1x08 - Désynchro (2/16) - Preuve formelle

Malgré l'horreur qu'elle représente, la nouvelle enquête de Sam et Patrick a au moins le mérite d'avoir amené un peu de renouveau dans leur travail, les sortir de leur marasme intellectuel. Après avoir tourné en rond pendant plus d'un mois sur le meurtre de Joseph Pierce, sans plus rien trouver de vraiment inédit sur la fin, et être incapables d'émettre une hypothèse ne serait-ce que vraisemblable sur ce qui s'est passé, ils ont la semaine précédente tout eu à découvrir sur Teresa Lance. Et comme elle avait une vie bien plus rangée que celle du jeune homme, les recherches des inspecteurs ont été à la fois plus aisées et plus diverses, leur redonnant ainsi du poil de la bête.

Ces huit derniers jours, ils se sont plongés dans les affaires de sa famille et de ses collègues. En effet, d'après le début de leur enquête, il n'y a rien eu de suspect dans le comportement de la jeune femme elle-même durant la période ayant mené à sa mort. Et aussi triste que ce soit à dire, un crime aussi clairement passionnel est généralement commis par un proche.

Pat est aux toilettes et Sam penché sur un récent contrat entre la victime et une entreprise à la recherche de véhicules de fonction spécifiques à leur marque lorsqu'Iz vient chercher le maître-chien. Il est tellement absorbé par sa lecture, pas très fan du langage juridique, qu'il ne remarque pas que son animal lève justement la tête à l'approche de la jeune femme.

- Hey, Quanto. Tu aurais une minute ? elle interpelle l'oncle, le tirant de sa concentration avec une main sur son épaule.

- Maintenant ? il lui répond, sursautant presque, aussi bien au contact qu'à l'appel.

- Si possible, mais je peux revenir, elle lui accorde, gentille, n'ayant pas remarqué à quel point il était absorbé par le document sous ses yeux.

- Non, c'est bon, j'arrive, il accepte cependant, marquant où il en était dans sa lecture avant de renvoyer le fichier là d'où il était venu.

En un sens, l'interruption tombe bien, parce qu'il commençait à ne plus y voir clair, parmi toutes ses notes de bas de pages et ses renvois à des textes législatives plus absconds et soporifiques les uns que les autres.

Il se lève, intime à Sing de rester là où il est d'un geste de la main, et emboîte le pas à la jeune femme vers ce qui est finalement un peu son quartier général, à défaut d'un bureau à proprement parler : la salle de détente. Puisqu'elle a entre autres pris la responsabilité de s'occuper de garder tout le monde hydraté et éventuellement caféiné selon leurs préférences, elle est pratiquement la seule à se rendre dans cette pièce, à moins que justement elle soit absente ; ils ne devraient pas être dérangés.

- Qu'est-ce qu'il y a ? demande l'inspecteur en croisant les bras, pas d'humeur à tergiverser.

- J'ai un lien, Iz déclare simplement, luttant pour ne pas sourire, sa tablette tactile serrée contre elle comme un précieux trésor.

- Pardon ? il lui demande d'élaborer, ne la suivant pas.

- Entre les affaires. Certaines que tu m'as données, et d'autres encore. On parlait la semaine dernière du fait que tout ce qu'on avait était circonstanciel et théorique, et j'ai trouvé une preuve matérielle qui lie toutes les scènes de crime ensemble. Enfin, pas encore pour toutes celles qui je pense seront connectées à terme, mais suffisamment pour pouvoir affirmer avec certitude qu'il y a effectivement un tueur en série à Chicago, elle s'explique, terminant sa prise de parole par un soupir presque soulagé, pas peu fière d'elle-même.

- Qu'est-ce que c'est ? s'enquiert simplement Sam, intéressé.

- Cette substance jaunâtre trouvée sous les ongles de Miss Lance ? Je l'ai retrouvée sur d'autres scènes de crimes. Beaucoup trop pour que ce soit une coïncidence, Iz explicite un peu sa découverte, contenant toujours son enthousiasme du mieux qu'elle peut.

- Comment est-ce qu'on aurait raté ça ? s'étonne l'oncle, pas encore convaincu de la pertinence de la découverte.

- Parce que sur les autres scènes de crime, elle était dissimulée, maquillée comme quelque chose que personne ne penserait à échantillonner. Honnêtement, j'ai un peu trouvé par hasard. J'avais remarqué que les murs étaient tagués, autour des premières victimes, ce qui en soi n'est pas étonnant, étant donné les quartiers où ils ont été trouvés, mais cette couleur m'avait déjà interpelée. Dans le doute, j'ai demandé à ce qu'un prélèvement soit fait, et après analyse, le labo a confirmé que c'était la même substance que celle trouvée sous les ongles de votre dernière victime, elle explique, se détachant enfin de la tablette qu'elle tenait contre elle pour appuyer ses dires avec un support visuel.

Elle fait rapidement défiler un diaporama sur le petit écran, sur lequel elle a systématiquement entouré en rouge l'endroit où elle a repéré l'indice dont elle parle. Sam jette un œil aux clichés mais n'a pas le temps de les regarder en détails.

- Et c'est quoi, au juste, cette substance ? il demande alors, lui faisant confiance.

