau affichant la frise chronologique qu'il a établie autour de la disparition de Mae, Jack rumine sur les questions qu'il a gribouillées ici et là, les points d'ombre qui persistent dans cette histoire.
À ce stade, il est à peu près sûr que tout n'a pas commencé avec Alek comme il le pensait initialement mais Jena, qui est venue chercher l'aide de l'ingénieur pour sa petite sœur. Pourquoi lui en particulier, et comment elle s'est mise une entité telle que DG à dos en premier lieu, le blondinet l'ignore encore. Il ne doute cependant plus que c'est en voulant l'aider à les arrêter que le père de Caesar s'est attiré tous ces ennuis, de son agression à l'enlèvement de sa fille, en passant par la prétendue électrisation de Robert Gleamer.
Au vu des agissements connus du laboratoire, pas étonnant qu'une de leurs factions ait réussi à survivre même à un raid de la Sécurité Intérieure. Jack a fait le lien avec eux en apprenant pour le second coup de filet du DHS, la semaine dernière. Il se souvenait d'avoir déjà vu une nouvelle à ce sujet le jour où Caesar s'est blessé, même s'il n'en avait évidemment rien pensé alors. En revoyant l'acronyme dans les informations, il n'avait d'abord eu qu'une grosse suspicion, mais découvrir Jena le bras en écharpe le lendemain l'avait convaincu qu'il y avait bel et bien une connexion. La fuite de neurotoxine rapportée par les médias n'est très probablement pas aussi fortuite qu'il n'y paraît.
Le tatoué s'en veut de ne pas avoir songé plus tôt que la brunette n'était pas complètement blanche, mais il se demande de toute façon s'il en saurait plus à son sujet même s'il avait commencé à creuser dès le début. Elle est l'un de ces fantômes alternatifs impossibles à traquer. Après sa fugue à 15-16 ans, elle a pris ses convictions presque trop au sérieux et n'est plus apparue dans aucun document officiel, jusqu'à son embauche en tant que barmaid et sa réservation d'un appartement à Chicago, il y a quelques mois seulement. En tous cas, aucun document officiel auquel Jack n'arrive à avoir accès.
Ses percées numériques restent en effet toujours aussi infructueuses que depuis deux semaines. Le petit génie se doute que soit Jena soit Alek voire les deux ont un ange gardien de ce côté, mais il ne peut pas déterminer qui. Ça n'a cependant pas grande importance pour le moment. Pas plus que l'identité des deux joggeurs blonds. Qui qu'ils soient, ils sont clairement là pour aider à retrouver M et/ou sortir Caroline Miller et Robert Gleamer de leurs comas respectifs. La seule chose que Jack aimerait vraiment comprendre maintenant, c'est pourquoi justement Mae n'est pas miraculeusement de retour à la maison. Qu'est-ce qui a bien pu déraper dans l'opération de sauvetage qu'il soupçonne d'avoir eu lieu ?
— Monsieur Nimbleton ? Réveillé ? une voix au fort accent français se fait soudain entendre, en provenance de derrière la porte de la chambre, tirant le jeune prodige de sa réflexion.
— Entre, Sylvain, l'adolescent accueille le visiteur dans la langue de Molière.
Le majordome en livrée fait un pas dans la pièce, poussant légèrement la porte entrouverte sur son passage. Il se tient ensuite droit comme un I, ses mains gantées dans le bas de son dos, solennel.
— Je suis venu vous annoncer que vos parents seraient là ce soir, déclare le dénommé Sylvain.
Il se cantonne en ce qui le concerne à l'anglais, malgré ses claires difficultés de prononciation, si aucune erreur syntaxique ou grammaticale.
— Tu sais que je parle ET comprends ta langue maternelle, pas vrai ? continue Jack dans un français parfait.
— J'aimerais m'améliorer ; pour les invités, s'explique le valet.
Il a un petit sourire amusé à l'étrange façon de compatir que démontre parfois le jeune homme en face de lui. De toute évidence, il sait que Jack parle couramment français, entre autres nombreux dialectes d'ailleurs, grâce à son éducation reçue au fil de nombreux déménagements à travers le globe. Si parler la langue officielle du pays dans lequel il séjourne était une réelle contrainte pour lui, Sylvain ne s'y astreindrait donc effectivement pas en sa présence.
— Je suis pas un invité. Et tout le monde adore ton accent ! continue de protester le petit blond.
— J'ai appris que ton anniversaire était la semaine dernière, poursuit le majordome, ignorant le commentaire.
— Qui t'a dit ça ? s'étonne alors Jack, quoiqu'en se gardant bien de laisser paraître à quel point.
— Tes parents, répond simplement Sylvain, ses traits imperturbables.
— Ouah. Seulement quatre jours de retard. Ça doit être un record. C'est parce que je suis majeur, tu crois ? raille le blondinet.
