1x07 - Mauvais esprit (7/15) - Approche prudente

Après un déjeuner où tout le monde est resté étonnamment silencieux, bien que l'atmosphère n'ait pas été tendue pour autant, chacun simplement dans ses pensées, les quatre membres de la famille Quanto sont retournés à leur Dimanche en toute tranquillité.

Maena a repris son altération de la fresque de photos qui orne l'un des murs de sa chambre, pour en enlever celui de ses amis avec qui elle s'est fâchée. La démarche est peut-être infantile, mais elle est cathartique, au moins.

Caesar s'est quant à lui installé dans la salle de jeu, au rez-de-chaussée, à côté du laboratoire de son père et en face du salon, pour tenter de battre son record à un jeu d'arcade auquel il n'a pas touché depuis un certain temps. Ça lui évite de se morfondre sur l'abysse sans fond qu'il a l'impression qu'est son existence.

Aleksander, le surveillant par habitude du coin de l'œil par sa porte ouverte, s'est remis au projet personnel qu'il bricolait déjà le matin-même, et bidouille d'ailleurs la plupart des week-ends où il n'a rien d'autre à faire. Il a toujours eu ce type de petites inventions privées. C'est ainsi qu'est né TOBIAS, d'ailleurs.

Enfin, Markus s'est assis dans le salon, pour lire un journal de médecine universitaire, une pause s'imposant dans ses révisions quasi-permanentes, mais peu désireux de complètement se sortir du sujet.

Lorsque la tablette sur laquelle l'aîné est en train de consulter la revue, et donc à laquelle est apposée son RFSD, indique dans l'un de ses coins qu'on lui a envoyé un message, il l'ouvre et apprend que Jena se trouve devant la porte d'entrée. Il lui a communiqué que son père voulait lui parler à propos de ce qu'elle lui avait demandé aussitôt qu'il l'a su, mais elle lui a répondu qu'elle ne pourrait pas se libérer avant l'après-midi. La voilà donc seulement. L'étudiant pose le rectangle numérique sur la table basse et se lève pour aller ouvrir.

— Hey, Jen, il la salue, engageant.

— Qu'est-ce que tu lui as dit ? elle ne perd pour sa part pas de temps en civilités, se doutant que pour qu'Alek ait accepté de la voir aussi rapidement, il y a forcément encore des choses qu'il ignore.

À vrai dire, c'est soit ça, soit il sait tout et a convaincu son fils de se conformer à la réglementation en vigueur et dénoncer la jeune femme. Mais elle a préféré ne pas trop penser à cette possibilité, sachant ce qu'elle impliquerait pour elle et potentiellement le reste de sa famille.

— Pas grand-chose, en fait. Juste que tu aurais voulu qu'il jette un œil à quelque chose que tu penses être éventuellement responsable du coma de ta sœur, parce que ça dépasse les compétences de l'hôpital. Mais au-delà de ça, rien, répond le jeune homme, aussi marri par sa propre couardise que par l'aisance avec laquelle il vient d'être percé à jour.

— Et tu crois pas qu'il a compris qu'il y avait un problème, pour que je passe pas par l'hôpital, justement ? lui soumet Jen, d'un ton un peu plus abrupt qu'elle n'est réellement en colère.

— Est-ce que tu as rencontré mon père ? Je suis pas dans sa tête ! lui réplique alors Markus pour ne pas se laisser malmener, faisant référence à la placidité hors du commun dont est capable son géniteur.

— Donc, si je vais le voir et lui raconte tout, je suis soit la fille qui a rendu son fils suffisamment stupide pour ne pas poser de questions, ou bien celle qui l'a fait lui mentir. Génial ! elle se montre réticente à cette perspective.

Faire ses aveux à Markus n'avait déjà pas été facile. Elle se doutait qu'elle devrait en faire à Alek, également, et que ce serait probablement tout aussi inconfortable pour elle, mais elle a l'impression qu'une nouvelle couche de malaise vient d'être ajoutée à cette conversation à son insu.

