2x05 - Atterrissage d'urgence (17/20) - Brise-glace

Une fois que Sam a eu repris ses esprits suite aux révélations de Strauss, il a accepté de l'amener à son frère et au reste de la petite bande qui s'est formée autour du sauvetage de Mae. Fred n'a pas sourcillé lorsqu'il lui a demandé s'il pouvait la laisser au beau milieu de l'après-midi. Au contraire, moins ils cohabitent, mieux ils se portent, tous les deux, alors elle l'a encouragé, avec autant d'exubérance que son tempérament hostile le lui permet. Ça a quand même embêté son équipier de partir comme ça, mais il ne pensait pas pouvoir garder ces nouvelles informations pour lui pendant encore très longtemps. Il ne peut tout bonnement pas prendre seul la décision d'accepter l'aide que lui offre le mathématicien, et il n'en a de toute manière pas envie. Il n'est pas très enjoué à l'idée d'amener encore quelqu'un de nouveau dans leur cercle, quoi qu'ils décident ensuite vis-à-vis de lui, mais ce dernier semble suffisamment averti du sujet par lui-même pour qu'attendre avant de l'intégrer soit une précaution superflue.

En arrivant à la résidence de son aîné, Sam a retrouvé Randers sur le trottoir, amené par Ben. La jolie Andy, venue seule, se tenait à quelques mètres. Une fois les présentations de rigueur rapidement effectuées, le maître-chien s'est quand même dit qu'il était étrange que, alors qu'il n'avait jusqu'ici aucune appréciation particulière pour la pirate ou les agents d'infiltration au-delà du fait qu'ils leur prêtent main forte, il se surprenait tout à coup à ne pas les considérer si infréquentables. Indiscutablement, prendre connaissance de l'existence d'extraterrestres remet tout en perspective. Il n'y a pourtant rien de menaçant dans la dégaine du grand brun en costume et ses colocataires, mais l'oncle n'arrive néanmoins pas à se sentir entièrement tranquille en leur présence. Et il se demande si ça va venir avec le temps… Heureusement, son chien semble déjà s'habituer.

À la présence de son partenaire, il a préféré ne pas réagir. Sur le moment, il était juste heureux d'avoir un ami à ses côtés dans cette histoire folle, quelle qu'en soit la raison initiale. Le sentiment a bien entendu été partagé par le plus jeune du duo, enfin convaincu de ne pas être coincé dans un mauvais rêve. Il n'ont pas échangé plus d'un regard, mais ça a été suffisant.

Le groupe de cinq s'est ensuite présenté à la porte, et après quelques invocations de la confiance fraternelle, Sam a obtenu qu'Alek et les autres écoutent ce que le trio d'étrangers avait à dire.

Strauss a en effet lourdement insisté pour qu'ils se dévoilent eux-mêmes. C'était superflu, car ni l'un ni l'autre des deux enquêteurs ne se serait porté volontaire pour expliquer la situation de toute manière. Et ce même avant qu'on leur ait appris que divulguer le secret des Homiens, pour un Humain, est passible d'exécution. La vérité, c'est que la nouvelle est encore beaucoup trop fraîche pour les deux hommes pour qu'ils arrivent à en parler à haute voix. La seule raison pour laquelle ils sont seulement prêts à en entendre plus sur le sujet, c'est Mae, voilà tout. En d'autres circonstances, ils auraient sûrement préféré ne jamais plus entendre parler de visiteurs de l'espace.

Debout dans l'ouverture qui relie la salle à manger au salon, où son auditoire s'est installé, le grand brun en costume expose très calmement les raisons de leur présence. Les réactions sont diverses, mais tout le monde est néanmoins très attentif. Alek a rapidement besoin de s'asseoir, rendu bouche bée par de telles révélations. Markus, debout derrière le fauteuil de son père, n'est quant à lui retenu d'exploser de rire que par les airs sérieux des autres personnes dans la pièce. Vlad, Sieg, et Jena, à quelques mètres de lui dans un coin, se montrent en effet particulièrement impassibles pendant toutes les explications, de bras croisés à mains dans les poches, à la fois méfiants et intéressés. Ayant déjà traversé le stade du déni, Sam et Patrick restent devant la fenêtre, tête baissée, se gardant bien d'intervenir.

Ann est absente. Elle est partie dans l'après-midi, invoquant avoir besoin d'être sur son terrain pour faire ce qu'ils ont décidé de faire au matin et empêcher Jack de creuser plus qu'il ne l'a déjà fait, pour son propre bien. Sam n'a vu aucune raison de la faire revenir, puisqu'elle ne serait a priori pas amenée à être témoin de ce que les aliens se proposent de faire. En ce qui concerne les deux jeunes gens dans la machine, personne ne peut malheureusement pas les empêcher d'écouter, mais ils ne sont plus à un secret près.

