1x10 - Chaussons de verre (1/18) - Réveil

La douceur des draps de coton sur sa peau nue. La chaleur humaine d'un corps étendu à côté d'elle, accompagnée des battements paisibles d'un cœur, de toute évidence plus sportif que le sien, qui résonnent sourdement sur le matelas qui les supporte tous les deux. Des odeurs nouvelles, et pourtant déjà si familières. La vue d'une chevelure courte et sombre. Les contours d'une mâchoire carrée, mangée d'une barbe sempiternellement de trois jours. Une poitrine masculine qui se soulève au rythme régulier d'une respiration normale, et barrée d'une cicatrice en fuseau sur le côté droit, au niveau de la neuvième côte, et marquée d'une autre, circulaire, à peine plus loin, en plein dans le muscle oblique.

À plat ventre aux côtés de Sam encore endormi, Iz attend impatiemment qu'il se réveille enfin.

En appui sur ses coudes, sa chevelure brune dégringolant sur ses épaules nues, elle se mordille la lèvre inférieure, cherchant la meilleure stratégie pour tirer son partenaire de son sommeil sans qu'il ne le prenne mal.

N'y tenant plus, elle finit par s'approcher doucement de lui et délicatement souffler dans son cou. Au râle qu'il laisse échapper, la manœuvre a été efficace. Elle sourit à son succès, et les lèvres de sa victime s'étirent bientôt elles aussi.

- J'espère que c'est important, il grogne sans ouvrir les yeux.

- Je vais donner le profil aujourd'hui, elle lui annonce avec excitation, plaçant ses mains devant sa bouche comme une enfant qui aurait dit son premier gros mot.

- Quoi ? il s'étonne, ouvrant enfin les paupières quoique gardant son regard dirigé vers le plafond.

- J'ai suffisamment d'éléments. J'en ai parlé au capitaine Vendredi, et j'ai passé le week-end à peaufiner ma présentation, et je fais ça ce matin, elle élabore son annonce initiale, retirant ses mains de devant sa bouche mais se pinçant les lèvres.

- Oh. Ça explique ta bonne humeur d'hier soir, Sam commente avec une moue impressionnée.

Elle frappe son épaule, ce qui a pour seul effet de l'amuser. Il ne lui a pas fallu longtemps pour se rendre compte que ce geste était futile, mais elle n'a pas encore suffisamment assimilé à quel point pour s'en retenir lorsqu'il lui semble approprié. À défaut de réellement ressentir l'effet punitif escompté, l'inspecteur tourne tout de même enfin la tête vers elle, ce qu'elle prend comme une victoire. Elle n'arrive néanmoins pas à se retenir de baisser les yeux, par une sorte de réflexe innocent.

Depuis ce dernier Mardi où il est venu s'excuser auprès d'elle pour son comportement de néandertalien, ils ont déjà passé plusieurs nuits ensemble, tantôt chez elle et tantôt chez lui. Il s'avère qu'équilibrer personnel et professionnel ne leur est pas aussi difficile qu'ils ne l'avaient craint, du moment qu'ils communiquent correctement. C'est même plutôt confortable, pour lui comme pour elle. Ils n'ont aucun attente spécifique l'un de l'autre, en ce qui le concerne parce qu'il n'a aucune expérience dans le domaine des relations de plus de quelques nuits, et en ce qui la concerne parce qu'elle a bien dû se rendre à l'évidence. Et finalement, elle préfère ça. C'est très libérateur, en un sens.

- Je ne me souviens pas t'avoir entendu te plaindre, Iz se défend, ayant effectivement été particulièrement enthousiaste la veille, en le rejoignant ici, chez lui.

- Tu penses ! Tu m'as laissé tout seul deux soirs consécutifs ; j'étais en manque, il ne perd pas le Nord, sa répartie à presque toute épreuve.

Elle sait qu'elle ne devrait pas rire à cette exagération volontaire mais elle ne peut pas s'en empêcher. Il la regarde cacher son visage entre ses mains en souriant, content de son effet.

- D'ailleurs, tu ne vas jamais croire ce que m'a demandé ma nièce Samedi soir, il rebondit sur le sujet des soirées qu'il a passées sans elle, l'une d'entre elles chez son frère.

- Oh, c'est ça, je m'absente quelques jours et tu m'as déjà remplacée par un modèle blond et plus jeune, huh ? raille Iz, joueuse.

