1x08 - Désynchro (8/16) - Pataud

Installée dans la salle du serveur central, où elle dispose de plus grandes surfaces pour travailler que sa tablette, Iz poursuit les recherches que Sam lui a donné l'idée d'effectuer le matin-même. Bien qu'elle sache qu'il s'est retrouvé à l'Académie de Police un peu par hasard, elle se demande encore parfois qu'est-ce qu'il aurait pu faire d'autre, à tel point ses intuitions sont parfois bluffantes, même lorsqu'il ne s'en rend pas compte lui-même.

Alors qu'elle commence à se heurter à des murs, ne disposant pas des autorisations nécessaires pour accéder à toutes les informations qu'elle voudrait, quelqu'un d'autre fait son entrée dans la pièce. Ce n'est pas la première fois de la journée, l'endroit sujet à d'assez fréquentes allées et venues, mais c'est le premier visiteur à lui adresser plus qu'une salutation rapide.

— Hey, Lizzie. Qu'est-ce que tu fais là ? l'interroge Patrick, tout en se dirigeant droit vers la table du fond.

— Hey, Randers ! Er… Des recherches. J'aide comme je peux. Et toi ? elle reste approximative en ce qui concerne son occupation, et lui retourne la question pour l'inciter à ne pas regarder plus loin.

— Sauvegarde. Les portes fermées sont quand même un progrès, pas vrai ? il répond, se laissant manipuler sans problème, comme la plupart des inspecteurs assez rapidement lancé sur le sujet de son enquête en cours.

— Oui, absolument, confirme Iz en souriant, encourageante.

En réalité, elle se mord la langue pour ne pas lui demander pourquoi c'est lui qui est là et pas Quanto. Elle n'a pas avalé ce bobard sur leur organisation par semestres une seule seconde. Aussi prétentieuse elle se sente à cette idée, elle sait très bien que si Sam s'est systématiquement porté volontaire pour aller enregistrer leur progression depuis qu'il s'est souvenu qu'elle existait et lui a confié sa liste des meurtres qu'il pensait liés, c'était simplement afin d'avoir une excuse pour la croiser et lui demander des nouvelles. Sauf qu'en voyant son coéquipier ici, la jeune femme se rend compte qu'elle n'y a pas vu Sam depuis une semaine, et que ce n'est finalement peut-être pas uniquement dû à un mauvais timing.

Patrick se concentrant sur ce qu'il est venu faire dans cette pièce, elle reporte elle-même son attention sur ce qu'elle était en train de faire avant d'engager la conversation, pour oublier ses soupçons idiots. Malheureusement pour elle, elle ne peut plus avancer sans aide sur certaines de ses pistes, et doit attendre des réponses de tiers partis pour d'autres. Voyant du coin de l'œil que Randers devrait encore en avoir pour un certain temps, elle décide donc de s'éclipser discrètement et d'aller toucher deux mots à son partenaire.

— Hey ! elle salue l'inspecteur, venant s'appuyer sur le rebord de son bureau.

— Hey, il réplique distraitement, levant à peine les yeux vers elle.

Elle reste un instant silencieuse sans bouger, attendant qu'il réagisse de lui-même. C'est une tactique assez simple pour mener quelqu'un à parler de ce qu'il a réellement derrière la tête. Au moins, Sing Sing ne l'ignore pas, et la fixe de ses bons yeux marron.

— Je peux t'aider pour un truc ? l'inspecteur finit par demander, ne pouvant pas ignorer sa présence plus longtemps.

— Je me demandais juste si tout allait bien, elle déclare simplement, d'un ton le plus neutre possible pour ne pas influencer sa réaction.

Elle ne pense pas réellement être le problème. Ce serait ridicule. Il travaille sur une affaire à forte charge émotionnelle, et c'est sans doute pour ça qu'il a été un peu brusque ce matin et n'a pas voulu la croiser cet après-midi, c'est tout. Mais quoi qu'il en soit, ça la concerne, en tant que psycho-psychiatre résidente.

— Pourquoi est-ce que tout n'irait pas bien ? il s'étonne, se tournant enfin un peu plus convenablement vers elle sur son siège, ne comprenant pas l'origine de sa question.

— Je viens de voir Randers dans la salle des serveurs, elle explique sa visite en désignant la pièce d'un geste du menton, lui laissant deviner que ce qui l'a interpellée dans cette rencontre c'est de ne pas l'avoir vu lui.

— Il a dit quelque chose ? demande cependant Sam, ne voyant de toute évidence pas où elle veut en venir.

— Non. Est-ce qu'il aurait dû ? elle s'inquiète alors pour de bon, surprise par ce rebondissement.

— Pas que je sache, il écarte rapidement l'inquisition, avec un bref sourire, pour faire bonne mesure.

— D'accord, elle feint d'accepter cette réponse, pas convaincue mais ne sachant pas comment objecter.

Son intuition vient après tout du fait qu'il ne s'est pas dévoué pour aller mettre le dossier en cours à jour, et a envoyé son coéquipier. Ce que, finalement, il a fait plus longtemps que de s'en charger lui-même. Mais la façon dont il évite la discussion à présent à tendance à confirmer les suspicions initiales de la jeune femme.

— Tu es toujours là, Sam reprend après un court silence, durant lequel Iz n'a en effet pas bougé d'où elle est.

— Je sais. Désolée. Je vais te laisser, elle s'excuse et se relève de son appui, obligée de lâcher l'affaire à défaut d'un motif plus tangible pour insister.