En plus de leur origine et de leur capacité à traverser les murs, détails les plus choquants de leur récit, les Homiens font également mention de leur relation à Maena, et de la connaissance qu'elle avait de leur situation, bien qu'en omettant évidemment les circonstances spécifiques de sa découverte de leur secret. Ils n'évoquent pas non plus avoir été responsables du témoignage tardif de Brennen à propos de l'enlèvement, mais divulguent cependant avoir traqué le fourgon jusqu'au bâtiment où est retenue la jeune fille, puis avoir gardé un œil sur elle à distance ensuite. Allant aux devants de questions, ils ne cachent pas les raisons de leur impossibilité d'intervenir seuls, ni le fait qu'ils ont surveillé l'avancement de l'enquête, jusqu'à aujourd'hui, où ils se sont finalement sentis obligés d'intervenir, dans l'intérêt de tous.

Une fois le récapitulatif terminé, un silence quasi-religieux s'abat sur la pièce pendant plusieurs longues minutes. Alek reste parfaitement immobile, le bas de son visage dans ses mains, yeux écarquillés sur le vide, ahuri. Les agents changent discrètement de postures et d'appuis, songeurs. Pat et Sam se risquent à des coups d'œil à l'assistance, afin de jauger leurs réactions. Seul l'étudiant en médecine semble être animé dans cette scène digne d'un tableau de maître, et il est d'ailleurs le premier à prendre la parole :

— Des aliens. Mais bien sûr. Qui comme par hasard nous ressemblent comme deux gouttes d'eau, il réagit au discours qui vient d'être tenu avec un certain pragmatisme, même si non sans le railler.

En face de lui, l'ancien remplaçant de Mathématiques de sa petite sœur est entouré de ses deux colocataires. Ben, le motard mécano, se tient bien droit, poignets croisés devant lui, comme s'il voulait se faire le moins menaçant possible malgré sa stature et sa dégaine de mauvais garçon sur les bords. Quant à Andy, la mystérieuse belle blonde, elle est adossée à la paroi, serrant les dents comme si elle n'avait vraiment mais alors vraiment pas envie d'être là. Rien dans tout ça n'inspire la confiance à Markus.

— Ce n'est pas un hasard. On prend cette apparence pour se fondre dans la masse, répond le porte-parole du trio, sans se vexer du ton dérogatoire de la remarque.

— Donc vous pourriez ressembler à un chien ? Ou un arbre ? enchaîne Mark en étouffant un ricanement, rendu curieusement hilare par l'incrédulité.

— Oui, confirme cependant l'extraterrestre, tout à fait sérieux, lui.

Malgré ses réparties jusqu'ici raisonnables, le jeune homme qui l'interroge n'est malheureusement pas encore tout à fait calmé :

— Okay… Et de base, vous ressemblez à quoi ?

Markus n'aura hélas jamais de réponse à sa question. Sieg tend une main devant lui pour le faire taire, et fait un pas dans la direction des visiteurs, coupant aussi soudainement que sûrement court à l'échange.

— Ça n'intéresse personne. Vous dites que vous pouvez traverser les murs ; comment ? le grand blond en vient au vif du sujet.

Dans son domaine, il a vu des tas de trucs franchement barrés. Il a tantôt été chargé de les récupérer, tantôt de les neutraliser. Mais il ne s'est jamais arrêté pour se poser trop de questions. Le plus important, c'est l'objectif de mission, rien d'autre. Et il a eu beau se creuser les méninges toute la journée depuis plusieurs jours, il n'a pas trouvé comment contourner la sécurité de cette maudite pièce principale. Alors si on lui apporte une solution, il est tout ouï, d'où qu'elle vienne.

— Nous ne pouvons pas tous le faire. Nous n'avons pas tous les mêmes compétences. Et certaines sont plus rares que d'autres, commence à expliquer Strauss en douceur.

Il ne se formalise pas du changement de sujet. Laisser couler les réactions de son auditoire est sa ligne directrice. De plus, il estime lui aussi plus prioritaire de leur expliquer comment ils peuvent secourir Maena que de répondre à toutes leurs interrogations sur chaque petite spécificité de leur type.

— Lequel d'entre vous est l'expert ? demande tout naturellement le Scandinave.

Son regard de glace survole chaque membre du trio tour à tour. Aucun d'eux ne lui inspire particulièrement être un adepte de l'infiltration. Même si, il doit bien admettre qu'il n'aurait jamais soupçonné leur grand secret, alors ils arrivent au moins à dissimuler ça.

