1x06 - Jolis Cœurs (9/16) - Besoin de compagnie

À plat ventre sur son lit, les chevilles croisées en l'air, Maena essaye de lire un livre. Après être repassée plusieurs fois sur la même ligne sans arriver à en retenir le contenu, elle abandonne et laisse tomber la tablette sur l'un de ses oreillers, avant d'enfouir son visage dans la couette sur laquelle elle repose. Elle ne sait pas si c'est la période postprandiale qui l'empêche de se concentrer, ou bien le fait d'avoir fini ses devoirs ce matin qui a déjà consommé tout son quota d'attention prolongée pour la journée, mais elle ne parvient pas à s'atteler à quoi que ce soit. Elle a bien tenté de dessiner un moment, mais n'a réussi qu'à gribouiller des motifs indéfinis. Elle a ensuite voulu réorganiser la surface polarisée de son mur, mais s'est vite lassée, alors qu'elle est ordinairement capable d'y passer des heures. Avant de se plonger dans son roman, elle a même envisagé de regarder un film, mais elle n'a pas réussi à trouver quoi que ce soit qui lui ferait envie.

Exaspérée, la blondinette ressort la tête de son édredon et récupère son RFSD et la tablette qu'elle a laissées choir à côté d'elle. Apposant à nouveau l'une à l'autre, elle parcourt cette fois non pas sa liste de lecture mais celle de ses contacts, à la recherche de Nelson. Lorsque le visage de l'adolescent apparaît sur le petit écran, elle sélectionne l'appel, et attend que ça sonne. Le principe est simple : si l'RFSD qu'on tente de contacter est à proximité d'une surface qui supporte la conversation téléphonique, et n'a pas été spécifiquement programmée pour ne pas être dérangée, alors la connexion peut s'établir. Sinon, on peut toujours laisser un message, que la personne verra lorsqu'elle reconnectera sa carte quelque part. Normalement, si Nels est dans son atelier comme elle le soupçonne, il devrait être en mesure de répondre. Et Mae a vu juste, visiblement, car il décroche assez rapidement.

— Yo, Mae, salue le jeune homme à l'autre bout du fil, ayant vu son nom s'afficher sur la table depuis laquelle il a décroché.

— Hey, Nelsooon, elle l'interpelle avec enthousiasme, contente d'entendre sa voix.

— Ça va ? il s'enquiert, curieux de connaître la raison de son appel en ce début de Samedi après-midi.

La première peur qui lui vient à l'esprit est qu'ils aient oublié un devoir pour la rentrée, dans deux jours.

— Ça te dit de traîner, aujourd'hui ? lui propose cependant tut simplement la petite blonde, roulant sur son lit pour se retrouver sur le dos.

— Er… Je peux pas, déso, s'excuse l'adolescent, sa grimace gênée s'entendant dans sa voix.

— Laisse-moi deviner : tu bosses sur un meuble ? suppose Maena, une moue contrariée déformant son sourire.

— Ouais. Une série de chaises. Et j'ai presque fini. J'y ai été toute la semaine. Ça m'occupe l'esprit, tu sais, il confirme son intuition, y compris au sujet des motifs qu'elle avait subodorés derrière cette soudaine frénésie bricoleuse.

La thérapie par le travail. Elle ne peut pas le blâmer d'utiliser ses mains pour se distraire, puisqu'elle utilise ses jambes. Chacun son truc. Pour certains, le conseil de s'investir dans une activité quelconque est venu de la cellule de soutien, pour d'autres l'initiative a été personnelle, mais tant que le résultat est là, peu importe. La remarque faite par Markus ce matin a cependant amené Mae à reconsidérer sa méthode, et elle rechigne désormais à retourner courir. D'où ses airs de lion en cage, depuis l'échange dans le couloir, d'ailleurs.

— Tu as besoin d'une pause, peut-être ? elle propose tout de même à Nelson, se disant qu'elle n'a rien à perdre à insister.

Elle l'entend sourire au bout du fil, mais elle sait qu'il va lui dire non. Il doit bien sentir qu'elle envie de compagnie, mais ils sont en l'occurrence confrontés à quelque chose qui les affecte tous les eux, et il ne serait pas très juste qu'il sacrifie ce qui lui convient à lui pour la contenter elle.

— Non, c'est cool, j'suis dans la zone, là, il répond comme elle s'y attendait.

— T'es sûr ? elle se permet d'insister une dernière fois, exceptionnellement égoïste.

— Ouais, Mae. Désolé, il s'excuse encore.

Elle se demande à quelle étape il peut bien en être pour avoir quand même le temps de répondre à un appel. Sans doute la finition. Pour l'avoir déjà observé à ce stade de la confection d'un objet, elle sait qu'il peut rapidement développer une certaine obsession du détail. C'est bien la seule activité pour laquelle il se montre si appliqué. Ce qui n'est finalement qu'une raison de plus pour ne pas le déranger.

— D'accord. Très bien. On se voit Lundi de toute façon, elle arrête enfin de le faire culpabiliser.

— Sans faute ! il lui confirme avec engouement, ne voulant surtout pas qu'elle se sente rejetée pour autant.

Maena se redresse pour pouvoir couper la communication d'une pression sur la surface tactile, puis sépare son RFSD de l'appareil. Elle reste un certain temps sur son côté, appuyée sur son coude, sa tête sur sa main.

Elle pourrait vraiment faire avec de la compagnie, mais Ellen ne rentre de son voyage que le lendemain soir, Caesar dort chez Jack, et Markus a le nez dans les bouquins. Son père, de son côté, va passer la journée dehors, et il ne serait de toute façon pas d'humeur à la discussion s'il était ici. Quant à son oncle, si elle le dérange dans quoi que ce soit qu'il est en train de faire, il va forcément s'inquiéter, ce qui est la dernière chose dont elle ait besoin. Nelson était vraiment la meilleure solution, et il n'est hélas pas disponible non plus.

Avec un soufflement agacé par le nez, la petite blonde jaillit hors de son lit et en direction de l'étage inférieur, une idée germant dans son esprit.

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