1x10 - Chaussons de verre (7/18) - Gratitude

Alors que Caesar va pour entrer en cours d'Allemand, l'une des rares matières où Jack ne l'accompagne pas, il ne se rend pas compte qu'une autre personne essaye d'en faire de même au même moment, faute d'avoir les yeux baissés vers le sol entre ses baskets. Les deux adolescents se tapent les épaules et reviennent par conséquent immédiatement en arrière, avec des exclamations partagées entre la très légère douleur de l'impact et surtout la surprise.

— Oops, désolée. Oh, Caesar ! s'écrie la jeune fille bouclée en face du grand brun, vraisemblablement tout aussi distraite que lui un instant plus tôt, sans quoi elle l'aurait pour sa part vu arriver.

— Er… Salut, Margery, il salue sa collègue, pris au dépourvu par son enthousiasme à son identité, l'exclamation trop marquée pour ne relever que de l'étonnement.

— Je suis contente de te voir ! elle continue sur sa lancée incongrûment enjouée.

— On vient littéralement de passer trois heures de cours ensemble, il lui fait remarquer, haussant un sourcil dans son incompréhension.

— Oui, non, mais face à face, je veux dire, elle sourit et remet l'une de ses mèches frisées derrière son oreille, amusée car comprenant tout à coup qu'il ne peut en effet pas savoir pourquoi elle si réjouie par sa présence.

— Pourquoi ? il s'enquiert, sincèrement perdu.

— Parce que je voulais te dire merci, elle commence enfin à s'expliquer.

— Pour… t'avoir fait t'évanouir en cours de bio ? il essaye de se souvenir de sa dernière interaction avec elle, qui a été de la regarder tomber de sa chaise alors qu'il était en train d'évoquer la gestion d'une hémorragie par le corps humain.

Il est encore à ce jour infiniment soulagé qu'elle ne se soit pas fait mal en tombant, et soit rapidement revenue à elle. Sa chute aurait pu être bien plus grave qu'elle ne l'a été.

Elle s'esclaffe à ce souvenir qui visiblement ne la travaille pas trop, elle.

— Ha ! Non. Enfin, maintenant que tu le dis, si, un peu, peut-être. Mais je pensais plutôt pour m'avoir sauvé la vie, en fait, elle le corrige aussi gentiment que maladroitement.

— Oh… Ça… De rien, il percute enfin qu'elle parle de l'Incident et se rembrunit légèrement.

— Je sais que c'était pas personnel. Tu l'aurais fait pour n'importe qui d'autre, très certainement. Mais ça devrait pas me retenir de te remercier, Margery élabore devant son air embarrassé.

— Il n'y a pas de quoi, vraiment, il insiste, se forçant à sourire et hocher la tête.

Ça ne l'a effleuré à aucun moment qu'elle puisse lui être reconnaissante de ce qu'il a fait. Et maintenant qu'elle l'est, il se demande pourquoi il ne l'a jamais envisagé, puisque ça n'a rien d'une réaction absurde de la part de la jeune fille. Qu'est-ce qui cloche, chez lui ?

— Et pour ce qui est de mon petit épisode en bio la semaine dernière, je suis pas sûre que ça ait exactement été votre faute à Jack et toi, mais dans tous les cas ça m'a aidée à me rendre compte de la gravité de ma situation, donc j'en suis quand même reconnaissante, indirectement, elle continue à parler, alors qu'il n'a pas l'impression d'avoir quoi que ce soit à ajouter pour sa part.

— Je suis content que tu ailles mieux, il lui propose, pas très inspiré mais honnête.

— Oui. Je me reprends en mains. Je me force à manger normalement et je m'investis dans le comité du bal de fin d'année, aussi, pour me changer les idées, elle lui expose sa thérapie, visiblement enthousiaste.

— C'est cool, est tout ce qu'il trouve à répondre, de plus en plus mal à l'aise.

— Est-ce que… toi ça va ? sa camarade retourne tout à coup la conversation vers lui, percevant enfin toute l'ampleur de sa gêne.

— Oui, bien sûr, il répond aussi rapidement que laconiquement, hochant la tête avec ferveur.

— Je suis désolée si t'avais pas trop envie de ramener tout ça sur le tapis. Ma démarche est un peu égoïste, je m'en rends compte, elle est suffisamment lucide pour admettre finalement, avec une grimace d'excuse.

— Il y a pas de mal. Je suis vraiment content que tu t'en remettes, il se répète, toujours sans mentir, même si ça reste une platitude.

— Moi aussi. Je voyais que ça allait pas, mais il a apparemment fallu que je touche le fond pour commencer à réagir, elle renchérit, ayant visiblement besoin de parler.

— Er… On devrait aller en cours, il lui fait alors comprendre avec autant de diplomatie que possible qu'il a donné tout ce qu'il était capable de donner à cet échange.

Elle pourrait s'adresser à pratiquement n'importe qui d'autre, aussi bien à Walter Payton qu'en dehors, à commencer par Holden. Caesar est sincèrement content qu'elle aille mieux, et parler de l'Incident ne le dérange effectivement pas vraiment ; néanmoins, ils n'ont jamais été amis auparavant, alors évoquer des choses aussi personnelles avec elle lui fait un drôle d'effet. En y réfléchissant bien, indépendamment du sujet, c'est sans doute même tout simplement la plus longue conversation qu'ils ont eue depuis qu'ils se sont rencontrés, au début du lycée, il y a presque quatre ans maintenant, ce qui rend finalement la situation doublement étrange.

— Bien sûr ! Margery accepte évidemment sa décision, se rendant compte qu'elle abuse de la gentillesse du grand brun, ce qui était bien la dernière de ses intentions.

— Après toi, il se montre galant, lui cédant le passage d'un geste du bras, soulagé qu'elle n'insiste pas.

— Merci, elle lui dit une dernière fois, avant d'entrer dans la classe.

Il lui emboîte le pas et va comme elle s'asseoir à sa place habituelle dans la pièce, s'efforçant de chasser ce qui vient d'être dit de son esprit. De son côté, elle s'applique à ne plus trop se tourner dans sa direction après ça, de peur d'aggraver le malaise qu'elle a créé bien malgré elle. Ils suivent ainsi tous les deux, à l'instar du reste de leur classe, leur cours de langue germanique avec autant d'attention qu'ils en sont capables.

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