Un petit temps de silence s'écoule, durant lequel Strauss hésite à répondre. C'est finalement Ben qui le sort de son embarras :

— … Personne.

Le géant blond ne comprend évidemment pas cette réponse. Et comme tout le monde dans la pièce semble très à l'aise avec l'idée de le laisser parler en leur nom, il poursuit :

— Comment ça, "personne" ? Pourquoi vous manifester, alors ?

— Il y a un Homien, ici à Chicago, qui en est capable. Mieux que quiconque. Mais nous avons besoin de l'approbation des inspecteurs avant de l'impliquer, Strauss reprend la parole.

Son regard sombre va se poser sur les deux enquêteurs, qui lèvent la tête lorsqu'ils sont mentionnés.

— Pourquoi nous spécifiquement ? s'étonne Sam, fronçant les sourcils, perdu.

Si la décision d'impliquer des extraterrestres dans le sauvetage de Mae revenait à qui que ce soit, il aurait pensé que ce serait à son frère, pas à lui. Il peut comprendre pourquoi c'est lui qu'ils sont venus voir en premier, pour tâter le terrain, mais il pensait n'être qu'un intermédiaire, dans cette histoire.

À côté de lui, Patrick se met presque à grogner, à tel point que Sing chouine en levant la tête vers lui.

— Pas moyen… il grince entre ses dents, devinant le pire.

Il ne dispose pourtant pas de beaucoup plus d'informations que son collègue, mais c'est juste assez pour faire la différence. Ce dernier le dévisage en écartant les bras à ce commentaire, espérant qu'il l'éclaire, mais son ancien équipier n'en a pas le courage. Et pas le droit non plus, accessoirement.

— Parce que vous le connaissez. Vous l'avez pourchassé pendant des mois, dans le but de l'arrêter, et vous n'êtes donc peut-être pas prêts à le savoir à nouveau en liberté, même pour secourir Maena, Strauss élabore son allusion, afin que ses deux interlocuteurs la saisissent.

— Des mois ? Mais… commence le maître-chien.

Lorsqu'il rejoint enfin son partenaire dans sa compréhension de l'identité de celui dont il est question, ses traits se décomposent. Il pâlit de plus en plus au fur et à mesure que la réalisation se fraye un chemin dans son esprit. Il n'y a pas excessivement de suspects qu'ils ont poursuivis pendant plusieurs mois. Et de ceux-là, très peu ne sont pas morts ou derrière les barreaux à l'heure actuelle. Un seul, en vérité, leur a filé entre les doigts.

— On ne vous demanderait pas de faire ce choix si on en avait un autre à vous proposer, souligne Ben.

Il n'a pas oublié combien son patient a été affecté par la nouvelle que celui qui l'a blessé était un extraterrestre, lorsqu'il la lui a annoncée un peu plus tôt. Il se sent d'autant plus coupable de les mettre dans cette position que faire appel à Kayle a été son idée, le matin-même. Elle est bonne et il ne revient pas dessus, mais il peut néanmoins en mesurer l'impact sur les divers partis qu'elle concerne.

— Attendez une minute… Vous êtes en train de me dire que je dois choisir entre libérer le psychopathe qui a foutu mon partenaire à l'hôpital après avoir tué et agressé tous ces gens, et libérer ma nièce ? paraphrase Sam, désignant Randers du geste lorsqu'il en fait mention.

Il se refuse à croire qu'il a vu juste tant que rien n'a été formulé explicitement. C'est pire que le pire dilemme du tramway qu'on puisse imaginer. À l'Académie de Police, ils sont préparés, autant que faire se peut, à faire des choix rapides dans des situations critiques. Dans l'urgence, savoir préserver les vies humaines, au risque de laisser filer un suspect. Mais là…

— En résumé : oui, répond crûment Andy, abrupte, lasse des longueurs de ce débat.

Toujours bras croisés, adossée au mur derrière elle, elle n'a pas bougé de son appui pour enfin prendre la parole. Elle braque simplement son regard noisette dans celui plus clair de l'inspecteur, le secouant aussi sûrement que si elle l'avait physiquement saisi par les épaules.

— Où est-il ? Où est-ce que vous l'avez caché ? Est-ce qu'il a continué à tuer tout ce temps ? interroge l'oncle, furibond, son chien se levant à ses pieds en sentant sa colère monter.

