2x02 - Électrochoc (4/17) - Interférences

Markus est assis tout en haut de l'un des amphithéâtres de la faculté de médecine, toujours cette même auréole de sièges vides autour de lui que depuis l'accident de son meilleur ami. Il ne s'en formalise pas plus qu'au début. Voire, c'est récemment devenu un avantage, pour lorsque Rob décide de se manifester au beau milieu de sa prise de notes. Il a eu confirmation que c'était bien lui qui avait fait clignoter les lumières, la première fois où il a soupçonné que peut-être il était dans le même état que Caroline, et on ne peut pas dire qu'il se soit amélioré dans son timing. N'avoir personne dont la ligne de vue passe par-dessus son épaule est donc pour le mieux pour l'étudiant.

Pour l'heure, cependant, il est tranquille pour écouter son professeur de Psychiatrie.

Cela fait un peu plus d'une semaine que ce cycle a succédé à celui de Pédiatrie, et l'ironie du thème n'est pas sans frapper l'aîné des enfants Quanto. Il se demande parfois s'il travaillera un jour sur un sujet qui ne concerne pas sa vie personnelle de près ou de loin : il étudiait la Neurologie lorsqu'il a croisé Jena, en quête d'une explication à l'étrange coma de sa sœur ; il a commencé la Pédiatrie juste après l'accident de Rob, alors que c'est la spécialité qu'il ambitionne justement ; et maintenant il a Psychiatrie, alors que son petit frère est dans une institution dédiée à cette spécialité. D'un côté, ça tombe bien, de l'autre, ça ne l'aide pas à se changer les idées de ses soucis.

Non pas que l'une comme l'autre des situations soit actuellement hors de contrôle, ceci dit. Caesar ne parle peut-être pas, mais il n'est pas un danger pour lui-même, sa blessure au bras ne présente plus aucun risque de complication, et ce n'est qu'une question de temps avant que la thérapie du Docteur Conway porte ses fruits. Quant à Caroline et Rob, si Alek semble encore loin d'une méthode pour réintégrer leur empreinte neurale à leur cerveau depuis son nouveau support numérique, ils vont somme toute bien. Ils sont en tous cas moins en danger que du temps où DeinoGene était encore en activité.

L'incident du chaton et des canetons, en début de semaine dernière, a en effet été rapidement jugé comme affaire classée. Lorsque son fils lui avait raconté ce qui s'était passé, Aleksander lui avait suggéré de s'adresser à celle qui connaît le mieux l'adolescente supposée à l'origine de l'étrange manifestation, avant de s'inquiéter. Et la grande sœur avait effectivement tout de suite écarté toute préoccupation de son esprit. Elle avait elle-même conversé avec sa cadette plus tard dans la journée, et tout était normal. Après avoir interrogé la jeune fille, il semblerait qu'elle ait simplement été en train de mettre à jour sa banque d'images et ne se soit pas rendu compte qu'elle était connectée à la maison Quanto, rien de plus.



Un succession de trois visages et d'un point d'interrogation surgit soudain dans une nouvelle fenêtre, alors que Markus s'apprêtait à prendre en note un moyen mnémotechnique pour une checklist particulièrement longue. Il termine hâtivement son tracé, puis fait apparaître un clavier pour répondre :

Bonjour à toi aussi.

Il est un peu perturbé par cette entrée en matière, rendue pour le moins inhabituelle par sa brusquerie. Annoncer sa venue n'est pas ce qu'il y a de plus facile pour Bobby en les circonstances, mais il fait usuellement un peu plus d'effort que ça. Le fantôme de la machine ne semble cependant pas percevoir l'ombre de sarcasme dans la salutation, et insiste sur ses trois visages. Il va même jusqu'à doubler le point d'interrogation.



L'étudiant finit par céder à l'insistant questionnement, bien qu'en fronçant les sourcils tout de même :

Jen va bien. Elle est rentrée ce matin. Pourquoi ?



