1x06 - Jolis Cœurs (11/16) - Galanterie

Sam et Alek sont restés au cimetière à parler de choses et d'autres jusqu'à l'heure du déjeuner, qu'ils ont ensuite passée ensemble, avant d'enfin partir chacun de leur côté. L'ingénieur a l'habitude de passer l'après-midi du 14 Février à se promener en solitaire sur le bord du lac Michigan, et l'inspecteur devait de toute façon aller récupérer son chien, laissé aux bons soins de son bien arrangeant coéquipier.

Lorsque l'oncle arrive à l'étage du commissariat, dont il a monté les escaliers quatre à quatre, il trouve son collègue assis sur le bord de son bureau, à jouer au tir à la corde avec le Rottweiler. Dès qu'il aperçoit son maître, Sing Sing abandonne instantanément la partie pourtant endiablée, manquant de faire perdre l'équilibre à son partenaire de jeu et gardien temporaire.

— Hey, copain ! Sam accueille l'animal qui se précipite vers lui, s'accroupissant pour le caresser.

Le chien laisse échapper un petit jappement d'enthousiasme, ce à quoi l'inspecteur éclate de rire. Il gratte vigoureusement les flancs de son molosse, qui se roule alors à ses pieds, pattes en l'air, babines renversées, et yeux révulsés, content. Il est bien loin de son attitude habituelle de chien de travail.

Bras croisés, détaché de son bureau sur lequel il a posé le jouet tressé, Patrick regarde la scène avec un sourcil haussé, sceptique. Il ne comprendra jamais comment quelqu'un comme Sam peut parfois être aussi gaga de son animal. Bien qu'il ne puisse par ailleurs pas nier que la bête a ses avantages, sur le terrain.

— Je l'ai emmené se promener. Il m'a pas aidé à draguer. Je retire tout ce que j'ai dit sur lui te facilitant la vie, il annonce malgré tout à son collègue, qui lui accorde un bref coup d'œil au milieu de la fête que lui fait son chien.

— Merci encore de l'avoir gardé, il lui répond simplement, voyant à son demi-sourire que ça ne l'a pas autant embêté qu'il voudrait le laisser croire.

S'il est extrêmement rare que Sam laisse Sing Sing à qui que ce soit, Patrick est pourtant la seule personne à qui il lui a instruit d'obéir qui ne soit pas de sa famille. Le chien ne joue avec personne d'autre sans une autorisation expresse de son maître, et même après ça ne se laissera jamais emmener.

— Soyez très heureux ensemble. Je rentre chez moi. Pas question que tout le monde fasse un break pour cette fête commerciale sauf nous, se contente de rebondir Pat, jugeant qu'il n'est pas nécessaire de dire qu'il n'y a absolument pas de quoi.

Surtout que Quanto lui a déjà dit qu'il lui en devrait une pour ce service.

— À Lundi, lui accore Sam, toujours agenouillé lorsque son collègue le contourne, sa veste à la main.

Sing Sing, qui s'est relevé, tourne maintenant sur lui-même pour se faire gratouiller partout, la langue pendante. On pourrait croire qu'il n'a pas vu son maître depuis des lustres. Ce dernier est soudain bien content qu'on l'ait laissé l'emmener lors de son opération jointe avec la DEA, en Décembre, sinon l'animal l'aurait peut-être étouffé à mort, à son retour.

Alors que la bête a décidé qu'il était temps de lécher le visage de Sam, ce contre quoi l'homme ne manque pas de se débattre, trop conscient des endroits où l'animal fourre parfois sa truffe, Iz sort de la salle du serveur central, juste à côté. La jeune femme tombe en arrêt devant la scène de retrouvailles. Un sourire de plus en plus grand étire ses lèvres au spectacle, qu'elle ne pourrait qualifier que d'adorable.

— Wow. Ça c'est une célébration ! Qu'est-ce qui s'est passé ? elle s'enquiert, faisant tourner la tête à l'inspecteur, ce dont Sing Sing profite pour gagner la lutte affectueuse dans laquelle ils étaient engagée tous les deux.

— Oh. Je l'ai laissé ici quelques heures, répond Sam en repoussant la bête poilue et se relevant.

— Tu ne le quittes jamais ? elle demande, curieuse.

Elle l'a toujours vu avec, c'est vrai, mais elle n'aurait pas pensé qu'il ne s'en séparait strictement jamais pour autant. Elle a bien entendu connaissance de la relation entre un maître-chien et son compagnon à quatre pattes, mais en être témoin est tellement plus parlant que sur le papier.

