1x11 - Quitte ou double (7/15) - Empoisonnement

Après leur cours de sport, Mae a annoncé à Ellen qu'elle allait passer par l'infirmerie pour demander à Holden s'il n'aurait pas quelque chose pour sa crampe au poignet. La marginale a bien évidemment voulu l'accompagner, mais la blondinette a insisté qu'elle n'était pas vraiment invalide et qu'elle la rejoindrait très vite. Par chance, Brennen est justement passé par là à cet instant précis, sans quoi Mae ne pense pas qu'elle aurait obtenu gain de cause.

Laissant sa camarade aux bons soins du jeune reporter, l'adolescente s'est ensuite dirigée non pas vers l'infirmerie mais vers la salle de Mathématiques de Strauss.

— Maena ? le grand brun s'étonne en voyant son élève dans l'encadrement de sa porte, alors qu'elle n'a pas cours avec lui avant deux heures.

— Hey ! C'est sans doute une question bête, mais est-ce qu'il a la peau sombre et un goût prononcé pour les casquettes et les vestes de sport ? elle interroge son enseignant presque sans cérémonie.

Sa crampe au poignet est en réalité passée très vite. Ce mauvais pressentiment à la vue du mystérieux rôdeur, en revanche, lui reste en travers de la gorge. Après s'être creusé les méninges pendant chacun de ses temps morts durant son cours de sport pour se rappeler où elle l'aurait vu, elle a fini par avoir l'impression que ça avait forcément un lien avec ses nouveaux amis extraterrestres, même si elle ne saurait pas dire ce qui lui a conféré une telle conviction. D'où sa présence devant Strauss, son interlocuteur dès qu'il est question de visiteurs venus d'ailleurs.

— Pardon ? la mathématicien ne la suit évidemment pas, en l'absence de tout contexte pour la question qu'elle lui pose.

— Celui que vous cherchez, vous savez à quoi il ressemble, non ? Mae remonte un peu en arrière dans les origines de sa question.

— Oui. Mais qu'est-ce qui te fait penser qu'il correspond à cette étonnamment précise description ? Strauss se montre perplexe mais reste attentif.

— C'est… un peu bête. Il y a ce type qui traîne souvent près du lycée, et j'ai l'impression de l'avoir déjà vu ailleurs, et… Je suis parano. Je m'en rends compte. Mais je l'ai vu à travers la vitre du gymnase tout à l'heure et il m'a donné un mauvais pressentiment. J'ai juste besoin que tu me dises que c'est pas lui pour que j'arrête de me faire des films, c'est tout, elle ose pour sa part être candide avec lui.

Illustrant très bien son humeur, elle s'assoit sur la première table qu'elle trouve et passe une main dans ses cheveux. Il sourit, amusé par l'état dans lequel elle est capable de se mettre toute seule pour si peu. Les humains sont drôles, parfois.

— Kayle est blond aux yeux bleus, il la rassure calmement, ne laissant plus place au doute dans son esprit.

— Oh. Kayle. Le tueur en série venu de l'espace s'appelle Kayle ? elle ne peut s'empêcher de relever, maintenant qu'elle n'est plus persuadée d'avoir été face à face avec un serial killer, même à travers un double vitrage.

— Oui. La personne que tu as décrite est Chad, rebondit cependant son professeur, l'inquiétant à nouveau.

— Oh ! Donc tu le connais ? elle s'étonne, ne s'étant pas attendue à ça.

— Il est des nôtres, il lui apprend, toujours aussi posément.

— Je suis peut-être pas complètement folle, finalement, elle commente en riant, se disant que la coïncidence est grande qu'un inconnu qui l'effraie soit justement un extraterrestre.

— Non. Tu te souviens juste de l'avoir rencontré lorsqu'il t'a secourue, le soir de la Saint Valentin, Strauss poursuit dans ses révélations, sans sembler se rendre compte de leur énormité.

— Quoi ? De quoi tu parles ? Mae relève, le dévisageant avec les sourcils légèrement froncés.

— Le soir de la Saint Valentin, tu t'es évanouie dans la rue. C'est Chad qui t'a amenée à Ben, élabore le mathématicien d'un ton factuel.

— Quoi ? Pourquoi ? Et… pourquoi est-ce que je ne m'en souviens pas ? l'adolescente est pour sa part de plus en plus agitée et se remet debout.

