2x03 - Prise au piège (16/17) - Grand méchant loup

Le scientifique qui a épargné le scalpel à Mae au matin est toujours avec elle en fin de journée. À vrai dire, il n'a pas quitté son chevet. Assis sur un haut tabouret, une tablette entre les mains, il complète le dossier de sa patiente avec les informations qu'il a collectées à travers divers examens non-invasifs. Les résultats de certaines analyses ont été instantanés, tandis que d'autres viennent seulement de sortir à l'instant, et d'autres encore n'arriveront pas avant plusieurs jours. Mais à la façon dont il hoche la tête à ce qu'il lui sur les moniteurs autour de lui, jusqu'ici, tout semble aller comme il veut.

Tout à coup, un léger brouhaha en provenance de l'extérieur de la pièce lui fait lever la tête vers la porte ouverte. Le laboratoire est agencé en étoile, avec une grande salle principale ronde, où une petite armée de blouses blanches effectue diverses manipulations bénignes, encerclée d'une multitude d'alcôves plus réduites, comme celle où se trouvent Mae et l'homme à lunettes, et dans lesquelles on isole les cobayes aussi bien que les machines les plus volumineuses et bruyantes. Au bruit de pieds de chaises raclant le sol et de pas précipités pour se mettre debout, quelqu'un d'important vient de faire son entrée dans l'espace central.

L'irruption d'une femme blonde décolorée d'une cinquantaine d'années dans la zone où est installée l'adolescente fait bondir son gardien sur ses pieds à son tour, confirmant cette déduction. C'est tout juste s'il ne tire pas sa révérence. Il se contente de croiser les poignets dans le bas de son dos, et garde ses yeux rivés vers le sol.

En blouse elle aussi, la nouvelle venue l'ignore royalement et s'adresse directement à la jeune fille toujours inconsciente sur la table d'examen.

- Mana ! Quel plaisir d'enfin te rencontrer, elle s'exclame.

- C'est Maena, Docteur, l'autre corrige discrètement sa prononciation erronée du prénom.

Tandis qu'il réajuste nerveusement ses verres sur son nez, pour la énième fois de la journée, la femme semble seulement remarquer sa présence. Elle pose sur lui un regard difficile à déchiffrer, empli d'un mélange de dédain et d'agacement, comme si elle aurait préféré pouvoir se permettre de ne lui prêter aucune attention mais savait qu'elle ne pourrait pas y échapper. Aussi excédée par son intervention elle semble, elle a visiblement une bonne raison de ne pas le congédier sur-le-champ, peu importe combien ça lui déplaît.

- Quoi ?

- C'est Maena. Avec l'accent sur le E, pas le A, il élabore sa rectification.

Il a moins d'assurance qu'il n'en faisait preuve au matin face à sa jeune collègue, mais tient bon tout de même. Sans affronter son regard, sa voix ne tremble pas. Avoir raison aide à maintenir le cap en dépit de l'adversité.

- Qu'est-ce que ça change ? Ce qui importe, ce n'est pas son prénom, mais son nom de famille. Quanto. Comme son Papa chéri, rétorque la quinquagénaire, avec un sourire mauvais.

Reportant son attention sur l'adolescente, elle passe une main dans ses mèches désormais courtes. Il y a une tendresse dans ce geste qui ne se reflète pas du tout sur son visage, dur.

- Ton père a détruit tout ce pour quoi j'ai travaillé toute ma carrière. Et pour rien, en plus. Juste parce qu'il ne savait pas garder son nez dans ses propres affaires. Ils ont dit qu'il ne savait rien à mon sujet, mais je ne me suis pas trompée en envoyant ces agents lui rendre visite. Il avait quelque chose sur moi, il a juste été suffisamment malin pour le cacher. Mais il ne doit pas se sentir malin maintenant, n'est-ce pas ? elle déclame à Maena, toujours ce même rictus infect aux lèvres.

L'autre scientifique en présence reste impassible à cette tirade. Son regard est perdu dans le vide comme s'il n'écoutait même pas.

- Il est dégoûté par mon travail ? Il ferait mieux de se préparer à l'être par sa propre fille, alors. Bertram, vous avez mon feu vert pour commencer le traitement dès demain matin, l'inconnue achève son soliloque avant d'orgueilleusement passer commande à son subalterne.

- Oui, Docteur Vurt, sursaute pratiquement l'interpelé à la mention de son nom, portant ses doigts à ses lunettes.

Sans rien ajouter de plus, étant simplement venue pour s'assurer que tout était en place pour la mise à exécution de son plan de vengeance, la Némésis d'Aleksander tourne sur ses hauts talons et quitte la pièce, puis carrément le laboratoire, sous une nouvelle vague de laborantins se levant sur son passage. En arriver là lui a pris du temps, plus qu'elle ne l'aurait voulu, mais ça valait le coup. Plus d'un mois à se terrer, le temps que les autorités pensent avoir incarcéré toutes ses ouailles, tout en planifiant sa revanche. Elle n'avait pas pu sauver beaucoup de monde de son ancien empire, et beaucoup de ses contacts ont été perdus dans la bagarre, mais elle a pu reconstruire tout de même, avec quelques joyaux de son ancienne couronne. Bertram, qu'elle vient de laisser à l'instant, en est un bon exemple. Elle a aussi cet endroit, elle a ses nouvelles recrues, et quelque part, il est libérateur pour elle de ne plus avoir à se préoccuper des apparences avec qui que ce soit. Elle n'a jamais cru aux restrictions imposées à la recherche scientifique, et devoir le prétendre l'a fatiguée. Plus de ça ces jours. Elle a enfin le champ totalement libre, et elle va leur prouver à tous que sa vision est la bonne. En commençant avec la fille chérie de celui qui a voulu l'entraîner par le fond.

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