1x11 - Quitte ou double (6/15) - Point de repère

Rentrée bredouille d'une visite chez la brigade cyber, localisée dans ses propres locaux en ville, Iz se dirige directement vers la salle de détente une fois son commissariat d'appartenance retrouvé, fourbue.

Il aura fallu presque toute la matinée à toute une bande d'informaticiens pour lui apprendre qu'ils n'avaient strictement rien trouvé : aucune trace d'effraction numérique n'est à signaler, dans aucun des serveurs où se trouvaient les dossiers auxquels Eugène a forcément eu accès pour prendre certaines de ses victimes pour cible. Au moins, l'enquête aura permis de mettre à niveau certaines mesures de sécurités et à jour certains systèmes. Il faut bien voir le positif dans un rapport aussi décevant…

— Dr. Jones, l'agent Denton interpelle la jeune femme alors qu'elle pénètre dans sa pièce implicitement attitrée.

— Chuck ! Bonjour, elle lui rend sa salutation, avec un grand sourire, une fois la surprise de sa présence passée.

Elle ignore totalement comment elle a pu manquer un grand blond en chemise adossé à une table dans une si petite salle, mais comme ce n'est pas la première fois, elle ne s'en formalise plus. Cet homme a de sacrés dons de camouflage.

— J'ai vu que votre initiative du portrait-robot s'était avérée payante. Félicitations, il lui accorde.

— C'était mon idée, oui, mais nos inspecteurs ont fait le gros du travail, elle reste humble face aux congratulations.

C'est aussi un peu sa manière de cacher sa déception, puisque l'image n'est pour le moment pas encore aussi utile qu'elle l'aurait espéré, et ne le sera pas avant l'obtention d'un rayon de recherche d'Eugène plus restreint que l'entièreté de la ville de Chicago.

— Ce n'était pas mon intention de manquer de respect à votre travail d'équipe, bien entendu, se rattrape l'agent en baissant brièvement la tête avec humilité.

Il semble percevoir son trouble malgré ses efforts pour le dissimuler. Elle avait déjà remarqué à quel point il est perceptif dans son genre. Elle se demande alors pourquoi elle hésite à lui confier ses doutes, puisqu'ils travaillent ensemble sur l'affaire.

— J'espère juste que ça va porter ses fruits. Même en connaissant son visage, il reste particulièrement élusif, elle avoue.

— Ça pourrait le faire s'enterrer, propose le presqu'albinos, sans qu'elle sache s'il s'agit d'optimisme ou de pessimisme.

— Et ensuite, quoi ? elle lui demande, sachant que les chance de capturer un suspect une fois qu'il a décidé de se faire discret sont drastiquement réduites.

— Au moins il arrêterait de tuer, il souligne le caractère positif de l'éventualité qu'il vient de mentionner, confirmant qu'il essayait de voir le bon côté des choses.

— J'apprécie votre optimisme. Est-ce que vous voulez un café, tant que vous êtes là ? elle lui offre alors, hospitalière et aussi voulant changer de sujet.

— Non, merci. J'ai bien peur de mal le tolérer, il refuse poliment.

Elle plisse les yeux, se demandant quel peut être son breuvage de prédilection. De prime abord, elle a tout de suite pensé qu'il serait quelqu'un qui boit du thé. Sauf que, même s'il n'a jamais refusé une tasse qu'elle lui aurait préparée, il a à chaque fois tiré une grimace qui ne laissait aucun doute quant à son opinion, aussi discrète il ait tenté de la conserver. Iz pensait avoir épuisé toutes les variétés, mais voilà qu'il ne prend pas de café non plus. Et elle a du mal à l'imaginer boire du chocolat chaud. Enfin et surtout, elle n'a jamais vu un enquêteur ne rien prendre, ne serait-ce que par manie. Charles Denton est décidément quelqu'un de bien étrange.

— C'est sans doute indiscret, et vous n'êtes pas obligé de répondre, mais d'où est-ce que vous venez, exactement ? elle ne peut soudain plus se retenir de l'interroger, pour une fois qu'elle est seule à seule avec lui et qu'ils ne sont pas plongés dans le travail.

— Pourquoi cette question ? il s'étonne, avec un léger mouvement de recul du menton.

— Il y a cette légère intonation dans votre accent que je n'arrive pas à placer, elle se justifie timidement.

Elle a suivi un séminaire d'analyse linguistique, dans le cadre de sa formation de profileuse, et est d'ordinaire plutôt douée pour déterminer les origines de la personne qui lui parle. Elle a cependant bien dû s'avouer vaincue en discutant avec son nouveau collègue. Et ce mystère la taraude encore plus que sa boisson chaude fétiche.

