1x08 - Désynchro (10/16) - Étrangeté
Pour leur seconde visite à l'infirmerie de la journée, Caesar parvient à convaincre Jack de s'adresser à Uglow avec le respect qu'il mérite. Le petit blond cède à la requête en serrant les dents et levant les yeux au ciel, mais reste intransigeant sur son entrée fracassante : selon sa logique, on n'a besoin de tambouriner que sur une porte close, une porte ouverte étant, par définition, ouverte.
Lorsque les adolescents font irruption dans la pièce, sans frapper donc, ils trouvent cependant l'infirmier dans une situation inattendue, qui ne laisse par conséquent pas au petit génie l'occasion de marquer son effort de révérence.
Rouge pivoine, le trentagénaire est acculé à son bureau, apparemment par la simple présence d'une jeune femme blonde en face de lui, pourtant à une distance tout à fait raisonnable, appuyée au dossier d'un chaise, immobile et sage. Les deux lycéens reconnaissent la visiteuse sans peine, même de dos, pour l'avoir déjà rencontrée de près en ce qui concerne Caesar, et pour l'avoir détaillée sans aucune gêne de loin pour Jack. Ils ne comprennent cependant pas plus l'un que l'autre en quoi sa simple présence pourrait nécessiter d'être aussi pétrifié que l'est l'infirmier, comme s'il était pris dans une situation compromettante, ce qui n'est visiblement pas le cas. Autant qu'ils sachent, il n'y a aucune honte à discuter avec une belle femme, si ?
À leur entrée, Andy tourne la tête vers les nouveaux venus. La façon dont sa chevelure jaune virevolte autour de son visage lui tire une brève grimace agacée, comme si elle n'y était pas habituée, bien qu'elle ait toujours eu les cheveux de cette longueur d'aussi longtemps qu'elle fréquente Walter Payton. À part ça, leur apparition ne semble pas l'affecter du tout, même si elle continue à les dévisager en silence.
La jeune femme distraite, Holden en profite pour glisser le long du meuble sur lequel il est appuyé, comme si c'était le simple regard de la jolie blonde qui l'avait maintenu où il était, et qu'il craignait de le ramener à lui en passant trop près d'elle.
Jack plisse les yeux à cet étrange tableau, instantanément extrêmement frustré car rarement dans une position où un élément lui échappe. Si Holden a la main sur sa nuque pour se donner une contenance, Andy ne semble pour sa part pas embarrassée le moins du monde, ce qui n'aide pas à déterminer s'il se passe effectivement quelque chose de plus qu'il n'y paraît à première vue.
— Caesar ! Jack ! J'ai ce qu'il vous faut. Tout est en ordre, annonce le soigneur en s'éclaircissant la gorge, gêné, et en même temps soulagé qu'un tiers parti ait fait son apparition.
— Bonjour, Mademoiselle, Caesar salue poliment la quatrième personne en présence, assénant un coup de coude aussi discret que bien senti à son camarade, qui la détaille ostensiblement de la tête aux pieds, comme à chaque fois qu'il la croise.
— Bonjour, elle répond simplement, ne semblant nullement se formaliser de l'inspection visuelle qu'elle vient de subir.
— On vous dérange, peut-être ? ose Jack, sous couvert de courtoisie mais en réalité plus effronté que jamais, ce à quoi personne dans la pièce n'est vraiment dupe.
— Je… Er…. l'infirmier balbutie, tétanisé.
Son comportement tire la pointe d'un sourire en coin à Andy, partagée entre la fierté de le mettre dans des états pareils et l'incompréhension de comment elle a bien pu accomplir cet exploit sans rien faire de particulier.
— Non. J'étais sur le chemin de la sortie, elle lui vient tout de même en aide, tout en se redressant de son appui.
Elle jette un regard perçant à Caesar, comme pour s'assurer qu'il a bien repéré qu'elle a dit la même chose, le jour où il l'a croisée dans les toilettes des hommes, et qu'elle a justement rencontré l'infirmier en partant. L'adolescent n'est pas certain de ce qu'elle essaye de faire passer comme message, mais elle semble se comprendre elle-même, à son petit sourire digne de la Joconde. Il n'ajoute donc rien en la regardant contourner Jack et rejoindre la porte.
— Non, mais vraiment, on a interrompu un truc ? le blondinet laisse tomber ses bonnes manières de façade à peine le battant s'est-t-il refermé derrière la jeune femme.
— Non, pas du tout ! se contente de répondre l'infirmier en lâchant sa nuque, à moitié convaincant seulement.
Jack poursuivrait bien son inquisition, mais une nouvelle fois Caesar l'en dissuade par la violence, lui donnant un coup de pied dans le tibia cette fois, assaut normalement plus douloureux et donc plus efficace qu'une simple bourrade.