Elle n'a encore jamais rencontré Mae, mais elle a vu passer son dossier au moment de passer en revue les comptes rendus de la cellule de crise de Walter Payton. Et son oncle ne manque qui plus est pas de photos d'elle comme du reste de sa famille.

- Elle m'a demandé si j'avais déjà enquêté sur un tueur en série, il répond à sa propre question à la place de celle qu'il a interrogée, ignorant la boutade.

- Sérieusement ? s'étonne Iz, redevenant instantanément plus sérieuse à cette annonce.

- J'ai failli m'étouffer, il partage sa réaction, haussant brièvement les sourcils.

- Mais rien n'a filtré, pourtant, elle donne inutilement la raison de leur étonnement à tous les deux.

À la façon dont ses yeux se perdent dans le vide, elle cherche malgré ses propos s'il ne pourrait pas y avoir eu une fuite quelque part tout de même. Mais c'est impossible, sans compter qu'il y aurait eu un sacré vent de panique sur la ville.

- C'est une coïncidence. Elle a un devoir d'écriture d'invention en littérature. Le genre policier. Elle cherchait quelque chose d'original, Sam lui retire le besoin de se creuser la tête.

- Qu'est-ce que tu lui as répondu ? elle s'enquiert alors, curieuse maintenant qu'elle est rassurée.

- Que si elle voulait vraiment que son lecteur soit surpris par son tueur, il fallait qu'elle fasse paraître les crimes déconnectés, il raconte, la laissant saisir d'elle-même qu'il a fait le parallèle avec leur affaire actuelle.

- Oh. Et après, une brillante profileuse viendrait résoudre l'affaire sous le nez des inspecteurs, en trouvant le plus petit et insignifiant des fils conducteurs, Iz fait semblant de deviner la suite de l'histoire, espiègle.

- Précisément. Et je lui ai aussi conseillé de conclure sur un baiser passionné. Ça a beaucoup plu à son père, il ne se laisse pas démonter, se redressant à son tour en appui sur son coude afin de pouvoir venir placer son visage à quelques centimètres du sien à peine, provocateur.

- Menteur, elle l'accuse dans un souffle, refusant de céder à la tentation l'embrasser tout en refusant à la fois de se reculer pour s'y soustraire.

- Non, t'as raison, je lui ai carrément dit d'écrire une scène de sexe, il la prend tout de même à son piège, déposant un baiser éclair dans son cou, qu'elle ne peut pas esquiver, se redressant trop tard en position assise.

Fier de lui, il retombe sur le dos, les bras derrière sa tête. Elle le dévisage avec une exaspération amusée.

- Maintenant je sais pourquoi tu ne restes jamais avec une femme : tu es incroyablement agaçant le matin, elle lui lance, par esprit de revanche.

- Hey ! S'il te plaît : je suis agaçant tout le temps, il défend sa mauvaise réputation comme un badge d'honneur.

Iz s'esclaffe encore une fois malgré elle, puis tire brusquement la couverture, l'emmenant avec elle en se levant du lit. Sam reste bouche bée à cette effronterie mais la laisse pourtant partir vers sa salle de bain, secouant la tête.

Il ne s'est jamais ennuyé en sa compagnie, dès le moment où il a décidé d'aller la pousser à assumer son rôle véritable au sein du commissariat. Qu'elle continue à le surprendre de manière régulière reste néanmoins une prouesse. Elle peut être sérieuse une seconde et joueuse la suivante, compréhensive puis soudain militante. Et le plus incongru dans tout ça, c'est que depuis cette fois où il l'a malencontreusement envoyée sur les roses, il ne s'est encore jamais lassé d'aucune de ses humeurs. Mais ça, ça a peut-être à voir avec le fait que lui comme elle ont gagné en ouverture l'un envers l'autre depuis lors. C'est tout de même beaucoup plus facile de s'entendre quand rien n'est plus laissé entre les lignes.

Alors qu'il entend l'eau de la douche commencer à couler, il se lève à son tour, enfile un jogging en vitesse, et se rend ensuite à la cuisine pour nourrir son chien. Sing se détourne de sa contemplation de la rue par la fenêtre du balcon pour rejoindre sa gamelle. Son maître le regarde commencer à manger avec un regard affectueux, puis le laisse à son repas avec une caresse amicale.

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