— Tu as perdu connaissance à cause de moi. Cette fois où je t'ai rattrapée dans le couloir, je t'ai touchée la main par inadvertance. Dans la plupart des cas, le contact Homien/Terrien est inoffensif, mais pas toujours, Strauss continue ses explications, avec un détachement toujours aussi irritant pour son interlocutrice.

— Tu veux dire que… tu m'as empoisonnée ? elle paraphrase, espérant lui communiquer tout l'outrage qu'elle ressent à cette idée.

— D'une certaine façon, oui. Par inadvertance. Mais tout est dans l'ordre, Ben s'en est assuré, il pense l'apaiser.

— Et tu me dis ça seulement maintenant ? elle ne se calme pas le moins du monde.

— Tu n'étais pas censée te souvenir de quoi que ce soit, il se justifie simplement, sans comprendre à quel point ce n'est pas une excuse acceptable.

— Qu'est-ce qu'il y a d'autre que j'ignore ?! elle monte d'un ton, sa voix se perdant presque dans des aigus inhabituels.

— Probablement beaucoup de choses, il répond naïvement, la prenant au pied de la lettre.

— Ne joue pas sur les mots ! Qu'est-ce que vous m'avez pas dit qui me concerne ? elle insiste, levant temporairement les bras au ciel avant de les croiser à nouveau.

— Rien qui ne me vienne à l'esprit pour le moment, il semble enfin commencer à remarquer l'énervement de son interlocutrice.

— Génial ! elle éclate, jetant une nouvelles fois les mains en l'air, exaspérée.

— Maena, calme-toi, il lui propose, inconscient que c'est la dernière chose à dire à quelqu'un pour qu'il le fasse effectivement.

— Non ! Je sais pas comment ça se passe chez vous, mais sur Terre, on n'efface pas la mémoire des gens comme ça ! Ça se fait juste PAS ! elle essaye de lui expliquer, toujours furibonde.

— C'était pour ta protection. Tu ne pouvais pas apprendre notre existence, il justifie de ses actions, clair dans sa tête.

— D'accord… Mais une fois que c'était fait ? est toute la compréhension que l'adolescente est en mesure de rassembler, parvenant par miracle à ramener sa voix à une hauteur normale.

— Ce n'était pas pertinent, il répond, achevant de la convaincre qu'il ne se départira jamais de son calme et qu'elle n'arrivera donc pas à lui faire comprendre ce qui ne va pas dans la situation présente.

— Flash info : empoisonner quelqu'un avec un truc de l'espace est toujours pertinent ! elle lui lance alors, avant de tourner les talons.

Il n'a rien le temps de répondre qu'elle a déjà quitté la pièce, hors d'elle.

Comment a-t-elle pu penser qu'elle avait la situation sous contrôle ? Comment est-ce qu'elle a pu se dire que le caractère extraterrestre de son prof de Maths et la raison de sa présence ainsi que celle de ses comparses étaient des éléments desquels elle n'avait plus à s'inquiéter ? Elle se sent si stupide. Elle s'est imaginé qu'elle pouvait se focaliser sur les blessures de son père et l'accident de Rob, et considérer le reste de ses préoccupations comme classées. Quelle idiote ! Rien ne sera jamais plus normal. Des visiteurs venus d'ailleurs ne seront jamais quelque chose de banal. Définitivement pas de son vivant, en tous cas. Et quand bien même, comment est-ce qu'elle a pu leur faire aussi aveuglément confiance de toute façon ? Son oncle enquête sans doute sur Kayle, à la tête qu'il a tiré lorsqu'elle l'a interrogé sur le sujet des tueurs en séries, après avoir appris la présence de celui-ci en ville. (Sam est usuellement un bon menteur, mais il a une légère faiblesse pour ses neveux et sa nièce.) Et si l'inspecteur est affecté à cette affaire, il est en grave danger, puisqu'elle n'a finalement aucune raison de croire que les aliens vont réussir à capturer leur congénère. Ils n'y sont après tout pas parvenu jusqu'ici, et ça semble pourtant faire un petit moment qu'il sévit.

Rageuse, Mae ne parvient qu'in extremis à retrouver un semblant de contenance avant de tourner à l'angle du couloir dans lequel l'attend Ellen, devant l'une des entrées du réfectoire. Elle ne doit sans doute qu'au fait que la marginale se remet encore de son entrevue avec Brennen et ses grands yeux qu'elle ne remarque pas toute la tension dissimulée derrière son sourire.

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