Le pli sur le front de Mark s'accentue à ce nouveau trio d'icônes. La séquence du visage féminin suivi des deux silhouettes féminines qui se tiennent par la main signifie usuellement Caroline. Le visage avec les lèvres barrées d'une fermeture éclair, en revanche, il n'est pas certain de ce que ça peut bien vouloir dire. Peut-être que Rob a du mal à joindre sa compagne d'infortune ? Alek pense que les deux comateux échangent beaucoup entre eux, puisqu'ils sont seuls dans leur environnement. Il n'a cependant pas moyen de savoir ce qu'ils peuvent bien se dire, ou même comment.

Elle est peut-être occupée. Qu'est-ce qui t'inquiète ? interroge Markus.

Rob n'était pas quelqu'un de bileux avant son accident, et comme tous ses autres traits de caractères sont restés inchangés par les circonstances, il n'y a aucune raison qu'il soit désormais du genre soucieux à outrance. S'il panique, il vaut donc mieux l'écouter. Certes, il y a une chance sur trois que ce soit l'une de ses blagues, mais les deux tiers du temps c'est tout de même un bon pari.



Qu'est-ce qui te fait dire que Caroline t'aurait menti ? Je ne comprends pas, Markus avoue son égarement dans cette discussion.

L'usage de symboles au lieu de mots n'aide pas à clarifier le propos. Le nez qui s'allonge, en référence à Pinocchio, c'est sans doute le mensonge, mais le personnage en imperméable, Fédora, et lunettes noires, c'est moins limpide.



Il peut y avoir plein de raisons pour que Caroline verrouille des fichiers. Peut-être qu'elle n'a même pas fait exprès, propose Mark à cette nouvelle série d'images.

À vrai dire, il n'arrive pas à percevoir l'urgence de la situation. Il comprend bien que son camarade la ressent, mais il n'en voit pas l'origine.

L'adolescente est dans la machine depuis plus longtemps que Robert, c'est vrai, mais il lui arrive tout de même d'avoir des loupés. La preuve avec cette histoire de canetons, tiens ! Parfois, Markus se demande tout le mal qu'elle a dû se donner pour encrypter le fichier qu'elle a transmis à son père à propos de DG comme elle l'a fait. Ça ne fait d'ailleurs que confirmer à quel point elle a été choquée par ce qu'elle a trouvé. Et en l'occurrence, même si elle n'a pas fait une erreur aujourd'hui, elle peut aussi avoir voulu préserver des documents privés, ce qui est tout à fait dans son droit. Peut-être qu'elle lui prépare une surprise ? C'est une ado, après tout. Il est loin d'être impossible qu'elle s'ennuie, là où ils sont.

Rob objecte à l'hypothèse de son pote, qui ne le satisfait qu'à moitié, par deux visages avec une bouche tantôt oblique tantôt absente :



Je sais pas pourquoi elle ne voudrait pas t'en parler. J'en toucherai deux mots à Jen ce midi, si tu veux, offre l'étudiant comme solution intermédiaire.

Il n'est pas capable de mieux sur le moment. Il est coincé dans cet amphithéâtre. Et il a déjà pris pas mal de retard dans ses prises de notes…

Il attend tout de même une réponse, mais elle ne vient pas. Sans doute Rob s'est-il rendu compte qu'il ne pouvait lui être d'aucune aide et est parti en chercher ailleurs. Peut-être même qu'il est parti interroger Jena lui-même, ce qui serait loin d'être idiot. Parfois, Markus oublie que, si Caroline ne s'adresse presque jamais à lui, Jen a en ce qui la concerne des échanges assez réguliers avec Rob. C'est même presque curieux, puisqu'ils ne passaient pas vraiment de temps seul à seul avant son électrisation. Mais si ça peut permettre à son ami de ne pas tourner en rond dans son bocal numérique, Mark n'est pas près de remettre ce nouvel ordre des choses en question. Il se doute que ne pouvoir communiquer qu'avec quatre personnes, pour quelqu'un d'aussi sociable que Robert, doit être difficile. Et dans le cas présent, si ça peut apaiser son étrange inquiétude, tout est pour le mieux. Reléguant toutes ses questions à un coin de son esprit, il retourne au cours qu'il est supposé être en train de suivre.

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