2x02 - Électrochoc (17/17) - Court-circuit

Son dernier cours de la journée annulé à défaut d'un professeur pour le donner, Brennen quitte le lycée après une seule heure en classe cet après-midi. En d'autres circonstances, il resterait dans les locaux, profitant de ce temps libre supplémentaire pour vaquer à ses obligations vis-à-vis de la gestion du journal, mais il n'est pas d'humeur, aujourd'hui. De toute façon, rien ne presse sur ce plan. Et puis, il n'était même pas censé avoir cette période de son emploi du temps à y consacrer en premier lieu, alors il ne culpabilise pas du tout de choisir de rentrer chez lui.

Sans se presser, après un détour par son casier, il prend le chemin de la sortie. Il croise quelques autres élèves dans le même cas que lui : eux aussi libérés à cette heure pourtant peu avancée de la journée, et qui n'ont apparemment pas non plus filé aussi vite qu'ils le pouvaient à la sonnerie de fin de session précédente.

Une fois dehors, le lycéen jette machinalement un œil de chaque côté du trottoir, même s'il n'a pas particulièrement de raison de le faire et qu'il sait par cœur la direction à prendre pour rentrer. Il est cependant content de ce réflexe de sécurité routière superflu, car c'est là qu'il remarque une tête blonde sur la droite. Il hésite une seconde, puis s'élance pour la rattraper.

- Hey, Mae, attends ! il appelle, trottinant jusqu'à elle, qui marche tranquillement, le nez sur un carnet électronique dans sa main.

- Brennen ?! Salut.

Elle est étonnée de le croiser. Et elle est aussi déroutée qu'il lui adresse la parole, après toute cette énergie dépensée à la fuir presque comme la peste suite à sa découverte de Caesar. Voilà maintenant qu'il lui court après ? Étrange.

- Salut. Comment ça va ? il commence par une platitude, incapable de mieux.

- Ça va. Et toi ? elle lui retourne gentiment, consciente de l'effort qu'il est en train de faire en venant lui parler.

- Bah… Je me disais qu'il était peut-être temps que je m'excuse de t'avoir un peu… évitée, depuis… il tente de s'expliquer, même si certains termes viennent encore à lui manquer.

Mae le dédouane de trouver ses mots avec une paume brandie devant elle et un sourire :

- C'est pas la peine. Je comprends.

- Ah oui ? il s'exclame, écarquillant les yeux.

- Tu n'as pas envie de repenser à ce jour-là. Je peux comprendre, elle lui confirme, avec un hochement de tête et un haussement d'épaule.

- Oh. Donc tu sais vraiment pourquoi.

Il semble impressionné par sa perspicacité. La jeune fille s'efforce de ne pas être vexée par la sincère incrédulité de son ton à ce constat. On a parfois du mal à imaginer que quelqu'un d'autre que nous puisse savoir ce qui se passe dans notre tête. Et que nos seules interactions avec cette personne en soient justement l'esquive ne doit rendre cette situation que plus probable.

- Tu croyais que je pensais quoi ? elle lui demande tout de même, curieuse.

- Que j'étais un sale type, il avoue sans filtre, avec un éclat de rire embarrassé, passant sa main derrière sa nuque et regardant le sol entre ses baskets.

- Pff ! Ellen ne t'apprécierait pas si t'étais un sale type, lui oppose Mae en riant.

- Huh ? il relève, pas certain d'avoir bien entendu.

- Elle serait pas amie avec toi, je veux dire, la blondinette se reprend avec précipitation, se rendant compte du sens qu'il aurait pu donner à sa phrase.

Non pas que ce serait une erreur de sa part d'interpréter ce qu'elle vient de dire de cette manière, mais ce n'était surtout pas ce qu'elle cherchait à lui souffler ! Ell' la truciderait, si elle vendait la mèche de son béguin à l'objet de son affection. Ce qu'elle mériterait tout à fait, d'ailleurs. C'est presque étonnant que Brennen ne se soit pas rendu compte de quoi que ce soit tout seul, en tant que journaliste aux ambitions d'investigateur, mais ce n'est pas une raison pour le pointer dans la bonne direction. Et pas sa place, non plus.

- Ah, il accepte la reformulation.

Mae le devine presque déçu, mais elle ne peut pas en être certaine. Elle ne le connaît pas suffisamment, et il ne fait pas partie de ces gens que chacune de leurs expressions faciales trahit.

Un silence s'installe ensuite entre les deux lycéens, tandis qu'ils continuent leur lente avancée sur le trottoir, le long du grillage qui borde le terrain de baseball de leur lycée. Le garçon aimerait bien interroger la petite blonde sur l'état de son frère, mais il n'ose pas trop. Il ne sait pas vraiment comment s'y prendre. Aussi bienveillante ait-elle été, il a peu apprécié l'attention qu'il a reçue pour avoir été au centre de cette histoire, et pourtant elle s'est amenuisée bien plus vite que celle subie par Mae. Il soupçonne donc qu'elle soit un peu lasse qu'on lui demande comment ça se passe pour elle.

- On ne va pas dans la bonne direction pour rentrer chez toi, c'est ça ? elle lui demande tout à coup, sentant son embarras et cherchant à y couper court.

Il s'esclaffe à cette prise d'initiative.

- Non. Mais c'est pas grave, je vais juste faire le tour du quartier, ça me promènera, il confirme, même si ce n'était pas du tout ce qui l'embêtait.

- T'es pas obligé de marcher avec moi, tu sais. J'étais seule à la base. Et j'ai rendez-vous avec la copine de mon frère, de toute façon. D'ailleurs, je la vois, propose Mae pour le faire déculpabiliser de vouloir la laisser.

Elle fait un geste vers le coin de la rue, où attend effectivement Jena, assise sur un muret. Cette dernière n'a pas le temps de lui retourner son geste, et Bren n'a pas le temps de la détromper sur ses intentions, qu'une fourgonnette déboule sur la route à côté d'eux. Le crissement des pneus leur fait tourner la tête à tous les deux, et ils ne voient donc pas la jolie brune se lever d'un bond et se mettre à courir dans leur direction.

La portière arrière de la camionnette s'ouvre en coulissant sur trois hommes en tenue d'assaut, dont deux sortent du véhicule. À cette vision, les lycéens restent évidemment interdits, instantanément ramenés à un très mauvais moment passé quelques mois plus tôt. Ils n'ont cependant pas le loisir de rester tétanisés bien longtemps, puisque l'un des encagoulés se jette sur Mae tandis que l'autre assène un coup de crosse de fusil au visage de celui qui l'accompagne, avant même qu'il ait eu le temps d'esquisser un geste pour s'interposer.

Le jeune homme est envoyé au sol par la violence de l'impact, tandis que la jeune fille ne peut que hurler de toute la puissance de ses cordes vocales alors qu'elle se fait emmener à l'intérieur du fourgon. Elle a beau se débattre, elle est tenue par la taille par un homme bien plus fort qu'elle. Et un troisième encagoulé attend de toute façon ses collègues et leur victime à l'intérieur du véhicule, où il injecte quelque chose dans le cou de l'adolescente qui fait s'éteindre sa voix comme le son d'une radio qu'on débranche.

En un court laps de temps, Mae tombe dans l'inconscience, la portière est refermée, et le chauffeur repart en trombe.

Jena arrive sur les lieux de l'enlèvement avec moins d'une seconde de retard. Mais elle arrive trop tard tout de même. Trépignant, elle ne peut que regarder les kidnappeurs s'enfuir, avec une terrible grimace d'impuissance sur son visage.

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