1x10 - Chaussons de verre (18/18) - Cavalerie

Après avoir tenu compagnie à son frère pendant qu'il rapportait l'incident survenu à son laboratoire aux agents de sécurité du site, non sans serrer secrètement les dents à toutes les omissions qu'il a repérées et se parjurant lui-même, en leur affirmant qu'il est celui qui l'a convaincu de venir leur parler malgré sa méfiance des militaires suite au comportement de ses assaillants, Sam est revenu au commissariat. Il se doutait qu'en son absence Iz aurait eu le temps de briefer Patrick sur ce qu'ils auraient à apporter à l'effort de recherche d'Eugène, et il était désireux de rattraper son retard le plus vite possible. Lorsqu'il est arrivé, la jeune femme était en fait carrément toujours assise sur le bord de son bureau, encore en pleine discussion de son analyse avec son coéquipier. Les deux lui ont rapidement fait part de leurs avancées ensemble, puis l'ont invité à se joindre à la réflexion.

Alors que Randers est resté sur son idée d'un lien personnel entre Walter Payton et le tueur, et s'escrime donc à éplucher à nouveau chacun des dossiers des victimes de la prise d'otages, et qu'Iz et Sam tentent de déterminer ensemble s'il n'y a pas plus de logique qu'il n'y paraît dans le camouflage de la signature sur chaque scène de crime, mystère qu'elle n'a pas su percer seule jusqu'ici, l'ombre d'une silhouette fait son apparition sur le plan de travail du trio. Ils lèvent tous la tête vers le grand homme blond presque albinos qui vient de s'approcher d'eux.

— Je peux vous aider ? Sam interroge.

Mains dans les poches de son costume trois pièces, l'inconnu sourit à l'accueil qu'on lui accorde. Il écarte ensuite un pan de sa veste afin de retirer de sa poche intérieure un écusson sur lequel figure un aigle brandissant dans une patte une branche d'olivier et dans l'autre un paquet de flèches.

— Avec de la chance, nous devrions pouvoir nous aider mutuellement. Charles Denton, Sécurité Intérieure, il se présente avec cérémonie.

— Sécurité Intérieure !? Qu'est-ce qui vous amène ? Patrick poursuit l'échange, pendant que Sam plisse les yeux en cherchant à se souvenir où il a déjà vu cet homme auparavant.

Son chien partage étrangement son expression perplexe à l'intention du nouveau venu, tête penchée sur le côté.

— Votre affaire de tueur en série, bien sûr, répond posément le grand blond, en rangeant son badge là d'où il l'a tiré d'un geste fluide.

— Est-ce que le Bureau d'Enquête Fédérale ne se charge pas de ce type d'affaires, usuellement ? intervient Iz, elle aussi perplexe quant aux qualifications de leur visiteur.

Un autre détail surprenant est la rapidité avec laquelle il a rejoint leur force de frappe, formée le matin-même. Mais la profileuse a après tout soumis son rapport préliminaire le Vendredi précédent, et un week-end est sans doute amplement suffisant pour briefer et envoyer un agent.

— Vos critères de recherche ont mis en évidence une implication de votre assassin dans des affaires à caractère sensible, l'agent répond à sa question, avec un sourire poli, indiquant implicitement qu'ils n'auront accès auxdits dossiers qu'en temps voulu.

— Ce type de détail pourrait changer mon profil. Est-ce que vous pouvez m'en dire plus ? la jeune femme est fortement intéressée par cette révélation.

Elle est consciente qu'elle n'a certainement pas trouvé toutes les affaires liées à Eugène. Et plus elle aura de données, plus le portrait du tueur se fera précis. S'il a commis des crimes à motivation idéologique, au point d'attirer l'attention de la Sécurité Intérieure, en plus de ses meurtres à motivations pour ainsi dire purement scientifiques, cela apporterait non seulement une toute nouvelle dimension au personnage mais pourrait aussi et surtout éventuellement permettre de l'identifier.

