1x04 - Haut les mains (13/15) - Sang-froid
Dans la salle d'arts plastiques de Miss Clarke, déserte comme l'avait prédit Strauss, Nelson tient toujours Ellen contre lui. À peine entrés, tous les adolescents se sont empressés de trancher leurs liens, à l'aide de ciseaux trouvés dans un tiroir, et leur étreinte, comme d'autres, est devenue un peu plus confortable.
Si la situation des élèves de Première s'est légèrement améliorée, maintenant qu'ils sont libres de leurs mouvements et sans geôlier, elle reste cependant éprouvante. Tout le monde a faim, peur, et sommeil, fatigué par le stress ressenti depuis le matin. Et ils n'osent toujours pas parler, terrifiés qu'un autre mercenaire ne les trouve, ou pire, que leur tortionnaire initial ne se réveille et ne se mette à les chercher. Ils préfèrent ne même pas imaginer ce qu'il ferait alors.
Mae est assise en face de son professeur, à côté de la porte, puisqu'ils sont les derniers à être arrivés, après avoir attaché le soldat. Si les autres élèves sont recroquevillés sur eux-mêmes, éteints, à attendre que ça se passe, la petite blonde tapote pour sa part frénétiquement dans le vide avec son pied, et jette de fréquents coups d'œil nerveux vers la sortie, dont elle est la seule à ne pas s'être détournée. Le plus étrange est sans doute que la jeune fille n'avait pas cette attitude lorsqu'ils étaient effectivement en présence d'un fou dangereux. En la voyant également masser nerveusement son poignet gauche, à l'endroit où le plastique est entré dans sa peau, y laissant une rougeur caractéristique, Strauss tique.
— Comment va ta main, Maena ? il l'interroge, observateur.
— Ça va, elle répond distraitement, entrelaçant ses doigts pour arrêter son TOC momentané.
Il est la seule personne qu'elle laisse l'appeler par son prénom complet. Elle corrige toujours tout le monde pour qu'ils l'appellent juste Mae, y compris ses professeurs, mais pas lui. C'est peut-être quelque chose dans sa voix, ce même détail indescriptible qui la fait se détendre, ne serait-ce qu'un rien, en l'entendant maintenant.
— Qu'est-ce qui ne va pas ? enchaîne l'enseignant, plissant les yeux, faisant sans s'en rendre compte craqueler l'hémoglobine séchée sur sa pommette.
— Mon frère. Il est dans la même classe que celui qu'ils cherchent, explique la petite blonde, un pli d'inquiétude sur le front.
Elle a évidemment pensé à Caesar dès que toute cette histoire a commencé, même avant de savoir que les mercenaires recherchaient son meilleur ami. Jusqu'ici, l'adolescente ne pouvait cependant rien faire de plus pour son frère qu'elle ne pouvait faire pour elle-même. Sauf que, maintenant que sa classe n'est plus sous le joug de leur gardien, elle n'a plus l'impression que ce soit le cas, et elle ne peut pas s'empêcher de penser qu'elle devrait faire quelque chose pour lui venir en aide.
— S'ils l'avaient déjà trouvé, on l'aurait su, lui fait remarquer son professeur, appelant son regard noisette au sien, bien plus sombre.
— Est-ce que c'est supposé me rassurer ? elle lui demande, ne voyant pas trop où il veut en venir.
— Ils n'ont fait de mal à personne. Je pense que c'est parce qu'ils ne veulent pas prendre le risque de blesser celui qu'ils cherchent, raisonne Strauss, toujours aussi calme malgré les circonstances.
— Et après l'avoir identifié ? Qu'est-ce que vous croyez qu'il va se passer ? Mae a sa propre réflexion sur le sujet, moins optimiste.
Le mathématicien prend une lente inspiration, sentant où son élève veut en venir, et cherchant la meilleure façon de formuler une réponse rassurante.
— Ils n'auront plus aucune raison de s'intéresser à qui que ce soit d'autre. S'ils avaient l'intention d'éliminer les témoins, ils auraient commencé par se débarrasser des filles et des professeurs, il expose, pragmatique.
— Pas s'ils voulaient nous garder calmes, Mae se prend malgré elle à ce jeu de logique décalée.
— Ils n'auraient eu besoin de garder calmes que les classes de niveau correspondant, rebondit calmement l'enseignant.
Si effectivement les tyrans avaient voulu éliminer les témoins sans pour autant faire paniquer les otages dont ils avaient potentiellement besoin en vie, les classes d'élèves trop jeunes pour être leur cible auraient été les premières dont ils auraient disposées. Ce qui inclut notamment la leur.
Bien que comprenant son raisonnement, Mae ne peut pas s'empêcher de dévisager Strauss. Son impassibilité face à des considérations si glauques est déconcertante. Il a fait preuve d'une sérénité hors-norme tout au long de cette prise d'otages, en fait. Il n'a même pas pris la peine d'essuyer le sang qui a coulé sur son visage.
— Vous êtes sûr que vous n'avez jamais été dans l'armée ? l'interroge une nouvelle fois l'adolescente, la curiosité prenant momentanément le pas sur l'admiration.
— Oui, je suis sûr, il répond, soutenant son regard, l'ombre d'un sourire passant même sur ses lèvres.
Il y a sans doute une autre raison à sa placidité. Peut-être qu'il lui est déjà arrivé quelque chose de similaire. Ou peut-être qu'il est juste naturellement très mesuré. Ce n'est pas incohérent avec son comportement en cours. Mais il enseigne les Maths, après tout, qui ne sont pas une matière qui incite particulièrement à s'enflammer. D'une part, s'interroger sur le sujet distrait Mae de sa situation actuelle. D'autre part, se focaliser sur la maîtrise de soi de son professeur la rassure.
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