1x07 - Mauvais esprit (9/15) - Frangins
Après avoir laissé Jena seule avec son père, Markus a trompé l'attente en se joignant à la partie de jeu d'arcade de son frère. Il n'avait pas joué depuis encore plus longtemps que le lycéen, et il avait oublié à quel point c'est divertissant. Après seulement une dizaine de minutes, il ne jette déjà plus de coups d'œil nerveux vers la porte du laboratoire, derrière lui.
Les deux frères, le plus jeune en tailleur et le plus âgé une jambe tendue et l'autre ramenée à lui, coopèrent afin de venir à bout d'un niveau particulièrement technique. Certains passages de l'aventure suscitent de nombreuses exclamations entre joueurs, ainsi que pas mal de fous rires, alors que d'autres, comme celui-ci, demandent plus de concentration. Se mordant doucement la langue, Markus s'applique à diriger leur embarcation volante à travers un tunnel particulièrement tortueux, tandis que Caesar doit stratégiquement éliminer les obstacles qui se dressent sur leur route.
— Dis, Mark, il interpelle tout à coup son aîné, lui jetant un bref coup d'œil sans pour autant abandonner son poste.
— Yep ? l'autre répond présent, tout en gardant les yeux rivés sur sa tâche.
— Comment est-ce que tu as su que tu voulais faire médecine ? l'interroge l'adolescent, d'un ton grave.
— Ouh ! C'est une bonne question ! s'exclame Markus, immédiatement tiré de sa concentration, et levant donc la main de la table pour immobiliser leur dirigeable virtuel.
— Tu te souviens pas, déduit son frère, qui n'entretenait de toute façon pas grand espoir d'obtenir une réponse utile.
Il lui a toujours semblé que son aîné n'avait jamais eu qu'une seule et unique ambition, vers laquelle il filait comme une flèche, sans hésitation. Il ne s'est jamais imaginé qu'il pourrait devenir autre chose qu'un médecin, et il suppose qu'il en est de même pour lui.
— Ce n'est pas tellement ça, c'est plus que ce n'est pas quelque chose que j'ai décidé d'un seul coup. Ça s'est construit avec le temps. Pourquoi est-ce que tu me demandes ça ? s'enquiert Markus, pas habitué à ce type de questions de la part de Caesar, moins inquisiteur que leur sœur.
— Parce qu'il faut que j'écrive une dissertation pour entrer à la fac, et que je sèche, lui explique le lycéen, grimaçant à cette perspective qui n'est pas devenue moins intimidante depuis le matin.
— Hm. La dissertation n'a pas tant que ça à voir avec ce que tu veux faire plus tard, en fait. C'est à propos de toi et de ta personnalité. Il y a des tas de gens qui se décident bien après être entrés, ou même changent d'avis en cours de route, expose alors Markus, cherchant à rassurer son cadet, maintenant qu'il sait ce qui le tracasse.
— Tu n'as pas parlé de ton projet dans ta dissert' ? se permet de demander Caes, haussant un sourcil pas convaincu.
— Pas vraiment, non. En tous cas pas directement. J'ai plus expliqué mon caractère. Comme c'est de là que découle ma vocation, oui, ça a dû filtrer, mais c'était pas le message principal, essaye de se souvenir Mark, la rédaction de ce document remontant quand même à cinq ans auparavant.
— Ah, laisse échapper le grand brun, se sentant encore moins inspiré qu'avant.
— Qu'est-ce que tu as, jusqu'ici ? s'enquiert alors son grand frère, cherchant à le motiver.
— Jack pense que je devrais parler de la prise d'otages. Mais qu'est-ce que ça dit sur moi ? révèle l'adolescent, signifiant autant l'Incident en lui-même que le fait de le mentionner dans une lettre.
— Oh. Oui, c'est vrai, il y a ça. Eh bien… ça dit que tu es loyal et courageux, l'aîné fait de son mieux pour cacher qu'il ne s'attendait pas à ce que ce sujet vienne dans la conversation, sans pour autant mentir dans sa conclusion, parlant pour sa part évidemment du fait que Caesar a pris la place de son meilleur ami lorsqu'il l'a su menacé.
— C'est une dissertation pour la fac, pas la table ronde, objecte cependant le lycéen, toujours aussi peu convaincu par l'idée de sa bravoure maintenant qu'au moment de sa thérapie.
— Tu peux dire ce que tu veux, mais ce sont effectivement deux de tes grandes qualités. Je comprends que ce souvenir en particulier soit un peu frais, ceci dit, aussi représentatif soit-il de cette partie de ta personnalité. Mais rien ne t'interdit d'utiliser autre chose, si ? lui propose Mark, diplomate pour la seconde fois de la journée.
— C'était quoi, ton exemple concret, à toi ? l'interroge alors son petit frère, curieux de jauger la validité de ses conseils.
— Vous. Toi et Mae. Et même Oncle Sam, répond le futur médecin.
— En quoi ça définit ton caractère ? lui demande Caes, fronçant les sourcils, perdu.
— Quand Tonton s'est fait tirer dessus, et quand tu t'es cassé le bras, à chaque fois ça m'a tordu les entrailles. J'ai argumenté que mon trait de caractère prédominant était ma compassion, explique Markus.
— C'est carrément vrai, en même temps, observe le plus jeune, comme pour diminuer l'utilité de l'exemple.
— Oui, mais ils n'allaient pas me croire sur parole. Enfin, ils m'ont cru sur parole, mais il fallait illustrer. Et compatissant, c'est pas moins niais que loyal ou courageux, je te ferais dire, fait remarquer l'étudiant, faisant référence à la première réaction de son frère à ses propres qualités.
Caesar éclate de rire à ce commentaire, et les deux garçons reprennent leur partie chacun l'esprit un peu plus léger.
Markus est toujours content de pouvoir conseiller ses cadets. Et il l'est en l'occurrence d'autant plus que, jusqu'ici, il n'était pas encore certain qu'ils soient retombés sur leurs pattes, depuis l'Incident. Il a vu Mae aller courir à une fréquence accrue, ce qui s'est heureusement avéré la veille être une réelle technique d'assimilation plutôt qu'une échappatoire temporaire, mais il n'avait pas encore constaté quelque méthode de gestion du traumatisme que ce soit chez son frère. En dehors du mutisme qu'il a conservé toute la fin de journée, après la résolution de la situation, l'adolescent n'a manifesté aucun signe d'anxiété ensuite. Ce qui serait une bonne chose, si comme leur sœur il avait par ailleurs montré des signes d'appropriation des évènements. Qu'il parle de sa lettre de motivation pour la faculté est donc une excellente nouvelle, de l'avis de Markus. L'étudiant sait que la psy qu'il a vu au lycée lui a donné le feu vert pour reprendre le cours de sa vie, mais ça fait tout de même du bien d'en voir la preuve par soi-même.
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