1x07 - Mauvais esprit (6/15) - Mode opératoire
Après avoir examiné la scène de crime et l'appartement de la victime — en fait dans l'un des bâtiments au pied desquels elle a été trouvée — en long, en large, et en travers, tout en s'efforçant de ne pas gêner le ballet de techniciens qui les accompagnait, Patrick et Sam regagnent enfin leur commissariat, pour au moins enregistrer leurs observations préliminaires dans le système central.
Sans surprise, l'endroit est pratiquement désert, mais ils ne sont pas non plus exactement les seuls à traîner leurs savates dans les locaux un Dimanche pour autant. La faute à cette fichue vague macabre qui frappe Chicago.
Leur victime s'appelait Teresa Lance, 35 ans, designer automobile, et future mère célibataire. D'après la proximité entre son domicile et la scène de crime, il est autant possible que son tueur l'ait attendue dans cette ruelle pour ne pas alerter ses voisins, qu'il ait tout simplement attendu la première personne qui passerait par là. L'un dans l'autre, il reste un monstre pour s'en être pris à une femme enceinte.
Les deux inspecteurs montent les escaliers, Sing Sing sur les talons, en traînant des pieds, déprimés par ce qu'ils ont vu. Le cliché d'échographie sur la porte du frigo, la nurserie toute apprêtée à l'arrivée du bébé, les rendez-vous médicaux inscrits sur le calendrier, … tout dans l'intérieur de Miss Lance laisse penser qu'elle était une jeune femme bien, sans histoires, et surtout aurait fait une excellente mère.
Patrick s'effondre sur son siège de bureau, se lançant sans délai dans l'étude des vidéosurveillances alentours, tandis que Sam va se charger d'étudier les collègues et relations de la victime. Ce sont des uniformes qui s'occupent de communiquer la mauvaise nouvelle aux proches, autant pour que les inspecteurs puissent les considérer comme de potentiels suspects sans être biaisés que pour que les officiers puissent compatir à leur peine sans parallèlement les soupçonner. Il fut un temps où voir leur réaction était considéré comme utile aux enquêteurs principaux, mais aujourd'hui c'est plutôt perçu comme une source d'erreur. Et puisque chaque officier est équipé d'une caméra corporelle, il est toujours possible de consulter la vidéo de la notification plus tard si vraiment on pense que c'est potentiellement pertinent.
Avant de s'asseoir à son tour, Sam décide d'aller chercher un remontant, pour lui comme pour son coéquipier en face de lui. Ils en ont bien besoin, et Iz n'est pas là pour le distribuer. Lorsqu'il entre dans la pièce qui contient la machine à café, l'oncle est cependant surpris de justement y trouver la jeune femme, penchée sur une tablette, l'air grave.
— Iz ? Qu'est-ce que tu fais là ? il s'exclame, lui faisant lever la tête.
— Hey ! J'ai entendu qu'il y avait une nouvelle affaire, elle lui apprend, désignant ce qu'elle a entre les mains.
— Et tu es venue ? Un Dimanche ? il continue à être étonné.
— C'est bien ce que tu as fait, non ? Ça me concerne autant que toi, elle lui rappelle, sans perdre le sourire.
C'est pourtant lui qui ne souhaite qu'une chose c'est qu'elle assume sa position dans le commissariat, non ?
En réalité, il ne s'était simplement pas encore préparé à revoir la jolie brune après ce qui s'est passé la veille au soir. Surtout pas dans des circonstances aussi sordides. Il n'a vraiment pas la tête à gérer cette situation maintenant.
— Je ne la mettrais pas dans ta liste. Elle s'est débattue, il décide donc de commenter l'affaire, dans un effort pour rester professionnel.
— Crois-le ou non, j'examine toutes les affaires, indépendamment de leur potentielle appartenance à une série. Quant à ce que cette victime ne soit pas attribuable à notre homme, je n'en suis pas si sûre, elle objecte gentiment à sa logique.
— J'ai regroupé les cas que je t'ai donnés parce que l'exécution était sans bavure. Ce n'est pas le cas ici, il se permet d'insister.
S'il a initialement pensé à un tueur en série à cause de la remarque de Patrick, sur les nombreux meurtres atypiques depuis Décembre, en y regardant de plus près, Sam a surtout été frappé par l'absence d'éléments matériels sur les scènes de crimes, plus que par les fioritures morbides. Et à la façon dont ses collègues et lui-même tournent en rond, ce n'était pas une fausse idée. Toutes les victimes des affaires qui traînent ces derniers mois ont subi une mort d'une surprenante efficacité, leur assassin ne s'étant à aucun moment trouvé en danger, probablement pas dessein plus que par chance. Or, Teresa Lance a visiblement réussi à se défendre avant d'être maîtrisée par son agresseur, d'où le doute de l'inspecteur qu'elle ait pu être visée par le même individu que celui dont il a chargé Iz de démontrer l'existence.