Patrick est pour sa part encore trop confus qu'on leur propose le retour du serial killer pour s'en énerver, puisqu'il avait cru comprendre qu'il avait été désintégré. C'est bien le mot que Ben a utilisé, en tous cas. Mais qu'est-ce qu'il en sait ? Si ça se trouve, le terme veut dire autre chose dans sa langue de l'autre bout du cosmos…

— Non. Ce qu'il a fait, on ne tolère pas plus que vous. Il a été arrêté. Il ne peut plus faire de mal à personne dans la condition où il est, assure immédiatement Strauss, pouvant compatir à l'alarme de l'oncle.

Chaque scène de crime sur laquelle Sam s'est trouvé, il y était avant lui. Chaque cadavre sur lequel il s'est penché, il s'est tenu au-dessus avant lui. Il ne sait que trop ce que le personnage d'Eugène lui évoque. Et pourtant il n'est pas de la même espèce que ses victimes.

— Mais vous voulez le libérer, ajoute tout de même Sam, estimant que ce n'est pas un détail à oublier.

Il y a pour lui un non-sens, une certaine contradiction, dans ce qui vient d'être dit. Ils ne peuvent pas sincèrement autant désapprouver de ce qu'a fait Kayle qu'eux. Sinon, comment est-ce que l'idée de lui donner l'opportunité de recommencer pourrait seulement les effleurer ?

— Il y a un moyen de le garder sous contrôle. Des Homiens plus anciens que nous ne devraient pas tarder à nous rejoindre. Ils sauront comment faire, dans l'éventualité où vous accepteriez notre aide. Et celle de Kayle, explique Strauss, restant toujours très posé face aux émotions compréhensibles des Terriens en face de lui.

Les articulations de la mâchoire de Patrick blanchissent soudain à la mention de prénom du tueur en série. La simple juxtaposition de quelque chose de positif et de cet individu dans une phrase le révulse. Il est sans équivoque possible le pire criminel qu'il ait jamais poursuivi. Il se fiche bien de ce que Strauss ou qui que ce soit dit, il se fiche bien qu'il soit humain, alien, ou même robotique : il ne peut pas imaginer quelque moyen que ce soit de contenir le Mal incarné, ou l'utiliser pour faire le bien. Quand il a tiré, dans cet entrepôt, il était sûr de lui. Rien de bon ne peut venir de cette ordure dégénérée.

— J'ai déjà bossé avec des cinglés. Vous avez mon vote.

C'est Vlad qui est le premier à se prononcer. Il attire presque tous les regards à lui, et ôte à l'inspecteur l'occasion de vocaliser sa rancœur.

— Je suis mal placée pour juger qui que ce soit. Du moment qu'on atteint l'objectif, j'en suis aussi, renchérit Jena, hochant la tête en signe d'accord avec son mentor et collègue.

— Mêmes réponses, conclut Siegfried.

Leur trio souhaite simplement informer les personnes qui détiennent un réel pouvoir décisionnel de la position de leur équipe, afin de faciliter leur réflexion. Ils n'ont pas réellement voix au chapitre. Ils ne savent pas ce qu'a fait le dénommé Kayle exactement, mais ça leur importe peu. Ils sont des outils vers un but, rien de plus.

Sam accorde un léger hochement de tête aux trois agents, les remerciant de leur franchise, même si la décision n'en sera pas beaucoup plus aisée à prendre pour sa famille. Ça reste Kayle dont il est question. Et personne dans cette pièce à part lui et son partenaire ne sait vraiment ce dont le tueur en série est capable. À la façon dont Randers à côté de lui serre les poings, ni les assurances de leurs nouveaux alliés ni l'opinion des mercenaires sur le sujet ne sont suffisantes pour le raisonner. En ce qui le concerne, avec sa nièce dans la balance, l'oncle ne sait pas trop quoi penser.

— Je suis désolé, je suis toujours en train d'intégrer la présence de vie sur une autre planète…! éclate tout à coup Alek, qui n'avait pas encore pris la parole depuis le début des révélations des Homiens.

Pendant que tout le monde est passé à la question d'inviter un serial killer muselé dans leur équipe, le père de famille ne se remet pas de savoir que le prof de Maths de sa fille est un extraterrestre. Et qu'elle était au courant. Elle était même amie avec ces formes de vie venues d'ailleurs, apparemment. À tel point que maintenant, alors qu'elle est en danger, ces individus sont désireux de lui venir en aide, au péril de leur secret, pourtant visiblement d'une importance cruciale à leurs yeux.

Tant qu'il n'a pas digéré tout ça, Aleksander voit mal comment il pourrait seulement considérer que la seule personne qui peut effectivement agir s'avère être par ailleurs un assassin de sang-froid. Que son frère a traqué. Jusqu'à ce que le criminel en question blesse grièvement son coéquipier. Il y a seulement un certain nombre de révélations qu'on peut absorber à la fois, et l'ingénieur a atteint son quota. L'épuisement émotionnel de ces derniers mois lui pèse aussi beaucoup.

