1x07 - Mauvais esprit (2/15) - Horreur

Ce matin, Sam a en ce qui le concerne été réveillé par un coup de fil de ceux qu'il déteste recevoir mais sans lesquels il n'aurait pas de fonction dans la société ; un nouveau corps a été retrouvé, et c'est au tour de Randers et lui de récupérer une deuxième affaire en plus de celle sur laquelle ils planchent encore. Ils ne sont tristement ni le premier ni le dernier duo d'inspecteurs du district qu'on contraigne à laisser un premier meurtre irrésolu pour tenter d'en résoudre un autre, depuis le début de l'année. Devoir laisser une enquête en suspens n'est certes pas sans précédent, mais c'est usuellement exceptionnel. La dernière fois que Sam a été forcé à le faire, il ne faisait même pas encore équipe avec Patrick, qui n'a pour sa part sûrement encore jamais mis une affaire en cours de côté depuis le début de sa carrière.

L'oncle arrive sur place en même temps que son partenaire, et le voit passer son badge autour de son cou en même temps qu'il glisse le sien à sa ceinture. Ils descendent de leurs voitures respectives à l'unisson, Sam choisissant de laisser son chien derrière lui, pour cette fois. À l'appel qu'il a reçu, la scène ne se prête pas à la présence d'un animal, aussi bien dressé soit-il. Ce qui n'a rien d'encourageant, mais quand une convocation sur les lieux d'un crime est-elle rassurante, en même temps ?

- J'arrive pas à croire qu'on soit appelés sur une nouvelle affaire. Un Dimanche, en plus, se plaint Pat lorsqu'il se rejoignent, clairement plus pour l'accumulation de travail que le réel inconvénient du jour de la semaine.

C'est un triste constat, mais le crime se fiche de la date du jour. Voire, certains jours fériés sont plus marqués par la violence qu'un jour ouvré moyen. Il est difficile de croire que ce serait le cas de la Saint Valentin, cependant. Même si on voulait vraiment y attacher une statistique morbide, cette célébration aurait plutôt la réputation de pousser les gens qui se sentent seuls au suicide, pas au meurtre.

- On peut pas se permettre de moisir sur un dossier sur lequel on n'avance pas. Tu l'as dit, c'est l'hécatombe, en ce moment, Sam rappelle à son collègue, plus raisonnable à l'oral qu'il ne se sent en vérité, tout aussi agacé de devoir en quelques sortes abandonner Joseph Pierce à l'injustice qu'il a subie.

- C'est vrai, ça ! Je l'ai effectivement dit ! confirme Patrick, avec une intonation qui suggère qu'il se souvient seulement de ce détail maintenant qu'on en fait mention.

- Oui. Et je t'ai entendu, t'as vu ? tient à souligner son partenaire, pour toutes les fois où il lui a puérilement soutenu qu'il ne l'écoutait jamais.

Les deux inspecteurs arrivent à la banderole jaune qui délimite leur scène de crime du jour, déroulée à l'entrée d'une ruelle, entre deux bâtiments. Le quartier est résidentiel, et surtout pas mal fréquenté, aux sens de la quantité comme de la qualité. La personne qu'ils vont bientôt pourchasser n'avait clairement pas peur d'être vue, voire peut-être même en avait l'intention.

Au-delà de la barrière que seul leur badge peut leur permettre de franchir, les deux hommes découvrent un désordre notable : des boîtes de conserves, des morceaux de verre brisé, et des détritus organiques comme des épluchures de légumes et des coquilles d'œufs sont éparpillés un peu partout sur le sol, sans doute en provenance de la benne à ordures, en travers de la ruelle, un peu plus loin.

- Qu'est-ce que…? commence Pat en avisant le conteneur, normalement compartimenté pour le tri sélectif, littéralement éventré, par une grande entaille nette dans le métal.

Sam hausse également les sourcils à ce détail mais s'abstient de tout commentaire.

Ils évitent soigneusement les déchets qui jonchent le sol et atteignent enfin l'autre côté de la grande caisse sur roues, où se trouve le cadavre, tout autant entouré de rebut.

Comme dans leur précédente scène de crime, le corps est recouvert d'un drap blanc, ce qui les désespère avant même qu'il ne soit soulevé. Ils repèrent également une assistante du légiste, à l'écart, un bras passé autour des épaules d'un photographe, visiblement affecté. Autant de signes qui ne présagent rien de bon, même pour un endroit qui n'incite déjà pas à l'exubérance pour commencer.

Sam s'accroupit après avoir tiré sur son pantalon au niveau de ses genoux, et vient comme il le fait à chaque fois lever le voile sur la victime, à l'aide d'un stylet qu'il sort de la poche intérieure de sa veste. Il découvre d'abord son visage, puis monte encore un peu plus son bras pour avoir un aperçu de tout son corps.

À peine a-t-il jeté un œil qu'il retire vivement sa main, comme s'il s'était brûlé.

Alors que le drap retombe, il se relève et se détourne, mains sur les hanches, mâchoire serrée, yeux baissés.

Patrick fronce les sourcils, étonné d'une telle réaction de la part de son équipier. Et pourtant, lorsqu'il l'imite, il adopte très exactement le même comportement.

- Putain de bordel de merde ! jure le plus jeune des deux, ne se retenant de frapper le mur en béton derrière lui qu'à l'ultime seconde, et faisant tourner quelques têtes vers lui à son emportement.

Tout le monde s'abstient cependant de tout commentaire, pouvant sans peine comprendre sa réaction, en ayant pour certains même eu une assez similaire.

- On va pas laisser celle-ci irrésolue, d'accord ? lui fait promettre Sam, ramenant ses yeux aux siens, bien que ce soit toujours leur objectif implicite.

- Pas question ! confirme Patrick en secouant la tête avec ferveur, dents et poings toujours serrés.

- Tu sais quoi, fais le tour de la scène, je vais m'occuper d'elle, lui propose ensuite son aîné, voulant lui épargner d'autres accès de rage.

- Merci, le remercie Randers sans même avoir le cœur de discuter, avant de sortir son carnet de sa veste et de retourner sur ses pas.

Lorsque quelqu'un découvre un corps, un officier en uniforme est envoyé sur place, pour recueillir son témoignage, et surtout sécuriser la zone en attendant que l'équipe scientifique arrive. Les légistes et éventuellement quelques-uns de leurs assistants examinent alors la victime, tandis que le reste de l'équipe récolte tout élément matériel qui pourrait avoir un lien avec le crime, après avoir tout photographié en détails dans l'état dans lequel il a été trouvé. Les inspecteurs qui sont appelés à enquêter guideront ensuite la façon dont les éléments ainsi rassemblés seront exploités, par une analyse plus théorique. Rien n'est jamais laissé en reste, mais c'est leur raisonnement qui va déterminer l'ordre de priorité d'examen. Il est donc logique qu'ils soient présents sur les lieux, et les passent en revue par eux-mêmes.

Prenant son courage à deux mains à l'aide d'une grande respiration, Sam soulève à nouveau le drap blanc qui recouvre la victime à qui il est désormais responsable d'apporter justice. La jeune femme aux courts cheveux d'un blond platine est étendue sur le côté, yeux fermés, la tête sur ses mains comme si elle dormait. Seules les égratignures sur son visage et ses bras suggèrent que quelque chose ne va pas. Ça et le fait qu'elle ne respire pas. Son tueur a visiblement été pris de remords, pour la placer dans cette position. Mais se repentir ne le sauvera pas aux yeux de l'oncle, qui fait un effort tout particulier pour ne pas se focaliser sur le ventre rebondi de la jeune femme, qui n'est donc pas morte seule.

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