2x02 - Électrochoc (7/17) - Poltergeist

Depuis qu'il s'est rendu à l'évidence que les signaux contenant la conscience de chacun de ses patients clandestins avaient drastiquement changé, entre le moment où ils ont quitté leur cerveau d'origine et aujourd'hui, Aleksander s'est penché sur l'idée d'un processus de compression. Son idée est de rendre la traduction dans le sens inverse ne serait-ce qu'envisageable. Le problème, c'est qu'il lui manque encore des éléments pour comprendre ce qui s'est passé exactement lors du premier transfert, trop pour qu'il puisse craquer le mystère d'un retour à l'envoyeur sans avoir peur de commettre des dommages irréparables.

Pour ne pas se noyer dans la frustration due à son ignorance, et aussi afin d'éviter que les sujets de ses recherches ne se rendent compte d'à quel point il est parfois inquiet de ce qu'il va pouvoir faire pour eux, l'ingénieur explore également d'autres avenues. Bien sûr, sa priorité reste de ramener les deux jeunes gens à leur état initial, avant leur électrisation améliorée, si on peut dire, mais puisque ça risque de prendre encore un temps certain, il s'intéresse aussi à leur rendre leur état actuel plus supportable. L'une de ses pistes est notamment la mise au point d'hologrammes dont ils auraient le contrôle, à la fois pour entretenir leur mécanique mentale de se déplacer et bouger, mais aussi et surtout pour leur donner un semblant de présence physique. Si la compilation d'images des deux habitants de la machine afin de leur créer un avatar identique à leur apparence réelle n'a pas été très compliquée, la difficulté à présent réside dans la liaison de leur empreinte neurale à cette projection.

Chez un être humain, et même chez tous les mammifères en général, l'apprentissage de la commande qui nous permet de lever la main ou mettre un pied devant l'autre se fait très jeune. L'habitude est prise au point de ne plus jamais avoir à y penser plus tard ou presque. Et cet apprentissage est rendu aisé par le fait que la connexion nerveuse est déjà techniquement établie, préexistante, et il suffit de se rendre compte de sa présence pour l'utiliser, la consolider. Dans le cas des deux fantômes de la machine et leur potentielle projection, cependant, il faut recréer tous ces chemins en les amenant au point d'ancrage numérique qui correspond à son équivalent dans leur organisme. Et si particulièrement fascinante, la tâche est loin d'être simple. Souvent, Alek remercie les neuroscientifiques qui sont venus avant lui et ont mappé le cerveau humain.

surgit soudain dans une petite fenêtre sur l'écran géant, au même moment où la diode indiquant la présence de l'une des deux victimes de la bague de Jena s'allume.

Comme son fils aîné, Alek sait très bien qui est désigné par la séquence d'un visage de femme et de deux filles se tenant par la main. Et même si la personne concernée par la question en images n'était pas l'une des deux seules à le contacter lorsqu'il est dans son laboratoire, il reconnaît sans peine non plus la façon de communiquer de Robert :

— Bonjour, Rob. Non, Caroline n'est pas ici, répond calmement le professeur.

Ses mots apparaissent dans la fenêtre de conversation au fur et à mesure où il les prononce. Il dispose d'un programme de transcription de ses paroles dans un fichier texte, qui lui permet de ne pas avoir besoin de taper lorsqu'il s'adresse au meilleur ami de Markus ou sa compagne d'infortune. Ce ne serait pourtant pas une contrainte particulière pour l'ingénieur, beaucoup plus habitué à cette manœuvre que la majorité de la population, mais l'application lui permet surtout d'échanger avec ses protégés sans avoir à interrompre ce qu'il est en train de faire. Il sait bien qu'ils l'entendent, également, mais il est moins sûr du résultat qu'avec des mots écrits, en matière de compréhension, alors il préfère prendre cette précaution.

apparaît comme nouvelle série de symboles.

— Des fichiers verrouillés ? Tu vas devoir être un peu plus précis, si ça ne t'embête pas.

Étant donné son ancien travail, les dossiers confidentiels ne sont pas ce qui manque dans le système d'Aleksander. Certes, la plupart des mesures de sécurité basiques ne résistent pas à Robert dans son état actuel, mais ça arrive. Peut-être qu'il cherche quelque chose en particulier ?

répond simplement le jeune homme.

Il n'en sait apparemment pas plus sur les documents en question que c'est sa comparse dans le malheur qui les lui dissimule. Ça, c'est nouveau. Ils semblent toujours tout partager, là où ils sont. Quand on a parlé de quelque chose avec l'un, l'autre est systématiquement au courant.

— Il peut y avoir de nombreuses de raisons pour que Caroline t'interdise l'accès à certaines données, tente de l'apaiser Alek.

Comme son fils plus tôt dans la journée, il ne perçoit pas bien l'urgence de la situation. C'est une première, mais elle ne l'alarme pas particulièrement. Peut-être qu'arriver à se cacher des choses est même un signe de progrès pour Caroline et Robert, d'une certaine façon. Tout échanger tenait peut-être plus d'une incapacité à cloisonner que d'une réelle volonté de mise en commun des informations.

insiste cependant lourdement Rob dans son désarroi.

— Je ne l'ai pas vue aujourd'hui, et je n'ai pas remarqué quoi que ce soit d'anormal dans mon système. Mais je vais regarder, si ça peut te rassurer, lui offre l'ingénieur.

Encore une fois, il est incapable de mieux sans plus d'éléments. Une minute plus tard, la petite lumière s'éteint à nouveau, signe que l'étudiant comateux a quitté les lieux. Le professeur reste tout de même perplexe à ce qui a bien pu inquiéter son visiteur à ce point. Il a tout le mal du monde à s'imaginer ce à quoi doit ressembler l'environnement dans lequel Caroline et Robert évoluent à présent, et il lui est par conséquent particulièrement difficile de juger des implications de leurs ressentis, parfois. Par acquit de conscience, il commande tout de même à TOBIAS d'effectuer un scan de son réseau et des avoisinants, mais il se demande si l'intelligence artificielle saura seulement repérer comme une anomalie ce qui a attiré l'attention du téléversé. Est-ce que ce serait dans ses propres cordes, en cherchant à la main ? Il risquerait autant d'attirer l'attention que de trouver quoi que ce soit. Il espère que Rob, dans son anxiété évidente, ne va pas faire de bêtise. Et il déplore de ne pas être en mesure de l'en empêcher même s'il avait la certitude que ça allait être le cas. Le mieux qu'il puisse faire pour le moment, c'est retourner à son étude des projections holographiques.

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