Il est tout aussi surpris qu'ils en aient parlé à quelqu'un qu'ils s'en soient souvenu en premier lieu. Ils se souviendront de la date d'indépendance d'une nation de moins d'un siècle si ça peut servir leur intérêts politiques, mais la date de naissance de leur fils unique, en revanche, ça ne présente pas un grand avantage stratégique.
— Il me semble qu'ils ont toute intention de célébrer ce soir, le valet justifie la mention de l'évènement par les Ambassadeurs.
À ces mots, l'adolescent passe brusquement de la perplexité à la méfiance, et croise les bras :
— D'accooord… De quoi tu as besoin ? il demande.
— Je te demande pardon ? ne le suit pas l'adulte, haussant un sourcil.
— Tu sais très bien qu'en m'annonçant ça je vais me tirer d'ici et ne pas revenir avant qu'ils soient repartis. Pourquoi est-ce que tu me ferais cette fleur ? Ou plutôt pourquoi est-ce que tu voudrais leur faire cette crasse ? Jack élabore son raisonnement, dans l'incapacité de comprendre les motivations de son interlocuteur sans plus d'éléments.
Si ses parents lui ont demandé de s'assurer qu'il soit là à leur retour, lui en parler était la dernière chose à faire. Et pourtant Sylvain n'est pas exactement un débutant dans cette maison, il sait très bien comment ça marche. Non pas qu'il faille beaucoup de temps à qui que ce soit pour s'en rendre compte, d'un autre côté.
— Je ne fais que transmettre un message, se défend Sylvain, presque offensé par l'accusation d'arrière-pensée.
— À d'autres ! T'es pas un singe savant, persiste son jeune client.
Il le défie d'un menton levé, alors qu'il le dépasse pourtant en stature, comme beaucoup de monde.
— Je ne voulais pas causer de problèmes, continue de se justifier le majordome bien malgré lui.
— Oh. Je vois. Donc quand ils t'ont annoncé leur plan, tu t'es dit que mieux valait éviter que je fasse une scène, hein ? en déduit le blondinet.
Les intentions de son interlocuteur sont désormais un peu plus claires à ses yeux. Il n'est pas souvent en présence de ses parents. Surtout en privé. Mais lorsque ça arrive, la situation a tendance à dégénérer assez rapidement. Il peut donc tout à fait comprendre la volonté de Sylvain de vouloir conserver l'ordre qu'il s'efforce d'établir en les lieux.
— Non, pas du tout, se défend le valet avec autant de crédibilité qu'un politicien pris en flagrant délit.
— Tu n'es pas aussi bon menteur que tu crois. J'aurais eu moins de mal à gober qu'ils t'ont carrément demandé de te débarrasser de moi, lui lance alors Jack avec un sourire.
Secouant la tête à l'innocence et la pureté de son interlocuteur, il récupère son RFSD au pied du tableau qu'il était en train de contempler un peu plus tôt, qui redevient opaque à la séparation. Il attrape ensuite sa veste sur un fauteuil près de la porte, et s'apprête à quitter la pièce, sous le regard affolé de l'adulte :
— Où vas-tu aller ? il le retient alors qu'il passe à sa hauteur, par la voix seulement, puisqu'il n'oserait pas poser la main sur lui.
Le majordome n'est pas bien épais, et connaît le peu de réticence que l'adolescent peut avoir à recourir à la violence lorsqu'on se dresse sur son chemin. Il ne le blesserait pas, mais se retrouver au tapis n'est pas toujours une question de douleur physique. Bien sûr, il pourrait appeler les gardes autour de la maison pour lui prêter main forte, mais ce serait alors risquer le bien-être du jeune homme. Car s'il veut vraiment partir, il serait bien capable de se mettre en péril pour y parvenir.
— Relax ! C'est pas comme s'ils allaient te poser la question de toute façon… répond simplement le fils d'ambassadeurs, retrouvant enfin sa langue maternelle pour cette dernière réplique.
Pour apaiser les inquiétudes du Français, il vient lui tapoter l'épaule, puisqu'il n'a aucune hésitation à initier le contact, lui.
Après avoir redressé son col plus pour la forme que par véritable nécessité, Jack s'engouffre ensuite dans les escaliers, laissant derrière lui le valet immobile. Ce dernier ne prend même pas la peine de se retourner pour le voir disparaître. Il laisse simplement échapper un soupir un peu las.
Très peu de familles ont seulement l'utilité d'un majordome, et parmi celles-ci toutes ne sont pas ouvertes à la possibilité. Ça n'empêche cependant pas les membres de son ordre d'avoir le choix dans leur affectation, comme dans tous les corps de métier. À l'instar de ses prédécesseurs, Sylvain a choisi les Nimbleton sur leur réputation, convaincu de pouvoir leur venir en aide. Il se voit néanmoins contraint d'avouer qu'aussi catastrophiques les rumeurs lui avaient parues alors, elles ne rendaient finalement pas justice à la réalité. Cette famille est en cruel besoin de connexion, et il commence seulement à saisir l'ampleur des mesures qu'il va devoir prendre pour atteindre cet objectif. Heureusement qu'il ne recule jamais face à un défi.
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