1x05 - Maîtrise des dégâts (10/17) - Isolement

En sortant de son entrevue avec Liz, Jack est allé rejoindre Caesar là où il l'avait laissé, seulement pour ne plus l'y trouver. Il a donc rebroussé chemin avec un petit soupir las, et s'est dirigé vers l'étage supérieur, où il savait que son ami serait allé s'il avait été dérangé. Pas besoin d'être un génie pour deviner, les options restreintes. Aussi, il le connaît bien.

— Tu sais, dès que les cours vont reprendre, il va bien falloir que tu te remettes de ton agoraphobie, déclare le jeune prodige en poussant la porte des toilettes du dernier étage du lycée.

Assis sur le rebord de la fenêtre, dans le fond de la pièce, son sac à ses pieds, Caes lève ses grands yeux marron vers son camarade. Toujours aussi théâtral, Jack croise les bras tandis que le battant se referme derrière lui. L'image tire un sourire au grand brun.

— Pas nécessairement. J'ai un pote qui a suivi beaucoup de cours par correspondance, et il va presque bien, il retourne au petit génie, voulant bien évidemment parler de lui.

Jack a un éclat de rire amusé, puis vient s'appuyer sur le lavabo le plus proche de la fenêtre, faisant glisser son sac de son épaule au sol d'un mouvement machinal.

Comme la situation du principal et de son équipe durant la prise d'otage, ce qu'a fait Caesar a très vite fait le tour de l'établissement. Ainsi, dès qu'il est arrivé le lendemain matin, tous les regards étaient braqués sur lui, avec un niveau de discrétion variable. S'il assume totalement sa décision, l'adolescent n'est pas spécialement à l'aise avec autant d'attention, et a donc passé ces derniers jours en isolation volontaire. Et quel meilleur endroit pour ça que les sanitaires, où personne ne peut s'éterniser sans lui-même s'attirer des regards suspicieux ?

— Qu'est-ce qui s'est passé, au deuxième étage ? interroge Jack, curieux de savoir ce qui a délogé son ami de sa précédente cachette.

— Tu vois le besoin naturel que tu aimes bien satisfaire dans les toilettes, qui n'est pas celui que tu es censé y satisfaire ? lui répond Caes sous forme de devinette.

— Hum. Tout le monde gère les situations de crise différemment, se contente de commenter le petit blond, voyant très bien ce dont il est question.

Malgré sa boutade, comment Jack peut encore trouver des filles pour se laisser prendre à son jeu, alors qu'en moins d'un mois sa réputation était établie, reste un mystère pour Caesar. Et ce n'est même pas comme s'il prenait les plus naïves ou les moins regardantes. Il y a évidemment des demoiselles qu'il n'essaye même pas d'approcher, connaissant leurs principes incompatibles avec ses intentions, mais ses conquêtes ne sont jamais connues comme faciles pour autant. Encore plus incroyable, certaines viennent même le chercher d'elles-mêmes. Celles-ci sont d'ailleurs étrangement souvent à l'origine d'altercations qui conduisent le petit blond à l'infirmerie. Et le grand brun se demande même si son ami ne préfère pas quand ça termine de cette façon.

— Si tu veux sécher les cours Lundi, je suis opé, mais il faut que tu me préviennes, reprend le blondinet sur le sujet de leur situation de fugitifs ou presque.

Comme il l'a mentionné à sa thérapeute plus tôt dans la matinée, il n'a pas manqué de faire part à Caesar d'à quel point son comportement avait été à son sens complètement fou, dès qu'il l'a revu. Ce qu'il a négligé de préciser, c'est que l'échange n'en a en fait pas vraiment été un, consistant majoritairement en son application de tous les adjectifs du champ lexical de la folie et de la stupidité à la décision en question, pendant que le kamikaze concerné écoutait sagement.

Ce que Jack a aussi omis de révéler à Iz, c'est qu'après cette réaction explosive, selon lui nécessaire, il s'est immédiatement radouci et mis sur son meilleur comportement, pour son camarade. Il ne se considère peut-être pas comme quelqu'un de bien, et est suffisamment crevard pour laisser son ami se sacrifier pour lui en toute connaissance de cause (qu'il pense parallèlement qu'une telle abnégation est idiot n'invalide aucunement le fait qu'il en sache Caesar capable), mais il peut tout de même se rendre compte que ne démontrer aucune gratitude envers ce comportement protecteur serait malvenu.

C'est ainsi que le blondinet se retient depuis trois jours de distribuer des droites à certains élèves au regard un peu trop critique à son goût, et de répliquer quoi que ce soit aux commentaires émis un peu fort sur leur passage. Parce que ce n'est pas ce que Caes voudrait. Et c'est aussi pour cette raison que Jack a accepté d'aller s'enterrer dans les toilettes toute la journée, au lieu d'au contraire affronter fièrement les œillades indiscrètes, comme il l'aurait fait s'il avait été tout seul. C'est sa façon retorse de manifester sa reconnaissance. Quand son pronostic vital n'est pas en danger, il estime pouvoir se permettre d'être un peu moins égoïste.

— On va pas sécher. C'est pas la peine. Ça se sera calmé, d'ici là, tempère le grand brun, avec un sourire en coin.

Il a effectivement subi la réaction première de Jack sans broncher, parce qu'il sait que, en dehors d'avoir quelque part un peu raison, ou en tous cas pas entièrement tort, pour tous ses points de QI supplémentaires, il serait malgré tout bien incapable de comprendre son point de vue. Pouvoir prévoir le comportement des autres ne lui rend pas leurs motifs accessibles pour autant. Alors il n'a pas cherché à se justifier.

L'attitude du jeune prodige après ça, en revanche, Caesar ne s'y attendait pas. C'est le plus attentionné qu'il l'ait jamais vu. Il le voit bien serrer les mâchoires, se mordre la langue, fermer les poings, et tendre le dos. Et il ne l'aurait pourtant pas pensé capable de se retenir de quoi que ce soit. Tout le monde s'est montré génial, suite à l'incident, ni trop oppressant ni trop désinvolte, juste comme il faut, mais l'effort de son meilleur ami est celui qui l'impressionne et donc le touche le plus.

— Pff. Si même un truc pareil n'arrive pas à te corrompre, je crois que je vais jeter l'éponge, grommelle Jack.

Il n'a pas perdu son humour. Ce serait sans doute trop lui demander, et Caes en est de toute façon bien content. S'il apprécie son énorme application à réprimer une partie de son naturel, il n'aurait pas supporté que ça l'étouffe complètement. Il était prêt à être emmené par des mercenaires armés de fusils d'assaut pour lui, donc il ne voit pas comment il pourrait accepter d'être celui pour qui il efface absolument tout ce qui fait de lui qui il est.

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