1x11 - Quitte ou double (4/15) - Enquête parallèle
Depuis l'accident de Robert au bar, Markus n'a pratiquement pas quitté son chevet. Malgré toute la compassion dont il est capable, il s'est vite rendu compte qu'il n'aurait jamais pu imaginer à quel point ce qui est arrivé à Caroline a été éprouvant pour Jena. Et dire qu'on lui a interdit de voir sa sœur pendant de longues semaines, alors que rien qu'aller en cours ou rentrer chez lui emplit déjà l'étudiant en médecine d'une culpabilité insurmontable.
Ainsi, avec la permission des Gleamer, il a passé plusieurs nuits dans une chaise à côté de son meilleur ami inconscient. Il a également choisi de déplacer toutes ses sessions de révisions dans sa chambre d'hôpital. Il se sent de toute façon bien incapable d'affronter la bibliothèque seul ; tout ou presque là-bas lui rappelle ce qui s'est passé et à quel point les conséquences en sont graves.
Quelques petits coups discrets à la porte ouverte de la pièce font soudain lever la tête au jeune homme de la tablette sur ses genoux. Il accorde ensuite un pâle sourire à la nouvelle arrivante, qui glisse ses mains dans les poches de son pantalon tout en s'appuyant au chambranle :
— Hey, le salue sa petite amie, lui rendant son expression.
— Hey, il lui renvoie.
— Comment ça va ? elle s'enquiert, s'inquiétant presque autant de son état que de celui du comateux entre eux.
Elle sait qu'elle ne peut rien faire pour Rob, mais ça n'a rien à voir avec le sentiment d'impuissance que Mark lui inspire à chaque fois qu'elle le voit assis dans cette chaise. Et le fait qu'elle se sente également on-ne-peut-plus responsable de la situation conjointe des deux camarades n'arrange rien. Pourquoi est-ce qu'elle n'a pas détruit cet anneau dès qu'Alek en a eu fini avec ? Pourquoi est-ce qu'elle l'a tendu pratiquement sans réfléchir à Bob lorsqu'il le lui a demandé ? C'est pour cette raison qu'elle n'ose pas venir ici plus d'une fois par jour, et jamais pendant bien longtemps ; elle n'a pas plus de facilité à faire face à l'un qu'à l'autre des deux étudiants.
— Il aurait adoré ça, répond simplement Markus, désignant du doigt ce qu'il est en train de réviser et dont il a suivi le cours la semaine passée.
— Il me manque aussi. De plus en plus, en fait, la brunette lit entre les lignes, avant de se détacher de l'encadrement de la porte et enfin s'avancer dans la pièce.
— Tu veux me déprimer ou me remonter le moral ? lui demande alors Mark, sans perdre son sourire pour autant.
Il ne la blâme pas pour ce qui s'est passé. Ce n'est pas elle qui a conçu cet anneau de malheur. Et elle ne pouvait pas savoir que ça fonctionnerait sur Robert, alors que le composé catalytique identifié par son père est supposé être rarissime. Alek n'a d'ailleurs toujours pas réussi à déterminer la combinaison de produits qui a bien pu conduire à sa synthèse sur la peau des deux victimes du gadget, autant qu'il sache.
— Deuxième option. J'ai peut-être une idée de comment faire tomber DG, annonce Jena, passant sans transition des trivialités aux choses sérieuses.
— Quoi ? ne la suit pas son interlocuteur, fronçant les sourcils.
— Disons que, depuis qu'on a décrypté ces documents, j'ai… discuté avec Caroline. En quelque sorte, elle poursuit ses révélations, les mains toujours dans les poches, pesant visiblement ses mots avec soin.
— Discuté ? relève Mark, posant enfin ce qu'il a sur les genoux sur le meuble à côté de lui, avant de quitter son siège.
— Après qu'on a découvert le mot de passe pour accéder aux documents, je me suis connectée sur notre ancien relais de communication et je me suis mise à lui écrire. Je sais pas pourquoi, peut-être que je percutais seulement qu'elle n'était pas complètement partie. Au début je me suis sentie bête, mais petit à petit, j'ai commencé à obtenir des réponses. Ça ne veut pas toujours dire grand-chose, parce que je crois qu'elle a beaucoup plus de facilité à lire qu'à écrire, mais ça va en s'améliorant, lui raconte sa petite amie avec sobriété, appréhendant un peu sa réaction.
— C'est… génial. C'est une super nouvelle ! Est-ce que… elle va bien ? il demande dès qu'il se rend compte des implications de ce qu'elle est en train de lui dire, s'approchant d'elle.
