1x05 - Maîtrise des dégâts (4/17) - Déménagement
Dans la chambre de Markus, au fond du couloir à gauche à l'étage de la maison des Quanto, en face de celle du père, Jena fait glisser la fermeture éclair de son sac de voyage, dans lequel elle vient de glisser ses dernières affaires. Appuyé sur le chambranle, bras croisés, le jeune homme la regarde faire sans sembler entièrement ravi de la tournure des évènements.
— Il faut pas que tu te sentes obligée, tu sais, il ne lui dit pas pour la première fois, comme le confirme l'air amusé de la jeune femme lorsqu'elle relève les yeux vers lui.
Souriante, elle dégage d'un geste machinal une mèche brune qui lui tombait devant le visage avant de répondre.
— Tu plaisantes ? Vous avez suffisamment à gérer après cette histoire à Walter Payton. Je vais être très bien dans mon studio, ne t'en fais pas pour moi, elle prend tout de même la peine d'argumenter sa décision de partir, tout en achevant de se redresser.
— Tu sais, je crois qu'au contraire ta présence nous aide, proteste Mark, se détachant de l'encadrement.
Jena retient un soupir. Il y a trois jours, elle a appris ce qui s'était passé comme tout le monde, dans les médias. En revenant, le soir, malgré elle bien après les évènements, elle n'a même pas osé mentionner que son entretien d'embauche avait été un succès. Elle a juste fait en sorte de se rendre encore plus utile que d'habitude. Elle est même allée jusqu'à dormir à côté de Mae, qui a accueilli la distraction présentée par une discussion avec la jeune femme à bras ouverts. Et chaque soir depuis, d'ailleurs.
Malgré tout ça, la brunette sait qu'il est temps de partir. Elle a l'impression de s'imposer, de ne pas être à sa place. Certaines épreuves doivent être traversées en famille seulement, et autant elle tient indéniablement à chacun des Quanto, autant elle reste une étrangère parmi eux.
— Eh bien, je vous inviterai à déjeuner, ou aller voir un film. Je vais pas disparaître, juste emménager dans mon propre chez moi, elle contourne l'objection avec brio.
— Je sais. Je me suis habitué trop vite à ta présence, c'est tout, s'excuse l'étudiant de son attitude dépendante, en glissant les mains dans les poches de ses jeans, un peu embarrassé.
— Aww. Et c'est trop mignon de ta part. Mais il faut que j'y aille, s'attendrit Jena, faisant le tour de son sac pour s'asseoir dessus.
Dans le fond, Markus est convaincu. Il proteste plus pour la forme qu'autre chose. Il ne peut pas la retenir. D'une part, prendre son indépendance fait partie des choses qui auront beaucoup de poids pour renégocier ses droits de visite à sa sœur avec ses parents. Et il ne peut pas aller à l'encontre de ça. D'autre part, il n'a pas de raison légitime de la retenir, puisqu'ils sont juste amis, comme adore le lui rappeler Rob sur un ton railleur lorsque le sujet est abordé. Et Mark déteste quand il a raison.
— Si tu veux, je pourrais distraire une infirmière pendant que tu te faufiles dans la chambre de Caroline. Je connais des termes de médecine, il propose, plaisantant à moitié seulement.
— C'est gentil, mais je veux faire ça bien, lui répond Jena, souriant mais sans rebondir sur la boutade.
— Il y a pas moyen que t'empêcher de la voir aide son cas, fait remarquer le futur médecin en soupirant.
— On peut pas dire que ça l'empire pour autant, réplique la jeune femme malgré elle.
Ne pouvant pas répondre de manière pertinente, le jeune homme dégage enfin le passage, et laisse la jeune femme quitter la pièce avec son bagage. Il lui emboîte le pas dans le couloir puis les escaliers, jusqu'à la porte d'entrée. Là, ils attrapent tous les deux leurs vestes sur le portemanteau et sortent de la maison.
Ils marchent en silence jusqu'à l'arrêt de bus le plus proche, et restent encore un moment muets une fois arrivés, à regarder leurs pieds. Markus jette de furtifs coups d'œil en biais à la jolie brune, qui n'arrête pas de remettre mèche après mèche derrière son oreille, la gravité n'aidant pas à les garder en place.
— On reste en contact, d'accord ? il finit par craquer.
— Je t'ai déjà dit oui ! Si ça peut te rassurer, tu n'as qu'à passer par le bar, en début de soirée. Et amène Rob. Depuis le temps que tu m'en parles, il serait temps que je le voie enfin, le rassure Jena.
L'entretien qu'elle a passé il y a quelques jours était en effet pour le poste de barmaid, dans un pub proche de l'hôpital où se trouve sa sœur. Son nouvel appartement est également situé dans ce quartier. Il semblerait qu'elle ait acquis de l'expérience dans cette fonction lors de sa vadrouille en solitaire. Aussi, l'industrie du service est la plus accueillante pour les Alternatifs comme elle, qui cherchent un salaire.
— Que tu le REvoies. Je me répète, mais vous avez été au lycée ensemble, corrige Markus, désespéré de ne pas pouvoir plus rafraîchir la mémoire de la jeune femme que celle de son meilleur ami.
— Raison de plus pour passer, elle utilise sa remarque pour mettre de l'eau à son moulin.
Le jeune homme ne peut pas s'empêcher de rire à sa vivacité d'esprit, et acquiesce du chef, acceptant tacitement son invitation. Lui et Robert peuvent toujours faire avec une petite pause dans leurs révisions, et il est vrai qu'il n'a toujours pas réunis ses deux amis. Il se demande tout à coup bien pourquoi, d'ailleurs.
Bientôt, le bus de la jeune femme arrive. Sans que l'étudiant s'y soit attendu, elle l'enlace soudain, passant un bras autour de son cou et l'autre autour de son épaule. Surpris, le temps qu'il pense à réagir, elle s'est déjà détachée de lui et est montée dans le véhicule. Markus reste muet sur le trottoir, à lui rendre son geste de la main, à travers la vitre. Elle éclate d'un rire qu'il ne peut pas entendre, sans doute à son hébétement, avant de disparaître au loin. Cette fille va le tuer. Et il a cette impression coupable d'être impatient que ça arrive.
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