1x12 - Grandes respirations (10/16) - Sous contrôle

Pendant ce temps, chez les Quanto, Alek a jugé bon de convoquer Jena et Markus, afin de les tenir informés de ce qui lui est arrivé au matin. Même avec l'aide de Caroline, il n'y a de toute manière pas une quantité infinie d'informations supplémentaires qu'il puisse dénicher au sujet du mystérieux Docteur Vurt, fondateur de DG et instigateur de toutes sortes d'expérimentations aussi illégales qu'immorales. Et l'ingénieur ne tient pas à garder le secret plus longtemps que nécessaire à ceux qu'il concerne.

Le jeune couple est assis à la table de la cuisine, en face du quadragénaire. L'un comme l'autre reste un instant silencieux après la fin du récit de l'interaction numérique, en considérant soigneusement toutes les implications.

— Donc… le JT se trompe ? résume Markus, paumes jointes devant lui et regard dans le vide.

Il a beau être le premier à reprendre la parole, il n'arrive pas encore à bien intégrer sa déception que la tête de lance de ce qu'il pensait avoir participé à stopper coure toujours. C'était un peu le pinacle de son soulagement, en fait.

— Je ne sais pas, Markus, ne peut hélas qu'avouer son père, haussant les épaules et secouant doucement la tête.

Peut-être les médias sont-ils simplement mal renseignés. Ou peut-être ont-ils été chargés de disséminer un mensonge par la Sécurité Intérieure, sciemment ou non d'ailleurs, afin de donner un faux sentiment de sécurité à celui voire ceux qu'ils pourchassent encore. Ou un mélange de ces deux hypothèses. Il peut y avoir de nombreuses raisons à la propagation de désinformation, et toutes ne sont pas nécessairement inquiétantes.

— Ils ont dit qu'ils les avaient tous eus. Tous. Spécifiquement le leader, insiste le fils, qui était particulièrement heureux de ce détail lorsqu'il l'a entendu, supposant naïvement que couper la tête du serpent est toujours la première chose à faire lorsqu'il s'agit de neutraliser une organisation criminelle.

En toute logique, sans chef de file, aucune représailles ne devraient pouvoir être envisagées à l'encontre de son père. À l'inverse, même si seul le grand manitou s'en tire, le risque s'en voit au contraire augmenté. Rien qui vaille, en somme.

— Probablement un bouc émissaire. Quelqu'un désigné pour porter le chapeau dans une situation comme celle-ci, déduit Jena, pragmatique, elle.

Elle a pourtant été tout aussi prise de court par l'annonce d'Alek, mais son naturel moins optimiste que celui de Markus l'a poussée à ne pas crier victoire trop vite en apprenant la chute du laboratoire, ce matin. Si elle s'en est évidemment réjouie, quelque chose lui soufflait que tout ne pouvait se terminer aussi facilement, et qu'ils n'en avaient pas fini avec cette histoire.

— Et personne ne va se retourner contre ce Docteur… Vurt ? s'offusque l'étudiant, écartant les mains dans son incompréhension.

Le dilemme du prisonnier est notoire pour ne jamais être exploité comme le bon sens le plus primaire l'indique. Une fois attrapé, un coupable trahit presque systématiquement ses acolytes, et encore plus ses supérieurs, afin de réduire sa peine, peu importe combien tout le monde serait globalement gagnant si chacun gardait le silence. C'est d'ailleurs bien pour ça que les réseaux criminels les plus prospères sont familiaux ; parce qu'ils disposent d'une cohésion plus forte, suffisante pour égaler l'instinct de préservation. Or, il est très peu probable que DG soit une entreprise familiale. Comment le big boss peut-il être encore dans le vent, alors, si tous ses subalternes ont été appréhendés ?

— S'il a un patsy tout désigné, je ne pense pas qu'il aura laissé des témoins capables de l'identifier. Ou qui sont seulement au courant de son existence, continue sa petite amie sur sa lancée précédente, la tête décidément froide.

— Et un psychopathe comme ça est dehors ? Après toi ?

Mark se tourne vers son père, un pli soucieux sur le front. Si cette situation n'est pas bientôt résolue une bonne fois pour toute, il va finir par développer des rides avant l'âge.

— Sans plus aucune des ressources dont il disposait auparavant. Je ne m'inquiète pas, le rassure Aleksander, étonnamment serein malgré les circonstances.

— Bah, moi si ! n'est pas du tout apaisé son fils, qui se lève de son siège dans son agitation.

— Caroline et moi avons tracé le contact. Vurt est à l'étranger. Je ne pense pas qu'il refera surface de sitôt. Et si c'est le cas, on sera prévenus, l'ingénieur reste confiant.

— Et après qu'on a réveillé Caro ? lui oppose soudain Jena, déviant enfin du détachement qu'elle offrait jusqu'ici.

Il est certain que l'état actuel de sa sœur cadette est un gros avantage pour eux en les circonstances, mais aussi pratique ça puisse être, l'objectif n'est pas de le conserver. Il est même de s'en débarrasser le plus vite possible, en fait.

— Je prendrai le relais de sa surveillance ; malgré sa prétention, Vurt est loin d'avoir les compétences suffisantes pour me filer entre les doigts, même sans un petit fantôme dans la machine, la rassure le patriarche, qui avait bien sûr déjà envisagé cette situation.

— Est-ce qu'on peut pas le livrer aux autorités, tout simplement, avec ces éléments-là ? Les laisser s'en occuper ? suggère alors Markus, cherchant une solution plus simple à leur problème.

— Un traité de non-extradition les empêcherait de faire quoi que ce soit. Et s'ils n'ont pas été en mesure de déterrer les activités illicites de DG sans aide, alors qu'elles se déroulaient juste sous leur nez, je ne pense pas qu'ils soient en mesure d'en intercepter le fondateur lorsqu'il décidera de revenir sur le territoire, Alek ferme malheureusement la porte à cette idée.

— En plus, dès qu'on aura réveillé Caroline, on perdra la possibilité de leur filer un coup de pouce sans risque de se faire repérer, ajoute Jena.

— Précisément, confirme l'ingénieur.

— Ça ne peut pas faire de mal de leur dire qu'ils n'ont pas la bonne personne, je pense ! se permet d'insister Markus malgré toutes ces objections à sa proposition.

— J'ai considéré d'offrir mes services à la Sécurité Intérieure, mais comme j'ai été la victime directe de DG, ma participation à la traque de son fondateur serait jugée biaisée et par conséquent irrecevable, oppose une nouvelle fois son père, avec un sourire désolé.

— Eh bien… C'est nul, conclut l'étudiant, à court d'idées et pas moins inquiet qu'au moment où il a été mis au courant des menaces proférées à l'encontre de toute sa famille et lui-même.

— C'est bon, Markus. On gère, Jen se joint à l'effort d'Aleksander pour tranquilliser son fils, se levant à son tour et venant poser sa main sur l'épaule de son petit ami.

Il tourne la tête vers elle, mais n'a rien à répondre à ça. En se basant sur le calme plat de ses yeux verts en amande, il n'a qu'une envie, c'est de la croire. En se basant sur les faits, en revanche, il reste extrêmement anxieux. Il se retourne vers son père, qui lui donne à peu de choses près le même regard confiant, et il achève de se laisser convaincre. Il n'a pas tellement le choix, après tout. De tous les participants, dans cette histoire, il est bien le plus impuissant.

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