1x04 - Haut les mains (15/15) - Après-coup
De l'autre côté de la rue du lycée Walter Payton, Alek scrute avec intensité la foule des élèves qui commencent à sortir de l'établissement, à la recherche de ses deux plus jeunes. À sa gauche, son fils aîné est tout autant en alerte pour les visages de ses cadets. À leur droite et en retrait, Sam et Patrick s'entre-regardent, inquiets. Leurs collègues sont entrés en sachant qu'ils n'auraient pas moyens de communiquer, ni entre eux ni avec l'extérieur. Le duo n'a pas l'habitude d'assister à un raid depuis le banc, et encore moins sans avoir de retour quel qu'il soit.
Maena apparaît la première, encadrée d'Ellen toujours accrochée à Nelson d'un côté, et de son professeur de Mathématiques de l'autre. Ce dernier l'incite régulièrement du regard à avancer, à chaque fois qu'elle se retourne, n'ayant qu'une seule envie, repartir en arrière pour trouver son frère.
Dès qu'elle aperçoit son père, elle fend cependant la foule pour le rejoindre, comme lui traverse la route, de toute façon barrée. La petite blonde se jette au cou de son paternel, qui embrasse et caresse ses cheveux, yeux clos, submergé par le soulagement. Markus, Sam, et Patrick, restés en arrière, partagent un soupir et une accolade rassurés. Ils sont évidemment accompagnés dans leur célébration par Sing Sing, qui se lève malgré l'ordre de rester assis, voulant prendre part à la liesse générale.
C'est l'étudiant en médecine qui repère ensuite Caesar, en provenance de l'autre porte du bâtiment. Son frère est encore barbouillé de sang qui n'est pas le sien, et tenu par l'épaule par l'officier qui l'a trouvé dans le couloir. L'aîné rejoint son cadet avec inquiétude, sous l'œil des deux inspecteurs, qui choisissent de conserver leur position, puisqu'Alek est toujours occupé avec Mae, qu'il examine pour s'assurer qu'elle est bien saine et sauve.
— Hey ! C'est mon frère ! Qu'est-ce qui s'est passé ? Markus s'adresse à l'homme en tenue d'assaut, lui prenant le relais de la charge de son frère.
— Ce n'est pas le sien. Il n'est pas blessé, juste sous le choc, lui explique alors calmement l'officier, parlant évidemment des peintures de guerres dont a été malgré lui rebaptisé l'adolescent qu'il vient de libérer.
Remerciant l'intervenant d'un hochement de tête, le jeune homme essaye alors d'attirer le regard de son petit frère à lui, mais il n'a qu'un succès à peine moins mitigé que son prédécesseur. Caesar a encore les yeux fuyants, n'arrivant pas à focaliser son attention sur quelque chose de précis.
Au coin du bâtiment, Maena est toujours en train d'essayer de convaincre son père qu'elle n'a absolument rien, et qu'elle n'est de toute façon pas la priorité.
— Papa ! Papa, je vais bien, je t'assure ! Où est Caesar ? elle l'interroge anxieusement, reprenant sa recherche frénétique du plus jeune de ses deux grands frères.
Les voyant scanner la foule, Sam attire leur attention du geste, et leur indique du menton la direction par laquelle Caesar et Markus sont en train de les rejoindre. La petite blonde se précipite immédiatement vers eux, les interceptant avant qu'ils n'aient pu atteindre les inspecteurs. Elle entoure Caes de ses bras, sans aucun ménagement. Ce dernier se réveille enfin un petit peu, refermant les siens autour de sa sœur.
— J'ai eu trop peur ! elle lui dit, ne le lâchant pas.
Alors que toute la famille est enfin réunie autour des deux adolescents enlacés, Sam vient poser une main sur l'épaule de son frère, voyant des larmes de soulagement se former au coin de ses yeux. L'ingénieur se cache le bas du visage avec une main, et rend son accolade à son cadet de l'autre.
— Attends… Où est Jack ? la benjamine passe soudain de rassurée à de nouveau inquiète, lorsqu'elle enregistre le rouge en travers du visage de son frère.
— Je suis là. Comment il va ? répond justement la voix du blondinet derrière elle, attirant les regards de presque tout le monde dans le petit groupe.
Sa classe vient seulement d'être évacuée, et il a immédiatement joué des coudes pour rejoindre la famille Quanto et compagnie. Mae est soulagée de le voir en un seul morceau, les terribles idées qui venaient de traverser son esprit à la vue du sang oubliées. Elle s'imaginait déjà que Strauss s'était trompé, et que les mercenaires étaient finalement venus pour faire du mal au jeune homme.
— Qui es-tu ? Sam interroge le petit blond, qu'il ne connaît pas, venant presque s'interposer entre lui et sa famille.
L'adolescent étant arrivé en Septembre dernier, l'oncle a déjà entendu son prénom, mais ne l'a jamais rencontré en personne. Jack a un soupir un peu exaspéré, mais se résigne à des explications, conscient qu'il est non seulement un inconnu, mais que son interlocuteur ne sait pas non plus ce qui vient de se dérouler à l'intérieur de l'établissement exactement.