— Vous avez trouvé ce qui s'est passé avec votre compte des prélèvements ? demande à la place le grand brun, recentrant la conversation sur la véritable raison de leur visite.
— Er… Oui. J'ai dû mal me souvenir, c'est tout. Tous mes documents sont unanimes. Et quoi qu'il en soit, ça ne va pas affecter vos manips, donc tout va bien, répond l'infirmier, retrouvant enfin ses moyens.
— À moins que quelqu'un ait bidouillé vos prélèvements et se soit juste trompé en falsifiant vos inventaires, propose Jack distraitement, occupé à examiner les caisses isolées thermiquement installées dans un coin de la pièce, que depuis leur dernière visite l'infirmier a dû ramener de là où il les avait stockées et qui contiennent à n'en pas douter l'ensemble de la collecte effectuée pour leur bénéfice ces cinq derniers jours.
Holden et Caesar le dévisagent avec atterrement, de concert, jusqu'à ce qu'il le remarque. Lorsqu'il relève les yeux des fruits de leur récolte, il se fige une brève fraction de seconde avant de comprendre qu'il doit rattraper son commentaire.
— Mais qui ferait un truc pareil ! il s'empresse d'ajouter, avec un air choqué aussi faux qu'exagéré, pour les convaincre qu'il n'a pas complètement oublié comment faire semblant d'être une personne à peu près socialement adaptée.
Uglow sourit, aussi amusé que satisfait, tandis que Caesar secoue la tête de gauche à droite, un peu las des facéties de son ami. Il se demande parfois s'il ne devrait pas avoir sincèrement peur de lui. Le pire, c'est que ce scénario funeste n'en est sans doute qu'un parmi tant d'autres dans son esprit parfois dérangé.
— Je vous ai préparé tout ce qu'il vous faut d'après votre plan d'expérience dans cette petite boîte. Soyez prudents avec ces produits, ils peuvent être dangereux. Faites bien attention à ne pas vous piquer, enchaîne ensuite l'infirmier, attrapant une caissette métallique sur son bureau, et la tendant au grand brun, plus proche de lui en plus d'être celui qu'il juge le plus responsable des deux lycéens.
— Wow. Révolutionnaire. Je n'avais pas pensé à ne PAS me planter l'aiguille à travers la peau. Quelle approche novatrice ! raille Jack, que les consignes de sécurité agacent toujours, par principe.
— Le problème n'est pas la piqûre, mais ce qu'elle injecte, insiste Holden, convaincu pour sa part qu'on n'est jamais trop prudent.
— On fera gaffe, promet Caes, glissant le petit réceptacle dans son sac à son épaule.
— Merci, c'est tout ce que je voulais entendre, le remercie l'infirmier, joignant brièvement ses mains dans sa satisfaction.
Sur ce, il se dirige ensuite vers les caissons qu'observait Jack il y a encore un instant, et les soulève tour à tour pour en confier un à chacun des deux garçons.
— Hey ! Vous voulez qu'on vous renvoie la jolie blonde, si on la croise en sortant ? propose Jack en guise de salutation, tout en commençant déjà à se tourner vers la porte, son précieux chargement sur les bras.
— Elle s'appelle Andy, intervient machinalement Caesar, alors que l'infirmier s'est figé dans son mouvement de leur ouvrir, puisqu'ils ont les mains prises.
L'adulte est surpris que l'adolescent en sache autant sur la jeune femme, mais trop content que la taquinerie du petit génie ait été tuée dans l'œuf pour s'en étonner à haute voix, de peur de relancer le débat.
— Comment je me suis retrouvé le moins informé de cette pièce ? se plaint Jack pour lui-même, scandalisé par cet état des choses.
— Je sais dans quelle salle vous allez vous installer ; je viendrai sûrement jeter un œil sur votre travail avant la fin de la semaine, annonce Holden, ignorant sciemment le petit blond.
— Pas de souci. Merci, Monsieur, répond Caes, pas plus désireux que le trentagénaire de repartir dans les délires de son camarade, qu'il entraîne d'ailleurs implicitement vers l'extérieur en en prenant le chemin le premier, pour une fois.
Jack ne manque pas d'accorder un nouveau regard plissé à l'infirmier en sortant, toujours aussi agacé de ne pas connaître le fin mot de cette histoire entre lui et la femme blonde, mais n'ajoute rien, emboîtant simplement le pas à son ami. Il voudrait en fait bien interroger ce dernier, puisqu'il semble également en savoir plus que lui, mais le grand brun presse volontairement le pas pour l'en empêcher. Évidemment, ce n'est que partie remise, mais c'est toujours ça de pris, avec le surdoué.
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