En partant, elle veut poser sa main sur l'épaule de l'inspecteur, en signe de soutien silencieux quel que puisse être le problème auquel il fait face et dont il refuse de parler, mais il l'esquive d'un mouvement fluide, sans la regarder, comme par réflexe involontaire, presque à la manière d'un enfant battu.

— J'ai vu ça, elle n'arrive pas à se retenir de relever, choquée de cette réaction.

— Vu quoi ? il fait mine de ne pas comprendre, mais elle a appris à connaître ses expressions, et elle voit bien qu'il sait tout à fait de quoi elle l'accuse.

— Je sais ce que c'est que la paranoïa. Et ce n'est pas ce qui est en train de se passer. Pourquoi est-ce que tu m'évites ? elle l'interroge soudain directement, son impression pourtant idiote d'être elle-même ce qui dérange l'inspecteur revenant à la charge.

— Je ne t'évite pas ! il proteste immédiatement.

— Tu viens littéralement d'esquiver ma main sur ton épaule, elle lui fait remarquer, croisant les bras.

— Je… Je suis désolé. Juste… Ne me touche pas, d'accord ? il déclare, sa prise de parole entrecoupée de soupirs mi las mi agacés.

C'est la première fois qu'elle le voit avoir du mal à s'exprimer. Elle plisse les yeux, n'arrivant pas à décider si elle doit sincèrement s'inquiéter ou bien rire à l'absurdité de la requête, ne serait-ce que pour détendre l'atmosphère.

— C'est quoi cette nouvelle règle ? elle s'étonne, sans parti pris dans sa réaction encore.

— C'est pas nouveau, il proteste, pour sa part sérieux.

— Si, ça l'est. Tu vas finir par me dire ce qu'il se passe ou…? elle demande sans donner d'alternative explicite, espérant ne pas avoir à l'exécuter de toute façon.

Même quelqu'un d'aussi malin et plein de ressources que Sam ne peut pas tourner éternellement autour du pot, et elle ne compte plus laisser tomber sans avoir obtenu de réponse claire.

— J'ai fait une erreur, il lâche alors, semblant enfin en arriver au nœud de ce qui le dérange.

— À quel sujet ? elle essaye de l'inciter à élaborer, attentive.

— À la Saint Valentin. Je n'aurais pas dû faire ce que j'ai fait. C'était une mauvaise idée, il s'explique sporadiquement, son regard un peu perdu dans le vide, mais sans hésitation dans sa voix.

La jeune femme à un mouvement de recul du menton, mettant une seconde avant de comprendre de quoi il est question à présent.

— Oh. Je ne m'étais pas rendu compte qu'on était passé du professionnel au personnel, elle est sincèrement prise au dépourvu par ce tournant inattendu dans la conversation.

— C'est un peu ça le problème, tu ne crois pas ? il lui soumet alors, toujours sur ce même ton presque froid, relevant enfin les yeux vers elle.

Elle reste sans voix pendant un long moment, clignant plusieurs fois alors qu'il s'humecte discrètement les lèvres, seul signe visible de son propre inconfort, le reste de sa personne tout à fait de marbre. Sing Sing à ses pieds les regarde tour à tour, sentant la tension monter.

Sur le fond, Iz ne peut pas donner tort à l'inspecteur. Mais elle le trouve tout de même assez dur de soulever la question de cette façon. Elle l'aurait pensé plus direct. Il savait ce qu'elle allait trouver, alors pourquoi la laisser le cuisiner comme elle vient de le faire ? Elle se sent un peu humiliée. Il aurait pu lui épargner ça, aller droit au but.

Mais en fin de compte, elle aurait dû voir ce dénouement venir. Et si elle est honnête, elle l'a effectivement vu venir. Un homme à la réputation de Sam ne sympathise pas avec ses collègues de sexe féminin. Pas sans arrière-pensée. Et elle l'a bêtement encouragé. Seulement pour le laisser l'embrasser, il y a de ça deux Samedis, mélangeant ce qu'on devrait en effet éviter de mélanger, avec quelqu'un comme lui ou non d'ailleurs. C'est presque invariablement source d'ennuis.

— Je vois. D'accord. C'est bon, je comprends. Bonne journée, elle enchaîne plusieurs formules de conclusion et de salutation, pour cacher son trouble, avant d'enfin s'éloigner du bureau de l'inspecteur, digne.

Sans lui laisser le temps de reprendre même s'il en avait eu l'envie, elle retourne dans la salle de détente, où elle sait qu'elle sera seule. Elle pourra y mettre au point son plan d'action pour franchir les obstacles rencontrés lors de ses recherches entamées plus tôt, ce qui devrait lui laisser le temps de retrouver une contenance avant de devoir ressortir de la pièce.

Sam reste tourné vers le vide où se tenait Iz une seconde plus tôt encore un instant. Il n'avait pas prévu de faire les choses comme elles viennent de se passer. Il n'avait rien prévu du tout, en fait. C'est sorti un peu tout seul. Et si ses mots n'ont pas exactement dépassé sa pensée, il se doute bien qu'il aurait pu mieux faire. Il ne saurait pas dire comment exactement, mais il en a conscience. Pourquoi il se retrouve toujours dans des situations pareilles, avec cette femme ?

Avec un soupir frustré, il détourne son regard bleu de celui plus sombre de Sing Sing, comme accusateur, et retourne à son travail.

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