2x02 - Électrochoc (13/17) - Interprétations
À l'Institut Lakeshore, chacun fait sa vaisselle après les repas. C'est une façon de responsabiliser les résidents aussi bien que de créer une cohésion entre eux, les unir dans les corvées. La plupart ne sont encore que des adolescents, après tout.
Après la plonge vient ensuite le temps des activités de groupe. Comme les individuelles le matin, elles sont cependant optionnelles, et ce n'est pas parce qu'il a recouvré sa voix que Caesar compte arrêter de s'abstenir de participer. Peut-être plus tard, un autre jour. Ou jamais. Il n'a pas encore décidé.
Assis à la table à laquelle il prend habituellement place dans la grande salle principale, le grand brun contemple par la fenêtre les patients volontaires installés en cercle dans la cour. Fin Avril, il fait suffisamment bon pour tenir les sessions dehors, apparemment.
— Donc, tu parles, maintenant, l'interpelle soudain Setsuko.
Une fois de plus, il ne l'a pas entendue arriver. Non seulement il était tout à son observation, mais elle est également incroyablement furtive, pour quelqu'un qui affectionne tant les détails choc dans sa tenue vestimentaire. Comme en début de journée, elle le toise, bras croisés, debout en face de lui.
— De toute évidence, il confirme simplement.
— Et t'es un petit con. Bien sûr, elle s'exaspère.
Cette remarque, toute négative qu'elle soit, ne l'empêche pas de prendre place sur le banc devant elle pour lui faire face. Il doute qu'elle veuille s'excuser pour sa manœuvre de ce matin, ni réitérer l'expérience de leur échange d'à ce moment-là, et il est donc assez perplexe quant à ce qu'elle vient chercher ici. Mais il la laisse venir. Il n'a rien de mieux à faire, après tout.
— Pas ce à quoi tu t'attendais ? il s'enquiert, presque espiègle.
Il essaye de comprendre ce qui la dérange. Elle a atteint son but. Elle l'a fait parler. Peut-être qu'elle n'en avait plus l'intention au moment où elle y est parvenue, mais ça n'enlève rien à son succès. Pourquoi est-elle encore après lui, alors ?
— Si. Paradoxalement, les silencieux sont souvent des demandeurs d'attention, elle lui apprend, sans perdre de son aigreur.
— Je n'ai pas besoin d'attention. J'avais juste besoin de temps et d'espace, il se permet une fois encore de la corriger sur ses intentions.
— C'est marrant, on jurerait l'inverse, elle n'accepte à nouveau pas ce qu'il affirme.
Sont-ils condamnés à se contredire en permanence ? Bien qu'un peu las de cette dynamique entre eux, il parvient à ne pas soupirer.
— C'est pas ma faute si tu ne sais pas lire une situation, il lui lance alors.
Il n'est pas particulièrement désireux d'être méchant, mais il juge tout de même pertinent de lui renvoyer au moins un peu de l'acide qu'elle lui envoie elle-même. L'ennui, c'est que ça n'a jamais été son forte, donc il sait qu'il va sûrement mal s'y prendre. Tant pis.
— Moi, je sais pas lire une situation ? Tu as comme par hasard retrouvé la parole pile au moment où j'ai laissé tomber ton cas, elle défend son analyse de son comportement.
Céder juste au moment où son adversaire capitule est clairement une attitude de diva. C'est un jeu de pouvoir assez classique, et applicable à bien de situations. Dont celle-ci, d'après la jeune Japonaise.
— Ce n'est pas du tout ce qui s'est passé, il réfute cependant ses arguments.
— Ah bon ? elle l'incite tacitement à élaborer ce refus catégorique.
Elle croise à nouveau les bras et se renfonce dans son siège, pleine de défi. C'est drôle, elle rappelle un peu à Caesar sa sœur, dans ses élans les plus boudeurs. Mais Mae est de meilleure nature. Elle n'abuserait jamais de ce genre de technique de persuasion. Quand elle boude, elle boude, elle ne cherche pas à obtenir quoi que ce soit. Elle a d'autres moyens d'arriver à des fins de ce type, ceci dit.
— Tu ne sais même pas pourquoi je t'ai enfin répondu, pas vrai ? il percute soudain, un sourire pointant au coin de ses lèvres à cette révélation.
Il y a quelque chose d'horripilant, pour Setsuko, au fait que ses expressions faciales soient revenues avec sa voix, mais elle n'en fait pas la remarque à haute voix. Il fait déjà bien assez son malin pour qu'elle lui laisse savoir à quel point il la déstabilise.
— Je viens de te le dire, mais tu n'as pas l'air de vouloir l'admettre, elle répond avec un haussement d'épaules.
Elle n'a pas l'intention de lâcher l'affaire. Elle connaît son sujet. Elle a certainement l'expérience pour. Le besoin d'attention du grand brun est sûrement inconscient, voilà tout. Malheureusement pour elle, il est tout aussi sûr de lui qu'elle.
— Parce que ce n'est pas ce qui s'est passé, il répète, insistant.
— Et qu'est-ce qui s'est passé, alors, selon toi ?
Elle est cette fois plus directe dans sa demande d'explication. Elle s'avance aussi à nouveau vers lui, bien que sans décroiser les bras.
— Je n'ai pas répondu lorsque tu as laissé tomber parce que je voulais conserver ton attention ; j'ai répondu à ce moment-là parce que ça en valait enfin la peine. Parce que c'était enfin plus un de tes petits jeux que tu me sors depuis le début, il lui explique, comme il l'a expliqué à leur psychiatre le matin-même.
En face de lui, Sets fait semblant de ne pas comprendre. Elle penche la tête sur le côté, ses mèches noires et raides pendant dans le vide.
— Un de mes petits jeux ?
— Tu vois, tu recommences, il répond alors simplement.
Déçu, il laisse son début de sourire s'évaporer de ses lèvres. Comme avec le Docteur Conway, il n'a pas envie de se battre. Elles ne l'ont jamais contraint à quoi que ce soit, et il lui semble normal de retourner la faveur. Si la Japonaise ne veut pas admettre qu'elle a tout tenté pour le faire parler depuis son arrivée, qu'est-ce que ça peut bien lui faire ? Il ne voit pas pour quelle raison elle souhaiterait cacher une chose pareille, mais c'est sa prérogative, après tout. À vrai dire, il ne sait pas pourquoi il l'a contredite lorsqu'elle lui a dit penser qu'il cherchait de l'attention. Pour la même raison qu'il l'a contredite ce matin, sans doute, lorsqu'elle l'a accusé d'avoir voulu mourir. Parce qu'elle avait l'air de penser ce qu'elle disait, et qu'il ne voulait pas la laisser dans l'erreur. Son altruisme le perdra. Peut-être. Quoi qu'il en soit, même s'il ne la force à aucun aveu, il ne compte pas entrer dans son jeu pour autant.
Cette dernière remarque du grand brun, couplée à la disparition de son esquisse d'expression, laisse Setsuko silencieuse. Elle s'attend à ce qu'il fasse comme plus tôt dans la journée et s'en aille, coupant définitivement court à la conversation, s'accaparant le dernier mot. Mais non. Cette fois, il semble vouloir lui laisser ce privilège. Et juste pour l'embêter, pour tenter de le contrarier autant qu'il la contrarie, elle décide de ne pas l'accepter. Cette fois, c'est donc elle qui se lève et s'éloigne, sans rien ajouter. Il dit qu'il ne veut pas d'attention ? Alors elle va arrêter de lui en donner, tiens.
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