2x03 - Prise au piège (3/17) - Style télégraphique
Pendant ce temps, dans un amphithéâtre pourtant presque bondé, Markus se sent affreusement seul. Son frère est enfermé dans un institut psychiatrique sans droit de visite, sa sœur s'est fait kidnapper par une organisation clandestine, et son meilleur ami est non seulement dans le coma mais sa conscience numérisée est occupée à aider son père à rechercher sa cadette. Ce qui rend également ce dernier indisponible, même si pour la bonne cause. Et pour couronner le tout, sa petite amie est introuvable. Partout où il va, peu importe la foule autour de lui et les indulgences et la compassion qu'on lui accorde, l'étudiant se sent ainsi désespérément et terriblement seul.
D'après son oncle, Jena a mis les voiles immédiatement après avoir donné son témoignage à la Police. L'inspecteur n'a même pas eu le temps de la croiser lui-même, alors qu'il s'est rendu à la brigade des Personnes Disparues dès que la nouvelle de ce qui s'était passé lui était parvenue. D'abord, Mark avait été terrifié que quelque chose soit aussi arrivé à la jolie brune, puisque DeinoGene pourraient également vouloir s'en prendre à elle, qui avait dit les avoir quittés en plus que mauvais termes. Mais après pas loin d'une centaine de tentatives paniquées pour la contacter, la jeune femme l'avait rassuré dans la soirée, d'un bref message au style télégraphique :
Je suis désolée. Je vais bien. Caroline est avec moi. De retour bientôt. Ne t'inquiète pas.
Il aurait préféré une explication plus poussée à cette absence soudaine et surtout extrêmement mal tombée, aussi égoïste il se sente de ce ressenti, mais il avait bien dû se contenter de ça. Il n'a plus reçu aucune réponse à ses envois depuis celle-ci. L'hypothèse la plus plausible de ce silence radio, et celle sur laquelle le jeune homme a fini par s'arrêter, est que Jena cherche simplement à se protéger. Si elle a traîné avec des gens de DG au point d'avoir été en mesure de subtiliser l'anneau parmi leur rebut, il n'est pas inimaginable que les hommes qui ont pris Mae soient capables de l'identifier, après l'avoir vue courir vers elle sur le trottoir devant Walter Payton. Et elle avait particulièrement souligné à quel point elle n'avait pas envie qu'ils la retrouvent. S'être rangé à cette théorie n'empêche évidemment pas Markus de se faire du mouron, mais au moins, il arrive à se convaincre que sa situation pourrait être pire. Il se dit qu'il ne peut pas espérer beaucoup mieux en les circonstances, indiscutablement mauvaises.
À la maison, il n'avait même pas eu l'occasion de célébrer le retour de la voix de Caesar avec qui que ce soit. Il était rentré chez lui pour trouver deux inspecteurs de la brigade des Personnes Disparues en pleine conversation avec son père et son oncle dans le salon. Alek était effondré sur le canapé, les yeux dans le vide, presque catatonique. Il ne répondait aux questions qui lui étaient posées que par oui ou par non, quand il y répondait seulement. Sam faisait les cent pas à travers la pièce, tel un fauve en cage, avec pour ombre Sing Sing, plus proche encore du fauve véritable, les poils dressés le long de son échine tant la colère de son partenaire lui était palpable. Le maître-chien avait pris le relais de son aîné pour les questions auxquelles il était trop secoué pour répondre, mais il n'avait pas été beaucoup plus loquace. Il avait plus l'air de vouloir casser quelque chose que de vouloir parler. À Markus, on n'avait pas demandé grand-chose, puisque tout avait plus ou moins été couvert par son père et son oncle. La possibilité qu'il soit lui-même en danger avait été évoquée mais rapidement écartée. Les jours suivants s'étaient déroulés dans le brouillard.
À l'université, ses professeurs avaient eu la considération et la gentillesse de lui proposer de prendre autant de temps que nécessaire pour être avec sa famille en cette période difficile, lui offrant de reporter tous ses examens à sa convenance. Mais il avait décliné. Il avait déjà pris le temps d'être auprès de Caesar le peu de jours qu'il a passés à l'hôpital avant d'être transféré à l'institut. Et a posteriori, il n'a pas l'impression que ça ait spécialement aidé qui que ce soit. Ses études sont en fin de compte la seule part de normalité dans sa vie en ce moment. Pour sa santé mentale, il n'estime donc pas pouvoir se permettre de les laisser tomber ou seulement les mettre de côté, peu importe le mal qu'il peut avoir à se concentrer parfois.
Car oui, il est très difficile de penser à autre chose que l'absence de ses proches lorsque chacune de ses activités lui rappelle celle de l'un ou l'autre : les cours et les révisions ne sont pas les mêmes sans Robert, sous quelque forme que ce soit ; les pauses déjeuner n'ont littéralement pas le même goût sans Jena ; le reste du temps, à la maison, les chambres vides de sa sœur et de son frère, devant lesquelles il est obligé de passer pour rejoindre la sienne, sont un véritable crève-cœur. Et l'état de son père n'est pas réjouissant non plus. Il ne sait pas comment l'aider. Tout ce qu'il peut faire, c'est s'arranger pour qu'il ait le moins besoin de s'occuper de lui que possible, mais ça paraît bien peu, en plus de ne pas être un effort considérable. Comme ils se partageaient déjà une grande partie des tâches domestiques avant maintenant, la différence n'est pas flagrante.
Alors que Markus lutte justement pour ne pas perdre le fil de son cours de psychiatrie avancée, une image familière apparaît soudain dans un coin de son plan de travail, achevant de le déconcentrer tout à fait. Il s'agit d'un petit groupe de jeunes filles en noir, qui portent de concert un index à leurs lèvres, encore et encore. C'est l'une des animations muettes qu'avait fait défiler Caroline il y a une quinzaine de jours ! Et sous le clip sans son, une inscription :
Daily Park. Dans 2h.
Le cœur de l'étudiant fait un bond dans sa poitrine lorsqu'il comprend que l'expéditeur de ce message ne peut être que Jena, qui le contacte par l'intermédiaire de sa sœur. Bien sûr ! Caroline est sans doute plus à même de dissimuler leurs traces que son aînée n'en serait capable toute seule. Cette dernière préfère probablement ne plus prendre le risque d'utiliser sa tablette. Peut-être même s'en est-elle carrément débarrassée ? Ça justifierait d'autant plus qu'elle n'ait plus répondu aux messages qui lui ont été envoyés à cette adresse.
Une vague de soulagement s'abat sur le jeune homme, avant que l'impatience de revoir sa petite amie ne prenne le dessus. Et aussi l'inquiétude des conditions de leurs retrouvailles prochaines. Daily Park n'est pas très loin de la faculté, mais ce n'est pas un point de rendez-vous habituel pour eux pour autant. Si elle lui demande de se retrouver là-bas, c'est sans doute qu'elle craint encore d'être suivie, et n'a pas fini de fuir. Est-ce qu'elle prend un risque, en le contactant ? Est-ce que sa tranquillité d'esprit vaut vraiment la chandelle d'exposer la jeune femme à quelque danger qui soit ? Il songe à annuler, mais même s'il parvenait à s'y résoudre, il se rend rapidement compte qu'il n'en aurait pas les moyens techniques. Pas de manière à être certain que le message atteigne sa destinataire. Et si vraiment danger il devait y avoir, lui poser un lapin serait encore pire que de la rejoindre. En conséquence, il décide de faire confiance à l'initiative de sa dulcinée de vouloir le voir. De toute façon, il ne va pas nier en avoir terriblement à la fois besoin et envie.
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