1x04 - Haut les mains (4/15) - Trépignements
Cela fait très exactement quinze jours que Joseph Pierce a été tué. Pourtant, même sans les photos de la scène de crime affichées à côté de leur bureau, les deux inspecteurs affectés à l'affaire n'auraient aucun mal à la visualiser. Certains meurtres vous restent pendant plus longtemps que d'autres. Et contrairement à ce qu'on pourrait croire, ce ne sont pas toujours les plus sanglants ou les plus tragiques. Celui-ci leur laisse simplement une impression de malaise.
Des éléments ont bien été ajoutés à la paroi les séparant de leurs collègues des bureaux d'à côté, mais rien qui ne semble bien concluant. Des logos d'enseignes assez diverses, des fragments de vidéos et des photos aussi sombres que floues, une liste de noms pour la plupart barrés, …
— Eargh. On n'arrive à rien, désespère Patrick en laissant son front tomber sur son bureau.
Autour de sa tête, on peut distinguer qu'il épluchait apparemment un relevé téléphonique, visiblement avec peu de succès dans l'entreprise d'y repérer un motif suspect, au code couleurs commençant à devenir plus qu'encombré.
— On n'est pas les seuls, essaye de le consoler son coéquipier en face de lui.
D'autres duos d'inspecteurs sont en effet également coincés sur une affaire avec très peu de pistes, certains même depuis plus longtemps qu'eux. L'impression de malaise est plus générale que restreinte à leur enquête. Ici, un paraplégique selon toute indication électrocuté, retrouvé au beau milieu d'un parc sans sa chaise ; là, un père de famille littéralement découpé en rondelles juste devant chez lui ; ailleurs, un groupe de junkies calcinés un soir de pluie, le degré de brûlure trop important pour déterminer la cause de la mort. Quant aux meurtres des dealers de drogues en fin d'année, ils n'ont toujours pas été résolus non plus. La liste des affaires que Sam a soumises à Iz pour étude il y a deux semaines ne fait que s'allonger, et il semble de plus en plus plausible que la jeune femme trouve quelque chose. Le mauvais pressentiment de Randers, à propos d'une étrange vague d'homicides, paraît de plus en plus valide au fil du temps.
Et pourtant, l'inspecteur semble l'avoir oublié.
— Justement ! Tu m'expliques comment c'est statistiquement possible que pratiquement personne dans ce foutu commissariat n'arrive à quoi que ce soit ? répond Pat en relevant la tête, la remarque de Sam ayant l'effet opposé de le rassurer.
— Il y a bien la loi de Murphy qui dit que… commence l'autre, citant machinalement son aîné.
— C'était rhétorique, l'interrompt Patrick avec un regard atterré, détestant lorsqu'il commence à parler science, y connaissant encore moins que lui.
— Ça fait que deux semaines. On a eu des affaires plus longues, Sam poursuit ses efforts pour tempérer le spleen de son partenaire.
Il est habitué à prendre le contrepied de son humeur afin que leur duo fonctionne toujours de manière optimale.
— Ouais, mais avec au moins une piste qui se tienne. On a retracé toutes les fêtes auxquelles il est allé pendant le dernier mois. On a interrogé toutes les personnes susceptibles de l'avoir vu aux fêtes en question qu'on a pu trouver. On a cherché toutes ses exs, y compris celle qui lui a refilé le SMIDA, et celles à qui il l'a potentiellement refilé lui. On en est quand même réduits à éplucher son itinéraire de travail, ses clients, même son supermarché ! Merde, on est carrément en train d'essayer de voir si personne n'avait voulu s'en prendre à sa sœur par son intermédiaire, liste Randers, perdant le contrôle de son tempérament colérique.
— Tu as fini ? ne se laisse pas impressionner Sam.
S'énerver à son tour ou lui dire de se calmer ne sont pas des tactiques efficaces. Le sont-elles d'ailleurs avec qui que ce soit ?
— Non, c'est bien le problème ! Du peu de mobiles qu'on a pu isoler, aucun ne tient la route. C'est le crime le plus aléatoire jamais commis, aboie Pat, fulminant.
— Pff, prends un ticket, Randers, marmonne un autre détective en passant près d'eux.
— D'accord. Si c'est aléatoire, traitons-le comme tel, propose Sam avant que Patrick n'ait le temps de se lever de son siège pour répondre à leur collègue railleur.
L'inspecteur serre les mains sur le rebord de son bureau à s'en faire blanchir les phalanges, mais parvient à retrouver un semblant de sang-froid, à en juger par la longue et lente expiration qu'il laisse sortir de sa bouche.
— Sans preuve physique, ça risque d'être difficile, il répond, ne rejetant pas l'idée mais doutant tout de même de sa viabilité.
Si on veut tuer une personne au hasard et laisser un message par son intermédiaire, comme le fait que le corps de Joseph Pierce ait été laissé sur les lieux du crime dans une position aussi spécifique semble l'indiquer, autant rendre ce message clair. En l'occurrence, il serait bien plus logique que la victime n'ait pas été choisie entièrement au hasard. D'un autre côté, si les meurtres étaient toujours absolument logiques, le métier d'enquêteur serait sans doute trop facile.
— C'est vrai que le labo en met, du temps. Mais ce sont des choses qui arrivent. Ils vont forcément nous donner quelque chose. En attendant, on continuer d'écarter les possibilités qu'on peut. D'accord ?
À ce qui est affiché sur son propre plan de travail, Sam est de son côté en train d'examiner la vidéosurveillance des commerces où la victime s'est trouvée avant sa mort. Il espère y repérer un individu suspect, ou même une altercation qui laisserait présager quelque chose de néfaste. L'ennui, c'est qu'en cherchant des problèmes à quelqu'un, on finit toujours par en trouver. Tout le monde croise des gens étranges à un moment donné ou un autre, ou se dispute avec un inconnu pour une raison X ou Y. Pourtant, ce n'est pas la majorité de la population qui est retrouvée morte dans un parking en construction. Heureusement, d'ailleurs. Mais en conséquence, ça rend la frustration de Patrick compréhensible.
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