— Je suis Jack Nimbleton. Le fils de l'ambassadeur Crawford Nimbleton. Tout ça, c'est ma faute. Ces types, ils étaient là pour moi. Et Caesar a pris ma place, explique l'héritier.
Malgré la cadence assez soutenue de son discours, le jeune prodige s'efforce de conserver ses phrases courtes, et fait usage de gestes, se désignant successivement lui-même et le lycée derrière lui, peu désireux de perdre du temps à être mal compris. Il est trop inquiet pour son ami pour ça.
— Il va bien, il est juste en état de choc, lui apprend Markus, voyant bien qu'il ne feint pas l'anxiété.
De plus, il a pour sa part déjà rencontré le jeune prodige, même si brièvement.
— Comment ça, il a pris ta place ? se permet de relever Patrick, devançant son coéquipier d'une fraction de seconde.
— Il s'est fait passer pour moi, reformule l'adolescent, n'ayant pas manqué de repérer les badges à la ceinture et autour du cou des deux hommes qui le questionnent.
Il n'a aucun mal à déterminer lequel est l'oncle de son ami, qu'il sait inspecteur de police, bien qu'ils ne se ressemblent pas vraiment. La main qu'avait Sam sur l'épaule de son frère un instant plus tôt était notamment un indice révélateur.
— Quoi ? réagit enfin Alek, jusqu'ici occupé à remercier le Ciel que tous ses enfants aillent bien.
— C'était clairement stupide de sa part, mais je le lui dirai plus tard. Là tout de suite, je voudrais juste être sûr qu'il va bien, concède Jack, revenant petit à petit à son tempérament habituel.
— Il est secoué, mais il va bien, Sam répète le bilan de Markus quelques minutes plus tôt.
L'oncle ne connaît peut-être pas ce gamin, mais il entretient clairement une relation solide avec son neveu. Suffisamment pour que ce dernier se fasse passer pour lui lors d'un kidnapping. Ce dont ils devront d'ailleurs discuter lorsqu'il aura retrouvé ses esprits.
— Qu'est-ce qui s'est passé ? Pourquoi est-ce qu'il a du sang sur le visage ? insiste Jack, frustré de ne pas savoir quelque chose.
— Il se tenait près des preneurs d'otages lorsqu'ils ont été interceptés. Ce n'est pas le sien, lui explique Sam, l'ayant déduit tout seul de l'attitude de l'agent ayant accompagné Caesar jusqu'à la sortie, puis celle de son autre neveu.
L'inspecteur aurait pu mal prendre la presque agressivité de Jack, mais après ce qu'il vient de vivre, il ne peut pas lui en tenir rigueur. Et surtout, il ne fait que s'inquiéter pour Caesar, ce qu'ils ont en commun.
— Où sont tes parents ? s'enquiert ensuite Patrick.
Il semble légitime que ces derniers viennent parler à la police, si leur fils est effectivement à l'origine de l'incident. Sans compter qu'autour, après une période de flottement durant laquelle tout le monde cherchait ses proches qui n'avaient soit pas encore eu le temps de venir soit n'avaient même pas encore été prévenus, les familles commencent enfin à arriver.
— Ils ne viendront pas, annonce le petit blond du tac au tac, en secouant la tête.
Il ne semble pas excessivement affecté par cet état de fait, pourtant tragique.
— Tu viens d'être la cible d'une tentative d'enlèvement. Et ton lycée vient d'être pris en otage, lui rappelle Sam, estimant que ce sont deux évènements suffisamment exceptionnels pour entraîner une visite parentale, même en début d'après-midi, et même de la part d'un Ambassadeur.
— Ils sont en Corée, lui apprend alors le blondinet, avec un sourire forcé, pas spécialement heureux de remporter cette discussion.
Les deux inspecteurs restent sans voix. Ils sont contents de ne pas être chargés de devoir rédiger le rapport de cette affaire, parce qu'ils sentent qu'il va être limite absurde. Mais surtout, ils sont attristés par la situation familiale du blondinet devant eux.
— Tu veux dire que tu es seul chez toi ? vérifie l'oncle.
— Je suis jamais seul chez moi. Certains diront même que je ne suis pas tout seul dans ma tête, répond Jack avec humour, bien que sans mentir.
— C'est une situation sérieuse, petit, essaye de le tempérer Pat.
— Je sais. Pensez-bien à dire à Caes merci quand il sortira de sa catatonie. Je resterais bien, mais je crois que ce sont mes gardes du corps qui viennent d'être sortis de là. Et je pense que c'est la moindre des choses de les accompagner à l'hôpital après qu'ils se soient fait tabasser par ma faute. En plus, je leur ai crié dessus ce matin, Jack s'excuse.