— Bonne oreille. J'ai beaucoup voyagé étant enfant, il répond enfin à sa question, à la fois suffisamment et qu'à moitié seulement, comme souvent.

— Oh ! C'est là que je l'ai entendu ! Iz s'exclame alors, avec un soulagement visible, ayant enfin mis le doigt sur ce qui la chipotait avec sa façon de parler.

— Pardon ? ne la suit pas son interlocuteur.

— Je savais bien que j'avais déjà entendu une prononciation similaire quelque part ! Il y a un mois j'ai interviewé un adolescent avec une façon de parler semblable. C'est un fils d'ambassadeurs, donc il a lui aussi grandi un peu partout dans le monde, elle explique, parlant évidemment de Jack.

L'élocution du jeune homme ne l'avait pas interpellée car elle connaissait son dossier, tout simplement.

— Vous avez interrogé un adolescent ? relève l'agent, curieux.

— Plus d'un, à vrai dire. J'ai eu à mener une cellule de crise dans un lycée, suite à une prise d'otages, elle donne un contexte sommaire à l'évènement.

— Walter Payton, il la surprend cependant en voyant ce à quoi elle fait référence.

— Vous en avez entendu parler ? elle ne cache pas son étonnement, haussant les sourcils.

— Par le dossier des responsables. Ils sont parmi les victimes de… Eugène, répond Chuck, hésitant sur le prénom donné au tueur en série.

— Vous n'êtes pas obligé d'utiliser ce surnom. J'ai juste eu besoin de l'humaniser dans ma tête, et c'est resté lorsque j'ai fait mon compte rendu, elle lui fait grâce du sobriquet dont elle a affublé le dangereux criminel qu'ils pourchassent ensemble.

Il est loin d'être le seul à avoir du mal à s'y faire, de toute façon.

— Je trouve que c'est bien trouvé, en vérité, proteste pourtant l'agent.

— Eh bien… Merci, elle ne peut que répondre, ne sachant pas trop comment prendre un tel compliment.

— En parlant de ce lycée, je viens de voir que l'un de vos inspecteurs pensait qu'il avait peut-être un lien avec notre homme, rebondit alors opportunément l'agent, expliquant enfin sans le savoir la raison de sa présence dans la pièce.

— Oui ! Leur meurtre a été plus sanglant que tout autre dans sa liste, et la punition semble disproportionnée par rapport au crime commis, Iz confirme ce qu'il a dû voir du rapport en cours de Patrick.

— Est-ce qu'il a été considéré que peut-être ces hommes avaient été choisis pour un autre de leurs forfaits ? suggère alors le grand blond, la prenant de court.

— Er… Je ne crois pas. Mais autant que je sache leur dossier était vierge avant leur arrestation, elle répond, plissant les yeux en essayant de se souvenir de ce qu'elle a lu au sujet des mercenaires lors de sa préparation pour la cellule de soutien psychologique.

— Je pense que je vais essayer de voir si je ne peux pas les lier à autre chose par mon agence. Peut-être une affaire ouverte, ou même confidentielle, propose alors Denton.

— Bonne idée ! J'ai rendez-vous avec le laboratoire, cet après-midi, de toute façon, elle l'informe de ses propres perspectives pour la journée, même s'il n'a aucune raison de penser qu'elle est incapable de travailler sans lui.

— Bonne chance, alors, il prend congé, la saluant du chef puis attrapant sa veste, qu'il avait accrochée au mur.

— Vous aussi, elle lui renvoie alors qu'il s'engouffre dans l'encadrement, son vêtement toujours à la main.

C'est frustrant, mais apprendre qu'il a grandi à travers le monde la laisse finalement avec encore plus de questions à son sujet qu'auparavant. En plus, comme il est de la Sécurité Intérieure, elle ne peut même pas fouiner un peu, l'air de rien, dans son dossier. Elle n'a même pas accès à ses états de services, bien qu'elle les soupçonne glorieux, après avoir travaillé avec lui cette dernière semaine. Elle s'en veut un peu d'être aussi curieuse, surtout envers un collègue si compétent, mais elle ne peut pas s'en empêcher.

Secouant la tête pour se dissuader de creuser plus loin à ce sujet, elle se dirige vers la surface intelligente la plus proche afin de synchroniser les rapports de la brigade cyber qu'elle vient de récupérer, aussi peu concluants soient-ils, avec le dossier principal de l'enquête. Ensuite, elle rejoindra Randers et Quanto pour le déjeuner, parce qu'elle a bien besoin d'une pause, et ne doute pas qu'eux aussi.

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