2x01 - Cause perdue (17/17) - "Oncle Sam a une copine !"

Tandis qu'il fait nuit dehors, Mae est dans sa chambre, en train de faire ses devoirs. À plat ventre sur son lit, chevilles croisées en l'air, elle complète des exercices en pianotant sur une tablette. Markus, de l'autre côté du couloir, est quant à lui occupé à parcourir une revue médicale sur son bureau. Il aura passé presque toute sa seconde partie de journée assis là. Et en ce qui concerne leur père, il prépare le dîner dans la cuisine. Tout est tranquille.

Lorsque la sonnerie de la porte d'entrée retentit, signalant l'arrivée d'un visiteur qui n'aurait pas l'accès sur son SD, tous lèvent la tête de ce qu'ils sont en train de faire. C'est cependant la benjamine qui se dévoue avant les deux autres occupants actuels de la maison :

— J'y vais ! elle annonce à la volée, descendant déjà les escaliers quatre à quatre.

Ils n'attendent personne, surtout personne qui aurait besoin qu'on lui ouvre, mais c'est la moindre des choses que de répondre. La petite blonde atteint la porte, ouvre, et fronce alors les sourcils en découvrant son oncle sur le seuil :

— Hey, Oncle Sam, depuis quand tu… Er… Bonsoir.

Elle a naturellement commencé à lui demander pourquoi il a sonné, puisqu'il a bien évidemment la clé, avant de se reprendre dans un second temps, dès qu'elle a noté la présence de quelqu'un d'autre à ses côtés. En voilà, une surprise…

La jeune femme en escarpins, brune aux yeux verts, dans un chemisier blanc et une jupe noire fendue sous son manteau, lève une main en signe de salutation. Son sourire n'est qu'à moitié timide, car elle semble également heureuse d'être là, et même son anxiété évidente ne parvient pas à dissimuler ce sentiment.

— Bonsoir. Je suis Iz, elle se présente d'elle-même, puisque celui qui l'amène n'a pas l'air enclin à le faire.

— Elle est… Er… Iz est… commence alors à bafouiller le maître-chien.

Il est bien incapable de trouver le bon terme. Il prend une inspiration en regardant celle qui l'accompagne, mais ne semble pas en mesure de trouver la formulation sur laquelle la dépenser. Son cerveau est tout à coup bien vide, et il se demande pourquoi il n'a pas réfléchi à ce qu'il allait dire lorsqu'il en arriverait à ce moment précis. Sa dulcinée le laisse patauger encore un petit instant avant de venir à sa rescousse :

— Je suis sa petite amie, elle tranche en hochant la tête.

Elle doit vraiment faire un effort pour ne pas rire à l'évidente gêne de celui à son bras. Il est assez rare qu'il soit rendu muet par quoi que ce soit, et elle apprécie toujours d'entrevoir l'une de ses rares facettes vulnérables, de temps en temps. Ce n'est même pas qu'il est de ces gens qui les dissimulent particulièrement, c'est qu'il en a sincèrement peu. À tel point que, lorsqu'elles font surface, il en semble toujours surpris et bien embarrassé. Elle, elle trouve ça adorable.

— Pour de vrai ? hallucine Mae, ouvrant des yeux ronds comme des soucoupes à cette révélation.

Elle n'a jamais exactement vu son oncle avec une femme. Elle sait qu'il en fréquente beaucoup, ça n'a jamais été un secret, mais il n'en a jamais ramené une à sa famille pour autant. C'est une grande première.

— Oui, pour de vrai, Iz reprend la formulation adolescente, son sourire s'élargissant sous le coup de la cocasserie de la situation.

Sam a un bras passé autour de sa taille, sur le seuil du domicile de son frère ; il n'y a pas d'énorme doute à avoir sur la proximité de leur relation. Et pourtant, la jeune fille réagit comme si c'était la plus grosse surprise de sa vie. Ça en dit long sur l'image qu'elle a de son oncle. Il semblerait qu'il n'y ait pas qu'au commissariat que sa réputation le précède. Le contraire aurait cependant été étonnant, c'est vrai.

— Trop cool ! Papa, Oncle Sam a une copine ! annonce immédiatement la blondinette à son paternel, dans la cuisine, juste à côté.

— De quoi tu parles ? Oh, Seigneur ! C'est vrai ! l'ingénieur s'exclame à son tour en apparaissant dans le hall, s'essuyant encore les mains sur un torchon.

Ses yeux marron font plusieurs allers-retours entre son cadet et son invitée surprise, comme s'il n'arrivait pas à analyser la situation. Mae est une adolescente ; une surréaction de sa part en envisageable. Qu'un adulte la partage ne fait qu'appuyer le trait. La profileuse décide donc de prendre la parole pour ne pas tout bonnement éclater de rire :

— Bonsoir. Je suis Iz, elle se présente à nouveau.

