1x04 - Haut les mains (12/15) - Ruban jaune

Markus a reçu le message de son oncle juste alors qu'il s'apprêtait à entrer en cours pour l'après-midi. Il est resté figé près d'une minute devant la porte de l'amphithéâtre, et surtout devant les trois chiffres et le nom de son ancien établissement scolaire qui venaient de s'afficher sur sa tablette. Il n'a jamais été le destinataire d'un tel texte, mais se souvient clairement la dernière fois qu'il en a entendu parler, ailleurs qu'à la télévision. C'était il y a un peu plus de dix ans, mais tout naturellement la mort de sa mère reste gravée dans sa mémoire. Il visualise encore très bien son père, tenant son frère par la main tandis que lui avait la charge de sa petite sœur, rejoindre son oncle à la station de police, et l'interroger sur la raison de l'urgence. La suite, il préfère ne pas y penser.

Voyant le sang de son ami descendre dans ses baskets, Rob l'avait tiré de sa torpeur en lui posant une main sur l'épaule. Ignorant de quoi il s'agit exactement, l'étudiant était resté vague sur les raisons de son départ, suite à quoi son camarade l'avait assuré qu'il pouvait y aller, qu'il prendrait évidemment des notes pour deux, tout en demandant tout de même à être tenu au courant de ce qui s'était passé exactement.

Mark arrive donc dans le quartier de son ancien lycée, s'attendant au pire. Et l'attroupement des forces de l'ordre au coin de la rue, elle-même barrée par une banderole jaune, n'a rien pour le rassurer. Par chance, peu de gens sont coincés à la barrière de police pour le moment, et le jeune homme y repère donc vite son père.

— Papa ! il l'appelle en le rejoignant.

— Markus ! Tu es là, l'accueille son paternel, l'air tout aussi anxieux.

Alek vient en fait également d'arriver, et est tout autant dans le noir que son fils. Grâce à son caractère urgent, le message de Sam lui est parvenu, par l'intermédiaire d'Emily la secrétaire de l'accueil de la base, mais il ne contenait pas plus de détails que celui expédié à son premier né.

— Bien sûr. Je suis venu dès que j'ai reçu le message d'Oncle Sam. Est-ce que tu sais ce qui se passe ? interroge le futur médecin, tout en se détachant doucement de l'étreinte de son paternel.

— On ne devrait pas tarder à le savoir.

Apercevant son frère près d'une camionnette de la police, Alek essaye d'attirer son attention de la voix et du geste, secouant son bras en l'air.

— Sam ! Sam, il appelle.

L'interpellé tourne immédiatement la tête vers eux et les rejoint en vitesse, laissant son coéquipier derrière lui.

— Al' ! Laissez-le passer. Laissez-les passer tous les deux, Sam indique à l'officier chargé de maintenir le périmètre, écartant le pan de sa veste pour laisser voir son badge à sa ceinture.

— Qu'est-ce qui se passe, Tonton ? Markus réitère sa question une fois la limite franchie.

— C'est une prise d'otages. Le lycée est dans le noir, et toutes les communications sont brouillées à l'intérieur, mais autant qu'on peut en juger, tout le monde va bien, s'empresse de les rassurer l'oncle du mieux qu'il peut.

— Comment vous pouvez en être sûrs ? se permet d'insister Alek, pâle comme la mort.

— L'imagerie thermique indique qu'il y a un intrus par classe, armé, mais pas de blessé grave, élabore son frère.

— Qu'est-ce qu'ils veulent ? interroge alors Markus, essayant encore de faire sens d'une telle situation.

Il y a cinq ans, il était lui-même dans ces murs. Jamais il n'aurait imaginé qu'une telle chose puisse se produire. Chicago n'est pas exactement la ville la plus sûre du monde, loin s'en faut, mais il est question d'adolescents dans leur lycée, pas d'une ruelle sombre la nuit.

— Aucune idée. A priori, ils ne savent même pas qu'on est là, répond Sam.

— S'ils ne vous ont pas appelés, et que les communications sont coupées, comment est-ce que vous avez su ? raisonne Aleksander, incapable d'ignorer son esprit cartésien même en situation extrême.

C'est même peut-être l'inverse. Peut-être que considérer la situation comme un problème mathématiques à résoudre l'aide à ne pas céder à la panique.

— Un tuyau anonyme, lui apprend son cadet, avec un haussement d'épaules contrit.

L'anonymat de ce type d'informateur ne peut être levé que dans deux cas de figure : si le tuyau est erroné, ce qui n'est en l'occurrence de toute évidence pas le cas, ou s'il conduit à une embuscade des forces de l'ordre, ce qui semble pour le moment peu probable. Et encore, la recherche du fournisseur d'une information fausse dépend de la gravité de l'accusation.

À la révélation de son frère, Alek est pris d'un doute. Et si la personne ayant affiché les dates de naissance de Maena et Caesar sur son écran, au-dessus de cet étrange clip vidéo, était la même qui avait prévenu la police ? Et si elle ne l'avait pas du tout menacé mais au contraire avait essayé de l'avertir du danger ? Mais quel lien alors entre lui spécifiquement et cette situation ? Pourquoi serait-il le seul parent à avoir reçu un message ? Rien de ce qui est en train de se passer ne fait sens.

— C'est quoi, le plan ? Markus interroge son oncle, pendant que son père se perd dans ses pensées.

— L'équipe d'intervention est en train d'effectuer son repérage. Il y a trois étages d'occupés, et selon nos estimations une cinquantaine de suspects armés, donc ça devrait prendre encore un petit moment. Mais comme je l'ai dit, ils ne savent pas qu'on est là, ce qui fait qu'on a encore de la marge, explique l'inspecteur, désignant d'un geste vague les individus en tenue d'assaut, attroupés près des véhicules, tout autour de Patrick.

— Et vous, vous êtes combien ? l'étudiant relève le nombre impressionnant de criminels dans le bâtiment, et n'a pas l'impression de voir autant de gilets inscrits 'POLICE'.

— Je n'entre pas. J'ai de la famille à l'intérieur, et ils n'ont pas besoin de moi. Mais on a une bonne vingtaine de membres du SWAT sur le coup, et les gars sont éparpillés dans le bâtiment. Ça va bien se passer, Sam assure aussi bien son neveu que son frère.

Il place d'ailleurs sa main sur l'épaule d'Alek, le tirant de ses réflexions. L'aîné plonge alors ses yeux marron dans ceux bleus de son cadet. C'est rare que ça se passe comme ça. Usuellement, plus vieux d'onze années, c'est l'ingénieur qui conseille l'inspecteur. La dernière et seule fois que Sam s'est retrouvé en position de soutien était à la mort d'Angie. Et ni l'un ni l'autre des deux frères n'avaient pensé qu'une situation pareille se présenterait à nouveau.

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