1x08 - Désynchro (5/16) - Entremetteur

Markus et Robert sortent d'un amphithéâtre, avec sur leurs visages le soulagement typique d'étudiants quittant un examen. Leurs collègues, autour d'eux, affichent des expressions similaires, et soupirs et gestes de libération surgissent çà et là dans la cohue alors que tout le monde se disperse peu à peu, seul ou en petit groupe. Pour leur part, les deux compères atteignent les marches extérieures du bâtiment en silence avant que Rob ne cède à sa nature bavarde :

— Bon, et quand est-ce que tu vas l'inviter à sortir, sinon ? il interroge Mark, qui serait presque pris de vertiges à tel point il n'a aucune idée de ce à quoi son ami peut bien vouloir en venir.

— Huh ? il grogne presque, totalement perdu.

— Jena. Quand est-ce que tu comptes faire le premier pas ? Parce que quitte à tenir la chandelle, je préfère encore que vous soyez officiellement en couple, s'explique l'autre, sans vraiment révéler comment il est passé directement à ce sujet de conversation à la sortie d'un partiel.

— Tu ne tiens pas la chandelle ! s'offusque Markus, trop piqué par la remarque pour relever son incongruité.

— Ah ouais ? Pour toi et la fille pour laquelle tu avais un gros béguin au lycée, qui est miraculeusement revenue encore plus canon qu'à l'époque, que tu as hébergée pendant dix jours, avec laquelle tu as même failli dormir dans le même lit, et que maintenant ton père aide à réveiller sa petite sœur d'un coma ? Tu vas vraiment te tenir là et me dire que j'imagine des trucs ? rétorque Robert, visiblement plus préparé que son compagnon ne l'aurait cru.

— Je… C'est tellement plus compliqué que ça ! il se défend, pitoyablement en comparaison au poids de l'accusation, chargée en arguments.

— Que quoi ? Que deux personnes majeures et vaccinées qui kiffent d'être en présence l'une de l'autre ? raisonne presque naïvement Rob, bien que pas faussement pour autant.

— Ouais ! Mark essaye de le faire lâcher l'affaire avec ce qui est sans doute la pire répartie du monde.

— Marko. C'est une fille, tu es un mec, vous êtes tous les deux hétéros : il y a rien de compliqué là-dedans. Invite-la, ou je le fais ! son pote le met au défi, déterminé.

— Mais je t'en prie ! croit s'en tirer l'aîné Quanto, écartant les bras comme pour donner son approbation magnanime.

— Non, je veux dire, je l'invite de ta part, le corrige Robert, le faisant soupirer et basculer la tête en arrière.

— Occupe-toi de tes affaires ! il se voit alors rembarré, avec plus de conviction qu'auparavant, si toujours aussi peu de substance.

— Je suis spectateur de votre petite danse depuis presque deux mois ; ce sont mes oignons ! proteste l'auto-proclamée cinquième roue du carrosse.

— Comme je l'ai déjà dit, elle a autre chose à penser, Mark commence enfin à proposer des excuses à peu près légitimes.

— Elle sourit pas comme ça quand on se pointe pour ma pomme, lui fait cependant remarquer son collègue, levant les mains pour se donner l'air innocent.

— C'est de la gratitude, interprète l'autre, que la conversation commence à déranger, sans doute parce qu'il sait qu'il a tort.

— T'es tellement enfoncé dans le déni, c'est dingue ! Tu y penses, au moins ? l'admoneste Rob, perdant patience.

— À quoi ? est une nouvelle fois perdu Markus.

— À l'inviter ! s'agace son pote, lui donnant un coup d'épaule pour son manque de perspicacité.

— Non ! répond catégoriquement l'interrogé, trop spontanément pour mentir, tout en portant sa main à son deltoïde endolori.

— Bah franchement, pour quelqu'un qui parlait de récupérer notre mojo, t'es vraiment un dégonflé, lâche finalement Robert, descendant d'un ton en voyant qu'il est face à un cas désespéré.

— Je peux savoir comme tu passes seulement d'un exam de gynéco-obstétrique à ça ? lui demande alors Markus, par curiosité presque malsaine, et aussi pour ne pas clore le débat sur une note aussi négative à son égard.

— Tu veux vraiment savoir ? T'es sûr ? le met en garde son camarade avec un air soudain sérieux, comme si la réponse était encore plus sordide qu'elle ne le laissait déjà présager.

— Ça dépend ; je dois avoir peur ? le grand frère se laisse prendre au piège, s'attendant au pire.

— Peut-être… poursuit Rob, conservant le mystère.

— … Balance, Mark décide d'être téméraire, après une courte réflexion.

— Je pensais au fait qu'on allait aller manger, et que si ça se trouve elle allait nous rejoindre, l'autre dévoile finalement son pétard mouillé, son habituel sourire géant revenant peu à peu sur son visage alors qu'il savoure la réaction de sa victime.

— T'es franchement trop con ! s'exclame Markus en éclatant de rire, le poussant à son tour.

Il aurait dû s'y attendre. Pourquoi est-ce qu'il est incapable de s'y attendre, à ses blagues nulles, après toutes ces années à les subir et parfois même l'aider à les faire à d'autres ?

Ceci étant dit, il est effectivement l'heure d'aller déjeuner, et il est tout à fait possible que Jena se joignent à eux. Le jeune homme se demande parfois comment elle ne devient pas folle, à tourner en rond. Autant qu'il sache, elle partage son temps entre le chevet de sa sœur à l'hôpital, son travail au bar, et traîner avec eux pendant leurs pauses. Et le plus étrange c'est qu'elle semble parfaitement satisfaite de cette routine. Non pas que la sienne soit particulièrement plus excitante, mais le moins qu'on puisse dire c'est qu'il n'émane pas vraiment la même aura aventureuse qu'elle. Peut-être a-t-elle des activités dont il n'a pas connaissance. Mystérieuse est aussi l'une des caractéristiques principales que dégage la jeune femme.

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