— Oui, mais la victime a été positionnée avec soin, ce qui n'est pas courant. Et la symbolique pourrait tout à fait être prédominante sur la propreté, chez notre serial killer, propose alors la profileuse, détachée et rationnelle.
— Elle a été mise sur le côté. Même venant d'une ordure capable de s'en prendre à une femme enceinte, ce n'est pas entièrement incohérent, Sam a pour sa part du mal à rester impartial, sans doute parce qu'il a encore l'image de la jeune femme étendue sous un drap blanc, dans cette ruelle.
— Il n'y a pas que ça. Tu vois tous ces détritus, autour d'elle ? argumente Iz, lui tendant sa tablette pour lui montrer les photos qu'elle était en train d'étudier avant qu'il n'entre dans la pièce.
Les inspecteurs n'ont emmenés que quelques techniciens avec eux dans l'appartement de Miss Lance, ce qui explique que les photos de la scène du crime en elle-même soient déjà dans le système.
Sam regarde ce que veut lui montrer la jeune femme en face de lui, mais ne distingue rien de particulier. Il n'a rien remarqué lorsqu'il était sur place, en même temps. Rien de plus que les conséquences d'une sacrée bagarre. Lutte dont il a hâte de faire sens, d'ailleurs, puisqu'à part des égratignures la victime n'a aucune marque sur elle, alors que cette grosse entaille qui traverse la benne à ordures a clairement été faite pendant qu'elle tentait d'échapper à son agresseur. S'il disposait d'une arme capable de faire de tels dégâts sur du métal, pourquoi ne pas l'utiliser pour maîtriser sa victime ?
— Il y a eu une sacrée bagarre, oui. Et alors ? l'inspecteur ne voit pas ce qu'Iz discerne sur ces photos qu'elle fait défiler.
— Alors j'ai comme un doute que tout soit tombé orienté vers elle par hasard, elle lui explique, annotant d'un geste expert une copie d'un cliché avec quelques flèches rouges, pour mettre en évidence le motif.
— Fais voir ? s'étonne Sam, saisissant la tablette des mains de sa collègue, qui le laisse faire.
Les pots et débris sont répartis aléatoirement, comme on s'y attend en constatant le désordre causé par une altercation. C'est pourquoi ni lui ni son collègue n'ont rien remarqué au premier coup d'œil, habitué à repérer une distribution trop régulière pour avoir été causée dans une véritable empoignade. Néanmoins, au-delà de leur éparpillement sur le sol, les déchets semblent effectivement tous tournés vers la jeune femme, dans un genre de configuration rayonnante, si on veut, maintenant qu'elle est soulignée par un schéma.
— Tu es sûre que tu n'imagines rien ? Sam reste encore dubitatif un instant.
Peut-on réellement dire qu'il y existe une orientation à la plupart des objets qui jonchent ici le sol ? Et la façon dont ils entourent la victime peut très bien simplement venir du fait qu'elle était au centre de la bagarre qui les a chamboulés.
— J'ai pas mal potassé l'art du positionnement, ces derniers temps, mais je ne pense pas me faire des idées. Et un tel niveau de sophistication pourrait correspondre à notre homme. Même si je ne l'ai jamais vu en faire autant avant maintenant, ni de manière aussi… fleurie, Iz soutient sa théorie, plus sûre d'elle qu'il ne l'a jamais vue.
— Tu en parles comme si tu étais certaine de son existence, relève l'inspecteur qui, bien qu'il ait amené le projet à la jeune femme, attend encore la preuve de la validité de son intuition.
— En dehors du fait que j'en suis convaincue même si je cherche encore des preuves tangibles, il y a aussi un peu du fait que je préfère penser qu'il n'y a qu'un seul taré capable de faire des choses pareilles en ville, lui répond la jolie brune, avec un sourire triste, laissant enfin voir qu'elle est elle aussi affectée par l'horreur qu'ils ont en photo sous les yeux.
— Je vois ce que tu veux dire, mais je vais avoir besoin de quelque chose d'un petit peu plus solide que ton espérance, s'agace légèrement Sam, frustré.
— J'y travaille. On va choper le responsable, l'assure Iz, tolérante de son état d'esprit après ce qu'il a vu, en personne, lui.
Sur ces bonnes paroles, elle se retourne et ouvre le placard en hauteur derrière elle, pour en sortir les tasses de Sam et Patrick. Pas besoin d'être clairvoyante pour deviner ce que l'inspecteur venait faire dans cette pièce, avant de l'y trouver elle. Avec un léger soupir pour lui-même, appréciatif de la compréhension de la jeune femme mais incapable de la remercier ou de s'excuser formellement, l'oncle pose la tablette qu'il avait empruntée sur la surface plane la plus proche et quitte la pièce.
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