— Je suis à peu près certain qu'il sait que je ne lui ai pas tout dit, avoue Mark, avec une grimace désolée.

— Tu viens de dire que tu n'étais pas dans sa tête ! lui rappelle Jen, perdue.

— Oui, c'est vrai. Et je ne sais effectivement pas s'il a tilté sur le fait qu'on ne passe pas par l'hôpital. Je me dis qu'il a peut-être pensé que tu venais le voir avant eux par courtoisie. Mais je ne suis quand même pas un assez bon menteur pour qu'il n'ait pas remarqué que je lui cachais un truc, l'étudiant se rattrape aux branches du mieux qu'il peut.

— Pourquoi est-ce que tu ne lui as pas tout dit, de toute façon ? l'interroge tout à coup Jena, plissant son regard émeraude.

La veille, il semblait plutôt à l'aise avec l'idée de s'adresser à son père. Qu'est-ce qui a changé entre-temps ?

— À cause de Rob. Hier soir il a suggéré de faire tomber les créateurs de l'anneau. Les dénoncer, quoi, s'explique Mark, tout en se préparant à la réaction explosive qui va forcément lui tomber dessus à cette révélation.

— C'est la dernière chose à faire ! Tu n'as pas idée de l'étendue de leur influence ! éclate effectivement la jeune femme, bien que sans se soucier du fait qu'il en ait parlé à son meilleur ami, au moins.

Elle l'a rencontré, après tout. Elle doit se douter qu'elle peut tout autant compter sur son silence que celui de Markus.

— Pas vraiment, tu as raison, mais suffisamment pour te faire confiance si tu n'as pas envisagé cette alternative. Sinon je ne serais pas allé parler à mon père, si ? l'aîné de trois défend son comportement final.

— Merci, elle finit par se calmer, avec un soupir, acceptant que si l'exécution n'était pas parfaite, il a tout de même tenu parole au final, et c'est tout ce qui compte.

Il s'écarte du passage, la laissant enfin franchir le seuil de la maison. Tout en refermant la porte derrière elle et l'accompagnant jusqu'à l'entrée du bureau de son père, il se demande comment personne n'a entendu leur conversation sur le pas de la porte.

Lorsqu'ils arrivent à hauteur de Caesar, assis en tailleur au bord de la table de la salle de jeu, ce dernier salue la jeune femme de la main. Elle lui retourne un semblant de salut militaire, ce à quoi il secoue la tête en souriant.

— Papa ? Jena est là, Markus annonce leur invitée à son père, en se penchant à travers la porte ouverture de son laboratoire, une main sur le chambranle.

— Très bien. Tu peux nous laisser ? lui demande immédiatement Alek, après s'être levé de sa chaise.

— Er… Bien sûr, accepte l'étudiant, quoiqu'avec un petit regard vers la jeune femme, soudain inquiet pour elle.

Elle le rassure cependant d'un hochement de tête serein, son attitude totalement différente de celle qu'elle était dans l'entrée. Toute trace d'appréhension est envolée, laissant place à son sourire. Le jeune homme ne la savait pas si bonne actrice, ou en tous cas maîtresse de ses émotions. Il la laisse entrer dans la pièce en se mettant sur le côté, lui intimant du geste de faire attention à la marche descendante, puis referme la porte derrière elle.

Il reste alors seul avec son petit frère, qui a observé la scène du coin de l'œil, intrigué. Croisant son regard, Markus vient tenter de lui assener une tape derrière la tête, sans succès comme toujours, bien qu'assis par terre l'adolescent n'ait pas l'avantage de sa taille. L'étudiant s'assoit ensuite avec son cadet, le rejoignant dans son jeu, pour passer le temps. Il ne va jamais réussir à se concentrer sur quoi que ce soit d'important tant que Jena sera dans ce laboratoire avec son père.

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