— J'ai bien peur que non. Mais je tenais à vous féliciter pour l'humanité de votre analyse, Docteur Jones, le grand blond reste très secret, avant d'enchaîner sur un compliment pour le moins inattendu.

— Humanité ? s'étonne la jeune femme, tandis que ses deux collègues derrière elles sont quant à eux surpris que l'agent connaisse déjà son nom.

— Vous avez su trouver de bonnes intentions à un tueur sanguinaire. Je ne pensais pas que c'était possible, élabore Charles, comme de la révérence dans son ton.

— Vous n'êtes pas d'accord ? elle lui demande, son expression faciale trop peu claire pour qu'elle le devine.

— Si. Pleinement. Mais en lisant votre rapport je ne m'attendais pas à une conclusion si… clémente, il continue d'exposer sa pensée avec une placidité à la fois apaisante et dérangeante.

— Apparemment, vous connaissez déjà Iz. Je suis l'inspecteur Quanto et c'est mon partenaire, l'inspecteur Randers, Sam choisit ce moment pour se présenter, ainsi que son équipier.

Clairement, l'agent est venu voir la profileuse, pas eux, mais s'il compte participer à cette enquête, il va bien falloir qu'ils travaillent ensemble. Aussi, l'oncle ne préfère pas qu'on s'étale sur les qualités d'Eugène, jugeant qu'aucune ne pourra jamais racheter ses actes.

— Content de faire votre connaissance. J'ai en effet été envoyé en mission d'appoint pour le profilage du tueur, mais je serais ravi de vous assister dans vos démarches également, si ça peut vous être utile, le grand blond accepte les introductions et se porte volontaire.

— Très bien. Bienvenue au dix-huitième, alors, Agent Denton, Patrick l'accueille donc enfin à proprement parler.

— S'il vous plaît, appelez-moi Chuck, rebondit leur nouveau collègue, charmant.

Sans sommation, Sing Sing bondit soudain sur ses pattes et se met à grogner sur le grand blond, babines retroussées et oreilles baissées. Sam l'admoneste immédiatement et l'animal se dérobe, filant s'asseoir de l'autre côté de son maître, à l'opposé du nouveau venu. Il a arrêté de gronder mais semble toujours méfiant vis-à-vis de l'agent.

— Je suis désolé. Je ne sais pas pourquoi il ferait ça, Sam s'excuse pour son chien, perplexe à son comportement.

En vérité, ça fait plusieurs fois que le Rottweiler agit curieusement, ces dernières semaines. Il est parti renifler cet arbre devant Walter Payton, après la sortie des otages, alors qu'il est assez rare qu'il quitte son maître sans bonne raison. Il a aussi aboyé sur Mae, ce qu'il n'avait absolument jamais fait auparavant, même par jeu. Et maintenant ça. Il n'est ni activement agressif ni désobéissant mais l'inspecteur s'inquiète quand même de ses écarts de conduites. Il se demande s'il ne s'ennuierait pas tout simplement, mais ça lui semblerait une réaction excessive à une situation aussi simple.

— Ce n'est pas grave. Les chiens ne m'ont jamais aimé, Denton excuse cependant instantanément le molosse, avec la réponse la plus inattendue qu'il soit, faisant d'ailleurs hausser les sourcils aux trois membres de son auditoire.

Qui admet volontairement que les chiens ne l'aiment pas ? C'est pratiquement équivalent à se pointer du doigt tout seul comme suspect. Mais d'un autre côté, il faut par conséquent saluer l'honnêteté du nouvel arrivant, dont la confession ne le montre effectivement pas sous son meilleur jour. À ce stade, son ambivalence semble donc être sa caractéristique la plus marquante. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il est difficile à cerner. Il ne reste qu'à espérer que ça lui confère une certaine efficacité d'investigation.

Épisode suivant >

Commentaires