1x04 - Haut les mains (2/15) - Zone d'inconfort

Ce matin-là, au lieu de trouver Jack dans l'une de ses postures statuesques fétiches, et l'un de ses gardes du corps à une distance acceptable, Caesar découvre le petit blond en pleine altercation avec plusieurs de ces derniers. Il n'est pas rare que son escorte en prenne pour son grade, mais ça n'a jamais été que verbal, et est toujours resté suffisamment bon enfant pour ne pas être mal pris. Et s'il n'est pas rare non plus que Jack en vienne aux mains, ça n'a jamais été avec des adultes, et surtout toujours pour des bêtises, rien de sérieux. D'un autre côté, Caes ne se souvient pas avoir déjà vu son ami dans une colère aussi prononcée. Il n'est même pas certain de l'avoir connu en colère tout court, lui qui dispose d'une telle armure face à la provocation.

- Dégage ! Recule ! ordonne l'adolescent en repoussant physiquement l'homme en costume le plus proche de lui, pour qui il n'est cependant pas très difficile de résister.

En se confrontant à lui de manière aussi frontale, Jack doit forcément savoir qu'il ne peut rien contre le géant. Mais il cherche visiblement plus à obtenir une explication de sa part qu'à réellement se débarrasser de lui. Pour le moment, en tous cas.

- Nos instructions sont claires, plaide l'armoire à glace, stoïque.

- Et là, je suis pas clair, peut-être ? Va-t'en ! Jack réitère aussi bien son injonction que son geste, sans plus de succès.

- Qu'est-ce qui se passe ? s'enquiert Caesar, interrompant la bagarre unilatérale.

Les autres élèves autour, dans le couloir, ont pris soin de laisser une distance de sécurité entre eux et la dispute, bien qu'ils aient tous les yeux rivés plus ou moins discrètement sur la scène. Voilà qui fera un bel article pour le journal du lycée.

- Ils sont super collants. Et le pire c'est qu'ils ne veulent pas me dire pourquoi. Enfin, je sais pourquoi, c'est parce que mes parents leur ont dit de l'être. Mais ce que je ne sais pas, c'est pourquoi ils leur ont dit ça en premier lieu. Donc, dans la ligne de causalité, il me manque toujours une pièce, explique le blondinet avec de grands gestes brusques, et à un rythme qui rend son raisonnement difficile à suivre.

Est-ce que tout va toujours aussi vite dans sa tête, et il passe simplement son temps à tout ralentir pour le bénéfice du commun des mortels ?

- Il ne s'est rien passé de particulier chez toi ? propose Caes, regardant à son tour les gardes du corps, qui l'ignorent royalement comme à leur habitude.

Ils pourraient au moins se justifier, ce serait en effet la moindre des choses. Ils encadrent un adolescent, ils pourraient comprendre que son espace vital lui semble important. Et en quoi l'informer de la menace qu'ils pensent peser sur lui compromettrait sa sécurité ? Ne rien lui dire paraît en l'occurrence beaucoup plus risqué. Non pas que Jack ait jamais couru un quelconque risque. Il est escorté plus pour la forme qu'autre chose. Pour preuve, en dehors des heures de cours, le petit génie arrive très bien à se débarrasser de ses accompagnateurs, et il ne lui est jamais rien arrivé. Et pourtant, à ses récits, il ne traîne pas exactement dans les endroits les plus fréquentables, à pratiquer les activités les plus sûres.

- Qu'est-ce que j'en sais ? Tout est particulier, chez moi, répond Jack avec irritation, foudroyant les molosses du regard.

À leur place, Caesar aurait peur. S'il n'est pas capable de leur faire du mal à mains nues, il est suffisamment doué pour prendre sa revanche de mille autres façons. En l'écoutant parler, le grand brun à parfois peur de ce que son ami pourrait faire s'il tournait son intelligence vers le crime. Il le sait enfreindre les règles à longueur de journée, mais toujours sans conséquences graves. Il lui a toujours semblé qu'il connaissait ses limites. À ce regard meurtrier, il est cependant soudain pris d'un doute sur ce point.

- Peut-être que tu devrais faire confiance à tes parents, suggère alors le lycéen, essayant de tempérer les ardeurs de son camarade.

Jack éclate d'un rire à la fois franc et désenchanté.

- Ce serait une première ! il répond, posant enfin ses yeux sur son ami.

Un peu détendu par la boutade qui ne s'en voulait pas une, il attrape son sac d'un geste encore un peu rageur, suivant le conseil qui vient indirectement de lui être donné et lâchant l'affaire. Lorsqu'il fait deux pas en direction de la porte de la classe, il est cependant immédiatement suivi de ses gardiens, et Caes le voit se figer et se tendre. Il doit bien admettre que là, la proximité semble excessive, quelles que soient les craintes de Mr. et Mrs. Nimbleton.

- T'en fais pas. Dès qu'on entrera en cours, ils vont disparaître, comme d'hab, l'encourage le grand brun, posant une main sur son épaule pour retenir la nouvelle explosion qu'il peut pratiquement voir monter.

Il dit la vérité. Peu importe combien les parents de Jack ont ordonné aux gardes du corps de leur fils de le talonner, ils n'ont pas le droit d'entrer dans les salles de classe durant les heures de cours. Leur présence a été jugée perturbatrice par le corps éducatif, en plus d'inutile. Aucune des salles à Walter Payton ne possède en effet plus de deux issues, et lorsque c'est le cas elles sont visibles de l'une à l'autre. Si le blondinet courait un quelconque danger, il faudrait qu'il vienne de l'un de ses camarades de classe ou de son professeur pour que ses protecteurs ne le voient pas arriver. Et il est fort probable que le dossier de tout élève et enseignant qui côtoie le petit génie ait été soigneusement étudié par les services de sécurité de la famille Nimbleton, donc il n'y a pas de souci à se faire de ce côté-là.

Jack fait craquer sa nuque dans un mouvement agacé, mais parvient à conserver son calme, et pénètre dans la pièce sans rien ajouter. Caesar retire sa main de son épaule en le sentant avoir retrouvé sa maîtrise de lui-même, et lui emboîte le pas. Malgré sa sagesse quant au fait que la meilleure marche à suivre est d'ignorer la situation, il dévisage tout de même les agents de sécurité au passage, alors qu'ils se sont arrêtés sur le seuil comme il l'avait anticipé. Encore une fois, les armoires à glace ne réagissent cependant absolument pas à l'air d'incompréhension qu'il leur accorde. S'il apprenait que ce sont des robots, le lycéen ne serait sans doute pas si surpris.

Lorsque tous les élèves sont installés et que le professeur ferme la porte au nez des molosses, les deux adolescents ne peuvent pas se retenir de partager une petite moue de satisfaction, et viennent même taper leurs poings fermés l'un contre l'autre, en célébration de cette petite victoire.

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