Encore une fois, les coéquipiers ne savent pas quoi répondre à cette déclaration. C'est le cas de beaucoup lors de leur première conversation avec le petit génie. Il peut être très déroutant lorsqu'on n'y est pas habitué, et l'est sans doute d'autant plus en ces circonstances particulières. Les deux hommes regardent l'adolescent se mêler au cortège qui emmène effectivement plusieurs brancards vers autant d'ambulances, dans l'une desquelles il prend place.
Par chance, même si certains geôliers se sont montrés un peu moins cléments que d'autres, et certains otages un peu moins coopératifs, les gardiens de Jack semblent être les blessés les plus graves à déplorer. Les secouristes, qui se tenaient déjà prêts avant l'intervention, n'ont que quelques entailles au visage et aux poignets à traiter, en dommages physiques du moins. Caesar ne parle toujours pas, bien qu'il ait un regard pour son camarade blond alors que les portes de l'ambulance se referment sur lui.
— Woof !
L'aboiement fait soudain se rendre compte à Sam que son chien n'est plus à ses pieds. Suivant l'origine du bruit, le maître repère rapidement son Rottweiler au pied d'un arbre, à droite de l'entrée par le terrain de baseball. L'animal renifle avec insistance et aboie une nouvelle fois.
Le rejoignant, l'inspecteur ne remarque rien de spécial à cet emplacement. Il ne doute pas des compétences de son compagnon à quatre pattes, mais dans une situation pareille, il se voit mal demander aux équipes de récupération des preuves, qui ne devraient plus tarder à être déployées maintenant, de s'intéresser tout particulièrement à cet arbre. Surtout quand les suspects sont de toute façon déjà appréhendés. Et que le canidé pourrait aussi avoir senti quelque chose qui n'a aucun rapport.
Accroupi à ses côtés, Sam donne une grosse caresse à Sing Sing, avant de l'entraîner doucement par le collier, lui faisant comprendre qu'il n'a rien fait de mal mais que ce n'est pas le moment.
Alors qu'il retourne vers sa famille, les responsables de l'attaque commencent à être extraits des lieux de leur crime, puisque toutes les victimes ont enfin été évacuées. Les mercenaires sont tous groggy, aucun d'entre eux ne s'étant rendu lors du raid. Les officiers qui les escortent les font rentrer le plus vite possible dans des fourgons, afin d'éviter tout contact supplémentaire avec leurs otages.
Ellen, dans les bras de ses parents, regarde défiler les hommes en noir comme beaucoup d'autres élèves, avec un air sombre. Nelson, tout seul pour sa part, ses pères pas encore arrivés, serre les mâchoires en les observant être entassés dans les véhicules de transport. Il ne saurait même pas dire lequel d'entre eux était celui qui les a terrorisés en particulier, tant leurs tenues sont semblables, et ils semblent tous au bord de l'évanouissement à présent.
Repérant son ami isolé, Mae laisse Caesar aux bons soins de son père, et va glisser sa main dans la sienne. Il le mérite, il a été particulièrement courageux, aujourd'hui. Alors qu'il la remercie de son soutien avec un sourire, Sam se joint à eux, plaçant sa main sur l'épaule du jeune homme. Si l'adolescent est familier pour toute la famille, il entretient une relation toute privilégiée avec l'inspecteur, qui s'est porté volontaire pour surveiller son traqueur quelques mois après sa pose, voyant qu'il s'était définitivement lié d'amitié avec sa nièce. C'est sa responsabilité de s'assurer qu'il ne s'attire pas d'ennuis.
Peu à peu, la plupart des parents d'élèves qui sont déjà arrivés sur place commencent à vouloir ramener leurs enfants chez eux, ce à quoi les autorisent les uniformes postés aux barrières délimitant le périmètre de sécurité. Le chef du SWAT essaye en revanche de rassembler autour de lui tous les adultes qui étaient à l'intérieur du bâtiment, pour un premier débriefing. Le principal et son personnel non enseignant, y compris l'infirmier du lycée, Uglow, paraissent tous désorientés, comme s'ils découvraient seulement ce qui venait de se passer. Les professeurs sont moins chanceux, mais font un effort. Strauss, dont les personnes à appeler en cas d'urgence sont apparemment la femme blonde et le motard avec lesquels il a déjà été vu, se joint à l'attroupement, après avoir doucement repoussé l'autre homme alors qu'il semblait s'inquiéter pour sa coupure à la pommette.
L'enseignant a un regard pour Mae et Nelson, lorsqu'ils passent à côté du rassemblement, prenant le chemin du retour, eux. Les pères du garçon passeront le chercher chez les Quanto, tout simplement. Ne s'étant pas lâché la main, les deux adolescents emboîtent le pas à Alek et Markus, qui encadrent Caesar toujours mutique. Sam remercie son coéquipier d'être resté avec lui durant cette épreuve difficile, lui accordant une accolade amicale, puis se joint au convoi. Sing Sing, sur ses talons, dévisage d'un drôle d'air le regroupement des enseignants, sans doute simplement encore perturbé par ce qu'il a senti sur cet arbre près de l'entrée du lycée.
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