Son cavalier est toujours interdit. Il ne prend pas ses distances, il ne bouge pas, il est juste tétanisé. Même son chien, à son pied, semble rendu perplexe par cette attitude. Et c'est d'autant plus drôle que venir accompagné était son idée. Et dire qu'il semblait si à l'aise avec, lorsqu'il l'a proposée ! C'était elle, qui était réticente, à la base. Ce retournement de situation est décidément comique.

— Enchanté ! Je suis Alek, répond le père de famille avec courtoisie, sa stupéfaction passant peu à peu.

Il dévisage son petit frère avec incompréhension, cherchant à l'interroger en silence sur les raisons d'avoir gardé l'existence de cette charmante demoiselle secrète. Pour une fois, le regard clair de Sam se défile. Ça n'est que très rarement arrivé au cours de leur vie. D'eux deux, ce n'est pas lui le timide, d'habitude.

— Je suis Mae, celle qui a ouvert la porte profite de ce petit silence pour se présenter à son tour.

— Je me suis douté. J'ai beaucoup entendu parler de vous tous, offre Iz, avenante.

— C'est intéressant, parce qu'on a rien entendu DU TOUT à propos de vous, Alek vocalise le choc de la révélation.

Tout en parlant, il tente une nouvelle fois de capter le regard de son cadet, bien que sans plus de succès qu'auparavant. Il n'en est pas agacé. Connaissant Sam, aussi inhabituel ce comportement soit-il pour lui, il devrait s'en remettre sous peu.

— Qu'est-ce qui se passe ? demande alors la voix de Markus derrière son père et sa sœur.

L'intervention de l'étudiant détourne opportunément l'attention du nouvel éclat de rire qu'Iz essaye de contenir. Elle doit placer sa main devant sa bouche, cette fois, alors c'est encore plus voyant que les précédentes. Elle n'est même pas vexée que Sam n'ait jamais parlé d'elle à sa famille. Au contraire, ça l'amuse grandement.

Alerté par le bruit de voix sur le seuil, Mark descend à son tour les escaliers.

— Oncle Sam a une copine ! répète Mae en se retournant vers son frère.

Il y a toujours autant d'enthousiasme dans sa voix et sur son visage, fendu d'un immense sourire. Iz ne retire pas sa main du bas de son visage.

— Pour de vrai ? l'étudiant reprend sans le savoir la formulation utilisée par sa petite sœur à peine plus tôt.

Il doit cependant bien constater, par-dessus l'épaule de sa cadette, qu'elle n'invente rien. Il reste en arrêt plusieurs secondes, comme si le tableau d'une femme au bras de son oncle avait du mal à se frayer un chemin dans son esprit.

— C'est probablement la pire entrée que j'ai jamais faite. De toute ma vie, finit par déclarer Sam, retrouvant sa voix.

Il secoue la tête et écarte les bras dans son état de mortification avancé. Il n'y a bien que sa compagne pour le mettre dans des états pareils. Il ne sait décidément pas ce que tout le monde trouve de si bien à la romance, si c'est pour se retrouver dans de telles situations !

— C'est marrant, parce que c'est sans doute ma meilleure ! Bonsoir, je suis Iz. Tu dois être Markus.

En ce qui la concerne, la jeune femme est tout à fait satisfaite de l'accueil qu'elle est en train de recevoir. Elle n'a pas beaucoup d'expérience en matière de rencontre de famille de partenaires, mais elle considère que ça se passe objectivement bien.

— C'est moi ! Ravi de vous rencontrer, confirme Mark.

Il imite maintenant, toujours sans le savoir, le regard qu'Alek a lancé à Sam en découvrant Iz, interrogateur. Il n'arrive pas plus à capter le regard de son oncle que son père avant lui. Il jette donc machinalement un coup d'œil à Sing ; puisque le Rottweiler semble à son aise aux pieds du couple, le neveu décide que tout va bien et que l'inconfort de son oncle ne devrait être que passager.

— Je vous en prie : entrez, le patriarche finit par avoir pitié de son petit frère, et l'invite à enfin franchir le pas de la porte, avec celle qui l'accompagne.

Alors qu'il cède la passage à Iz et son chien, Sam pressent que la soirée va être très longue. Chacun des membres de sa famille va très certainement se faire un malin plaisir de le prendre à part à la première occasion qui se présentera, pour le cuisiner à sa manière sur le sujet de sa belle. Malgré cela, il ne regrette absolument pas de l'avoir amenée. Il ne croit avoir vu aucun d'eux sourire de cette manière depuis trop longtemps. Même avant ce qui s'est passé avec Caesar, en ce qui concerne Alek. Pour un résultat comme celui-ci, il prend volontiers sur lui. Il avait bien dit qu'Iz était une bonne nouvelle. Après un tel accueil, il espère au moins qu'elle n'en doutera plus.

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