1x05 - Maîtrise des dégâts (16/17) - Degriff
La journée scolaire, bien qu'exceptionnellement dénuée de cours, se termine tout de même seulement à la dernière sonnerie. Séparé de Mae et Ellen, la première étant allée chercher son frère dans les couloirs et la seconde étant rentrée directement chez elle, Nelson se rend jusqu'à son casier, afin d'y récupérer son baladeur. L'outil quitte rarement son sac voire sa poche, habituellement, mais cette dernière semaine il n'a sans grande surprise pas trop eu la tête à écouter de la musique. Il se dit cependant que l'envie lui reviendra peut-être ce week-end, et préfère ne pas regretter d'avoir laissé l'accessoire là.
Sur l'intérieur de la petite porte de métal qu'il a ouverte à l'aide de sa combinaison et une identification biométrique standard, l'adolescent a appliqué le même aimant que tous les autres élèves de Walter Payton ou presque, à l'effigie de la mascotte du lycée, un ours orange et bleu. L'animal est également accompagné de plusieurs autres rectangles magnétisés, polarisés grâce à un photomaton. Maena a eu cette idée lors de l'une de leurs sorties en trio, et Ellen et elle ont des bandelettes similaires sur leur propre porte de casier, sur lesquels les trois amis enchaînent quatre poses grimaçantes.
— Nelson ! l'appelle soudain une voix féminine, alors qu'il referme son compartiment, ce qu'il est venu chercher en main.
— Sarah ? il s'étonne, la présence de la rouquine à frange dans le couloir confirmant qu'il a bien identifié celle qui l'a interpellé.
Il regarde à droite et à gauche, pour s'assurer que lui et la jeune fille sont bel et bien seuls, et qu'il n'aurait pas éventuellement un autre garçon aux alentours, par pure coïncidence lui aussi prénommé Nelson. Mais non.
— Coucou, elle le salue, en s'arrêtant à sa hauteur.
— Salut. Qu'est-ce que tu veux ? il lui répond avec de grands yeux, méfiant.
L'adolescente lève les yeux et soupire, exaspérée par sa réaction mais se retenant de lui en tenir rigueur, pouvant la comprendre.
— Je… voulais te dire merci, elle lui annonce avec un petit éclaircissement de gorge, comme si ça lui écorchait la bouche.
— Pour quoi ? il ne comprend pas.
— Pour l'autre jour. Dans le couloir, elle essaye de lui rafraîchir la mémoire.
Il plisse les yeux au caractère particulièrement vague de ces indices.
— La fois dont je ne dois parler à personne ? il saisit tout de même où elle veut en venir, mais uniquement parce qu'elle ne lui a adressé la parole qu'une seule autre fois dans sa vie.
— Cette fois-là, oui, elle confirme rapidement, comme pressée de changer de sujet.
— Pourquoi "merci" ? il ne comprend toujours pas.
Autant qu'il se souvienne, il n'a rien fait. Il l'a laissée plantée là, mascara dégoulinant sur ses joues.
— Parce que tu as essayé d'être gentil, et je t'ai envoyé péter, elle s'explique, repoussant sa chevelure orange derrière son épaule d'un geste presque désinvolte.
— C'est "désolée", que tu devrais me dire, il la corrige.
Il n'est pas du genre à se laisser distraire par des artifices. Il ne peut pas nier qu'elle est très jolie, et qu'elle sent bon, aussi, mais il passe déjà son temps avec deux filles très jolies chacune à leur façon. Il a appris assez tôt à résister à leurs regards de labrador et autres astuces bien spécifiques de leur genre pour obtenir ce qu'elles veulent. Non pas que Mae ou Ellen en fasse souvent usage sur lui de toute manière.
— Bon, je suis pas douée pour ces choses-là, d'accord. Mais on a failli mourir Mardi dernier, alors je fais un effort, persiste la reine du lycée, plus agressive que ne le mériterait son discours, ce qui témoigne de l'effort qu'il lui demande.
— Oh. Bah… de rien, il lui accorde, voyant qu'elle a vraiment pris sur elle pour l'aborder et lui dire tout ça.
— Je commençais à croire que je te trouverais jamais sans tes gardes du corps, elle commente ensuite, lui faisant immédiatement oublier le peu de progrès qu'elle venait de faire à ses yeux.
— Mes gardes du corps ? il relève, haussant un sourcil, voyant malgré lui très bien de qui elle veut parler.
— Tes deux siamoises ? Mae et…? s'explique la rouquine, comme il s'y attendait.
— Ellen. Elle s'appelle Ellen, il lui apprend sèchement, se détachant de son casier et essayant de contourner l'adolescente qui lui fait face.
— Voilà, elles, elle ne se démonte pas à son ton, et commence à marcher à côté de lui.
— Donc, tu veux me remercier, mais pas devant témoins ? il essaye de lui faire comprendre son faux pas, puisqu'elle semble en être complètement inconsciente.
— Comme je l'ai dit, je suis pas douée pour ces choses-là. Mais je compte m'améliorer, elle l'assure, battant des cils avec un sourire enchanteur.
Il secoue lentement la tête en la dévisageant, se demandant si elle est sérieuse. Elle ne peut pas réellement ignorer à quel point elle est détestable, si ?
Il aimerait bien se débarrasser d'elle, mais ils vont dans la même direction, et d'ailleurs sans doute vers la même destination, alors à moins de lui demander de le laisser tranquille de but en blanc, ce qui serait aussi méchant qu'elle lorsqu'elle ne se souvient pas du nom des gens, il ne peut que la tolérer jusqu'à ce qu'ils aient quitté le bâtiment.
Et puis, on ne sait jamais, peut-être qu'elle va réussir à apprendre deux trois règles de bienséance basiques, en ce court temps qu'ils vont passer ensemble.
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