— Pas tant que ça, non. Mais il réagit toujours comme ça, apprend l'inspecteur à la jeune femme, tout en s'essuyant d'un revers de manche le coin de la mâchoire que le molosse a léché.

Enfin calmé, Sing Sing s'est assis, et il commence à se gratter furieusement le cou avec sa patte arrière, faisant sonner ses griffes sur le métal de son collier.

— Hey, mais qu'est-ce que tu fais là aujourd'hui, toi ? Sam interroge tout à coup la jeune femme à son tour, se rendant seulement compte que l'open space est entièrement vide autour d'eux.

— Je travaille ici, elle lui répond en secouant la tête, faussement vexée.

— Même les Samedis ? il insiste, appréciant le ton badin, mais cherchant tout de même une véritable réponse.

— Je voulais juste récupérer quelques dossiers, elle explique, tapotant la lanière de son sac à main à son épaule, qui contient sans doute son RFSD.

Il a l'impression que c'est tout ce qu'elle fait, à chaque fois qu'il la croise. Elle trie, étudie, et transmet des dossiers divers et variés, sur des affaires ou simplement des individus, que ce soit victimes, officiers, ou criminels. Il ne pourrait pas s'astreindre à une tâche aussi minutieuse en permanence. Scruter des fichiers vidéo, des relevés téléphoniques, et des comptes rendus d'analyses ces dernières semaines l'a déjà presque rendu chèvre.

— Tu avances ? il s'enquiert, espérant à moitié qu'elle travaille sur ce dont il lui a parlé il y a un peu plus d'un mois maintenant.

Avoir à calculer mentalement cette durée lui fait se faire la remarque d'à quel point le temps passe vite. Et pourtant, il ne s'est produit qu'un évènement réellement majeur, depuis ce soir-là.

— Je crois, oui, elle répond, restant volontairement vague sur le sujet de son intuition, comme pour le pousser à poser directement la question.

— Tu veux en parler ? il essaye d'obtenir des précisions sans se mouiller.

— J'y travaille encore, elle lui oppose, à la fois pour le laisser dans l'expectative et à la fois parce que, un peu comme une artiste, elle n'aime pas discuter d'un ouvrage en cours.

Il prend le fait qu'elle ne le détrompe pas comme une confirmation qu'ils sont bel et bien en train de parler de ce qu'il lui a confié. Aussi, même si elle ne récupère pas des fichiers en rapport avec ça, elle s'est forcément penchée dessus à un moment donné dans le mois qui vient de s'écouler, malgré le reste de ses tâches à accomplir, notamment cette histoire de cellule de soutien psychologique.

— D'accord, je te propose un marché : je te raccompagne chez toi, et tu me donnes trois éléments de ce que tu as déjà déterminé, il lui offre, faisant lever la tête de son animal au mot "raccompagner", qui sous-entend clairement de la marche à pied.

Il est toujours partant pour plus de promenade, lui.

— Et je gagne quoi, dans l'histoire ? elle relève, ne voyant que des avantages pour lui, dans cette transaction.

— Oh, je ne te raccompagne pas pour le plaisir. C'est purement pour ta protection en ces temps troublés, il lui explique d'un air détaché, à travers lequel elle lit sans peine.

Il a tout de même repéré qu'elle venait au travail à pied. Ça ne devrait pas l'étonner de la part d'un inspecteur, mais il a été capable de manquer qu'elle lui apportait le café pendant plusieurs mois, donc ça reste flatteur. Il y a aussi l'usage habile du danger, qu'elle ne peut pas le convaincre qu'elle n'encourt pas sans justement lui parler de ses conclusions préliminaires sur les dossiers qu'il lui a suggéré d'étudier. L'un dans l'autre, elle peut difficilement refuser l'invitation.

— Très bien. Mais seulement pour te convaincre qu'aucune menace ne pèse sur moi, elle accepte avec un sourire.

— Vendu ! il crie indirectement victoire.

Il lui cède le passage du geste, et Sing Sing se lève, comprenant qu'il est l'heure du départ.

La jeune femme n'a qu'un coup d'œil pour l'animal, qui ferme la marche. Elle n'a pas peur des chiens, mais a tout de même été impressionnée par l'allure imposante du molosse la première fois qu'elle y a été confrontée de près. Déjà à distance, son obéissance à son maître est admirable, et sa race couplée à une telle discipline n'inspire pas forcément la tendresse. Ensuite, lorsqu'on ose s'approcher, le canidé n'est pas exactement accueillant, du moins pas avant d'avoir reçu l'aval de Sam pour pouvoir l'être. Iz a été déclarée amicale dès sa première sortie café avec l'inspecteur, mais elle tout de même dû s'habituer à la présence discrète de la bête poilue.

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