— Nous ne sommes pas ici pour vous presser ou vous forcer la main ; simplement vous offrir notre aide. Vous êtes libres de l'accepter ou non, en temps et en heure voulus. Et nous restons bien entendu à votre disposition pour toute question complémentaire, souligne Strauss.

Il n'a pas oublié qu'il avait fallu une semaine à Maena avant de pouvoir le confronter au sujet de sa nature, après qu'il la lui a dévoilée. Et c'était à peu près la seule chose stressante qu'elle avait à gérer à cette époque.

— Tout en gardant à l'esprit que plus longtemps Maena sera restée là-bas, moins celle que vous retrouverez sera celle que vous avez perdue, juge tout de même bon d'ajouter Ben, moins diplomate mais à la sincérité néanmoins bienvenue.

Cette part de leur exposé, à propos de ce qu'ils savent de la situation de la petite blonde dans le laboratoire où elle est retenue prisonnière, n'a été facile pour personne, mais elle a été particulièrement difficile pour son père. Et pourtant, ce ne sont que des détails ajoutés à ce qu'il savait déjà. Il savait déjà que DeinoGene avait sa fille. Et il savait déjà ce dont ils sont capables. L'entendre l'a néanmoins bouleversé malgré tout.

— Mais vous êtes sûrs qu'elle va bien ? Alek interroge le soigneur de l'espace.

Mains jointes dans une prière instinctive, il plante son regard marron dans celui encore plus sombre de celui à qui il s'adresse.

— Elle est en vie. Et relativement indemne. Ils la gardent inconsciente pendant qu'ils expérimentent sur elle.

Malgré sa concision, c'est la réponse la plus indulgente que Ben peut lui offrir. Il y a une limite à la quantité d'informations qu'il peut glaner par lui-même à travers les murs d'un laboratoire. Le reste, il l'obtient par les gens qui entrent et sortent du bâtiment, et malheureusement aucune des personnes qui évoluent autour de Mae ne quitte les lieux ou presque. Tout ce qu'il récolte est au mieux de seconde main, et c'est déjà rare. Un étage entier du complexe est dédié à des quartiers de vie, et toutes les premières nécessités sont apportées de l'extérieur par des livreurs qui franchissent à peine le portail. Parfois, Ben se demande si bon nombre des résidents de cette structure ne sont pas tout autant prisonniers que la jeune fille.

— Oh Mon Dieu…

L'ingénieur prend à nouveau son visage entre ses mains. Son fils derrière lui s'accroupit par terre, fermant les yeux et plaçant son front sur le dossier du fauteuil. Il est tout aussi affecté, maintenant que son incrédulité première est passée.

— Vous devriez partir. On va y réfléchir, décide finalement Sam.

Il estime que sa famille en a déjà suffisamment traversé pour une journée. Strauss s'abstient de toute réponse verbale, en accord avec cette suggestion et l'analyse qu'elle sous-entend. Il salue l'assemblée d'une inclinaison, puis incite d'un regard ses deux congénères à le suivre vers la sortie. Ben imite maladroitement son salut avant de lui emboîter le pas, tandis qu'Andy garde les mains dans ses poches. Ce qu'ils viennent de faire va à l'encontre de la raison-même de sa présence sur cette planète, alors elle n'est pas d'humeur à se plier à leurs us et coutumes de politesse. L'oncle se charge de fermer derrière eux, son chien sur ses talons toujours un peu perplexe à ses étranges créatures, puis revient dans un salon pas en meilleur état qu'il l'a laissé.

Patrick est toujours fulminant à l'idée que celui qui a commis tant d'horreurs y compris lui avoir tiré dessus soit encore plus proche qu'il ne le croyait. Il ne trouve même pas les mots pour signifier son total désaccord avec l'idée de travailler avec lui en quelques circonstances que ce soit, mais son regard d'acier en dit déjà suffisamment long. Tandis que ses deux mentors échangent par l'intermédiaire d'une langue des signes qui leur est propre, sans doute les moins affectés par ce qui vient de se dérouler, Jena couve Markus du regard, inquiétée par ce qu'il est en train de traverser émotionnellement mais dans l'incapacité d'agir sans aggraver la situation. Le fils, comme son père, dévisagent quant à eux l'oncle, dans l'espoir qu'il puisse leur apporter des éclaircissements sur à la marche à suivre à partir de maintenant. La soirée va encore être longue…

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