— Du peu que j'ai compris, oui. Mais aussi contente ça me rende, ce n'est pas ça le plus important dans l'immédiat, Jen s'efforce de ne pas dévier de ce qu'elle est venue lui annoncer.
— Est-ce qu'elle… a vu Rob ? s'enquiert alors timidement Markus, avec un regard furtif pour son ami, allongé à proximité, en apparence inconscient.
— Je lui en ai parlé, mais je n'ai pas réussi à comprendre ce qu'elle me disait sur le sujet. Désolée, le détrompe Jena, non sans un regard compatissant, s'en voulant de l'avoir amené à se faire de faux espoirs.
— Alors, c'est quoi la bonne nouvelle ? il arrête d'essayer de deviner, pas agacé, simplement assommé par la fatigue émotionnelle accumulée ces derniers jours.
— Je suis à peu près sûre que Caro file un petit coup de pouce à l'enquête sur l'agression de ton père, dévoile enfin Jena.
— Elle s'en mêle ? Elle ne devrait. C'est trop risqué, s'exclame immédiatement Markus, secouant vivement la tête à la négative.
La petite brune sourit à cette preuve d'abnégation. Neutraliser le laboratoire d'où est sorti l'anneau est une priorité pour tout le monde, notamment son père qui est encore en danger, et pourtant le jeune homme persiste à vouloir protéger quelqu'un d'autre. Qui risque moins gros à ce stade, puisque personne n'est au courant de son existence.
— C'est ce que je pense aussi, mais en dehors du fait que c'est difficile de raisonner avec elle dans ces conditions, je ne pense pas qu'ils arriveront à quoi que ce soit sans elle, Jen défend l'action de sa frangine un peu malgré elle.
— Qu'est-ce que tu en sais ? Mark s'enquiert.
— Apparemment, les tatouages que ton père a entrevus ont permis de remonter à une paire de mercenaires para-gouvernementaux désavoués. Et des gars comme ça ne se refont pas un carnet d'adresses en quittant le service, si tu vois ce que je veux dire, commence à expliquer la brunette.
— Donc… tu penses que DG les aurait engagés par le passé pour des affaires officielles, et qu'ils font à nouveau appel à eux maintenant pour régler un problème officieux ? le jeune homme s'assure qu'il comprend effectivement où sa copine veut en venir, après un instant de pause pour justement intégrer ce qu'elle venait de dire.
Pour le moment, il ne voit pas l'obstacle à la résolution de l'enquête par les autorités concernées. Au contraire, s'il existe une connexion directe entre DG et les trois hommes qui ont passé son père à tabac, c'est plutôt une bonne chose, non ?
— C'est ça. Mais le souci, c'est que ces types ont une liste d'anciens employeurs longue comme le bras. Et comme DG a déjà échappé à l'inspection gouvernementale, être noyés dans une masse ne va que les aider à encore une fois passer entre les mailles du filet, confirme Jena, tout en soulignant dans un second temps à quel point le lien qu'ils savent être le bon va en réalité être difficile à établir par les enquêteurs.
D'où la nécessité de l'intervention de sa sœur, sans doute. Mais au risque de se faire repérer ? Il y a forcément plus de complexité qu'il n'y paraît dans l'idée que Jen est venue lui exposer aujourd'hui. Impliquer l'adolescente est justement ce qu'ils voulaient éviter à tout prix en premier lieu.
— Pourquoi j'ai l'impression que tu vas proposer quelque chose pour qu'ils ne puissent pas se cacher cette fois ? devine le futur médecin, avec une grimace d'appréhension.
— Parce que c'est le cas, répond la brunette avec un nouveau sourire, bien moins timide que celui qu'elle avait en entrant.
L'aîné de trois soupire mais se résigne. Négocier avec Jena est proche de l'impossible. Elle obtient toujours gain de cause, même quand il n'y a pas de conflit ouvert. Et quand c'est le cas, c'est encore pire. Si elle a une idée en tête, Mark sait qu'essayer de l'en défaire n'est pas une utilisation productive de son temps, quels que soient ses arguments. Et clairement, s'il ne l'a pas vue du week-end, ce n'est pas seulement parce qu'elle voulait lui laisser de l'espace mais aussi apparemment parce qu'elle mijotait ce qu'elle s'apprête à lui présenter. Ainsi soit-il, ce ne sera ni la première ni la dernière fois qu'il la laissera mener la danse.
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