- Le labo cherche encore. Pour le moment, en dehors de confirmer que c'était la même chose à chaque fois, tout ce qu'ils ont pu me dire, c'est que c'est un composé organique d'une complexité avancée, elle répond dans les limites de ce qu'elle sait, avec une mimique signifiant clairement qu'elle est dépassée.

- Donc, à part lier les meurtres, ça sert à rien, il conclut, un peu abruptement peut-être.

- Er… C'est déjà pas mal, je trouve. Il y a une semaine, on parlait encore de ce tueur en série comme hypothétique, se défend Iz, un peu déçue et blessée par la réaction de l'inspecteur.

- Le fait que les affaires soient connectées ou non n'aide personne si le lien en lui-même est inexpliqué. On chasse tous le même taré, mais on donne toujours des grands coups d'épée dans l'eau, Sam explique tant bien que mal sa frustration à leur situation actuelle, portant sa main à son front.

- Je ne prétends pas que c'est la solution ultime. Il y a encore beaucoup de travail à abattre pour choper ce psychopathe. Mais c'est le premier clou dans son cercueil, je pensais que ça t'intéresserait, la jeune femme essaye de l'encourager, sans trop laisser paraître à quel point sa réaction la chagrine.

- En un sens, oui. Merci. C'est juste que… j'espérais que le fait que les dossiers soient liés nous donne un avantage. Et de ce que je vois, pour le moment, regrouper les affaires en une seule ne simplifierait rien, il essaye de rattraper sa brusquerie initiale, un peu affecté par ses yeux verts levés vers lui, aussi imperturbables s'efforcent-ils de rester.

- Je sais. Mais même dans les cas de meurtres en séries "classiques", si je puis dire, le caractère sériel n'est pas toujours utile d'entrée de jeu. Laisse-moi le temps d'approfondir, et je vais te le donner, ton coup de grâce. Je voulais juste te tenir au courant que je tenais enfin le bon bout, elle tempère une nouvelle fois sa déception, professionnelle, sachant qu'il n'a pas complètement tort, malgré son léger manque de tact dans sa façon de le dire.

Pour elle, cette découverte est un progrès énorme. Cette affaire, c'est sa première analyse en solo, puisqu'elle n'a jamais travaillé qu'en équipe avant son transfert ici. C'est aussi la première enquête à laquelle elle participe en tant que profileuse à proprement parler, depuis son affectation à Chicago. C'est à travers ce dossier qu'elle va faire ses preuves, aussi bien pour elle-même que pour l'ensemble du commissariat, qui pour la plupart ont oublié ce pour quoi elle est là en premier lieu. Enfin et surtout, l'investigation en elle-même est majeure, à cause du nombre de victimes, de la sophistication des crimes, et même de la difficulté de seulement les relier entre eux. C'est pour toutes ces raisons qu'Iz aurait aimé partager son enthousiasme avec quelqu'un, et que Sam, étant celui qui lui a amené cette ouverture et le seul à savoir qu'elle s'y est attelée, semblait tout désigné.

- Hey, j'en ai pas après toi, d'accord ? C'est juste que… presque toutes les équipes cumulent deux enquêtes. Ça arrive tellement souvent que je me souviens pas la dernière fois que c'est arrivé. Et très franchement, j'ai envie de dire que c'est un miracle qu'on n'ait pas eu de nouveau corps la semaine dernière, au rythme où ce taré fait son marché, l'inspecteur insiste sur le fait que sa réaction n'a rien à voir avec la performance de la jeune femme, sentant qu'elle ne le perçoit peut-être pas comme ça.

- C'est vrai, ça… elle relève, avec un mouvement de recul du menton, comme si elle venait seulement de remarquer qu'effectivement, la semaine passée n'avait pas vu grandir la liste des homicides, pour la première fois depuis… aussi loin qu'elle se souvienne, ce qui signifie au moins depuis que l'inspecteur lui a confié cette mission.

- Ouais, peut-être qu'il a pris des vacances, propose Sam sans grande conviction, ne comprenant pas vraiment pourquoi Iz prend soudain cet air interloqué.

Au moins elle ne semble plus blessée, donc en un sens il a atteint son objectif.

- Tu viens de me donner une idée ! elle explique son expression, retrouvant le sourire.

- Ah oui ? il s'étonne, manquant de toute évidence d'éléments pour arriver à la même conclusion qu'elle.

- Je te vois plus tard ! elle le salue, avant de déposer un baiser sur sa joue sans réfléchir, emportée par son entrain, et de quitter la pièce en coup de vent.

Il reste figé là où il est, en partie perturbé par la rapidité avec laquelle elle a changé d'humeur et s'est enfuie, mais aussi et surtout par la façon dont elle vient de lui dire au revoir.

Ils n'ont pas vraiment eu l'occasion de reparler de ce qui s'est passé à la Saint Valentin. Non pas parce qu'ils en sont gênés, mais parce qu'avec sa nouvelle affaire et son caractère sordide, ils ont tous les deux été plutôt préoccupés. Ils se sont recroisés plein de fois, ne serait-ce que parce que la jeune femme tient à ne pas déserter son poste de coffee girl, qui lui accorde de toute façon une pause dans ce qu'elle a théoriquement de mieux à faire, mais ils n'ont pas réellement eu de véritable conversation avant maintenant. L'un dans l'autre, Sam ne s'attendait pas à ça. Et il ne sait surtout pas trop quoi en penser, comment le prendre, et comment y réagir.

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