2x03 - Prise au piège (6/17) - Cobaye
Yeux clos, bras le long du corps, Maena est allongée sur une table en métal assez semblable à celles qu'on trouve dans les morgues. Le soulèvement régulier de sa poitrine est cependant le premier indicateur qu'elle n'est qu'inconsciente. Cet état est sans aucun doute dû au patch appliqué au creux de son avant-bras gauche, relié à une poche de perfusion suspendue à une potence et remplie d'un liquide d'une translucidité suspecte. De l'autre côté de la jeune fille, un écran affiche ses signes vitaux et d'autres variables diverses sous forme de graphiques et de tableaux dynamiques, en silence, recevant les données de petits capteurs sans fils placés un peu partout sur son corps.
Ses cheveux, qui lui tombaient auparavant jusqu'au bas des omoplates, ont été coupés sans grand ménagement et leurs pointes ne font maintenant qu'effleurer ses épaules. Humides, ils portent également encore çà et là les traces de la coloration temporaire noire qui leur a été appliquée par les kidnappeurs. La teinture a dû être retirée dès qu'elle n'a plus été utile, lors de l'arrivée de la jeune fille dans les locaux, tôt dans la matinée.
Une femme en blouse blanche d'une trentaine d'années est affairée autour de la patiente malgré elle lorsqu'un homme, un peu plus âgé mais en blouse lui aussi, fait irruption dans la pièce :
— C'est pas vrai… Qu'est-ce qui n'est pas clair, dans "non invasif" ? il s'exclame, d'incrédulité d'abord puis d'agacement ensuite.
D'un geste machinal, il rajuste ses fines lunettes à verres rectangulaires sur son nez. Il toise sa collègue, scalpel à la main au-dessus de Mae, de ses yeux d'un bleu perçant, rendu d'autant plus frappant par le noir de jais de sa chevelure.
— Le dossier spécifie qu'elle doit être en parfait état. J'ai supposé que ça signifiait qu'il fallait lui retirer tout implant éventuel, la jeune femme justifie la démarche qui l'a amenée à se saisir de l'outil qu'elle a actuellement en main.
Au bref mouvement compulsif de son poignet et du bout de ses doigts, son interlocuteur résiste visiblement à l'envie de saisir le pont de son nez sous le coup de l'atterrement.
— Personne ne te demande de supposer ! "Parfait état" signifie comme on l'a trouvée. Ça veut dire avec implant contraceptif et sutures et broches et que sais-je encore ! Pose cet instrument et sors, il continue dans son outrage, sec.
Il n'a pas quitté le pas de la porte. Il a clairement toute confiance en la portée de ses mots sans estimer avoir besoin de physiquement s'interposer entre la patiente et celle qui voudrait lui porter atteinte.
— Pardon ?
La jeune femme n'est pas certaine d'avoir bien entendu la dernière partie de sa phrase, ou en tous cas elle préférerait que ce soit le cas. Ignorant volontairement le ton interrogatif de sa phrase, il réitère son ordre :
— Tu peux le dire. Maintenant, dehors.
Il réajuste encore une fois ses lunettes, aussi mécaniquement qu'inutilement. Bouche bée, la laborantine laisse échapper un petit halètement insulté, mais obéit malgré tout. Elle dépose sa lame sur la table à roulettes sur laquelle elle l'a prise, puis contourne le dernier venu pour atteindre la sortie. Celui-ci s'approche de l'adolescente avant même que sa collègue ne soit partie, et pousse un soupir en l'examinant du regard :
— Non pas qu'elle soit la seule à avoir ignoré les instructions. Je suis sûr que tu n'avais pas ces ecchymoses quand ils t'ont récupérée, huh, Princesse ? il s'adresse à l'adolescente endormie, avisant les bleus laissés sur ses bras par celui qui s'est saisi d'elle il y a quelques jours.
Mae est vêtue d'un débardeur et d'un short gris unis, mais le scientifique ne doute pas que ses flancs sont tout aussi marqués. Et il n'oublie pas la marque d'injection dans son cou, non plus. Ses mains ne font que survoler le corps de sa patiente, mais tous les niveaux où elles font halte correspondent bel et bien à une marque indésirable. À chaque fois, une brève grimace passe sur son visage, avant qu'il ne retrouve l'austérité qu'il présente depuis son apparition dans la pièce. Ce n'est pas comme si ces légères maltraitances allaient changer quoi que ce soit à l'issue de l'expérience qui est prévue, mais ce serait peut-être agréable que quelqu'un respecte les instructions, une fois.
— Elle a une résistance aux anesthésiques, se permet d'ajouter celle qu'il vient d'admonester, depuis le seuil.
L'homme écarte les mains et relève le menton, mais ne prend pas la peine de faire volte-face :
— Qu'est-ce que tu fais encore là ?! il s'exclame.
— J'ai pensé important de transmettre l'information, se justifie l'autre une fois de plus, insolente.
— Par chance, je sais lire, alors je l'ai appris dans son dossier. Vas te rendre inutile ailleurs !
Se retournant enfin vers celle qui lui parle, il l'enjoint à s'en aller du geste en plus de la parole, non sans un certain dédain. De plus en plus insultée, la jeune femme part hors de sa vue d'un pas vexé. Soupirant de plus belle, il se remet en ce qui le concerne à son examen de sa nouvelle charge.
— On ne peut vraiment pas tourner le dos cinq minutes, avec ces nouvelles recrues, il grommelle dans son fond de barbe, avant de se pencher sur la surface intelligente affichant les mesures prises par les capteurs.
La seule personne dans la pièce avec lui ne peut pas l'entendre, il le sait bien, mais il parle toujours à ses cobayes. Il se sent parfois plus écouté par eux que par ses collègues, qui pour la plupart ne peuvent de toute façon même pas suivre ses raisonnements, la grande majorité du temps. Non pas qu'il ait déjà eu l'occasion d'avoir une réelle conversation avec l'un de ses sujets d'expérimentation. Personne n'est jamais sorti de ses griffes indemne…
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