1x04 - Haut les mains (1/15) - Espièglerie matinale

Elle se faufile à travers la maisonnée, comme une ombre, pieds nus, pendant que tout le monde dort encore profondément. Elle mesure le poser de ses pas, pointe d'abord puis talon ensuite, extérieur vers intérieur, féline, afin de ne pas faire le moindre bruit. La moquette de la chambre, qui étouffe naturellement les sons, n'est pas un problème. Quant au parquet du corridor, elle l'a apprivoisé, et sait exactement où marcher pour ne pas le faire grincer. Elle descend les escaliers tout aussi furtivement qu'elle a parcouru le couloir, et se glisse jusqu'à l'ouverture d'une pièce, comme un ninja dans la pénombre de l'aube. De ses yeux en amande, elle avise une silhouette allongée, assoupie, sans défense.

Jena reste un moment appuyée au cadre de la porte du salon des Quanto, à regarder son hôte dormir dans le canapé.

Alors que la jeune femme se mordille la lèvre inférieure d'un air coupable, Markus se réveille justement. Il grogne vaguement avant d'ouvrir un œil, puis l'autre. Dès qu'il remarque la jeune femme, sa présence dans l'encadrement créant une ombre même dans la faible lueur du levant, il sourit.

- Hey, elle le salue en premier, alors qu'il se frotte les yeux.

- Hey. Bien dormi ? il lui répond tout en se redressant.

Désormais assis, il pose ses mains sur ses épaules pour y faire jouer sa nuque, l'air fourbu alors qu'il vient seulement de se réveiller.

- Mieux que toi, je parie, elle lui renvoie, voulant parler de son étirement clairement inconfortable.

- Je n'en serais pas si sûr, à ta place, il se défend, quoique très mal, son index levé n'aidant contrairement à son intention pas du tout à soutenir son propos.

- Markus, c'est ridicule. Ça fait une semaine que tu dors dans un canapé. J'ai dormi dans bien pire que ça, tu n'as pas à me laisser ton lit ! elle craque enfin, n'y tenant plus de tourner autour du pot.

Lors de son arrivée, elle avait bien tenté de négocier, mais rien n'y avait fait, il l'avait pratiquement enfermée dans sa chambre à clé, lui imposant son lit tandis qu'il occuperait le sofa du salon. En guise d'alternative, Mae avait pourtant proposé d'accueillir la jeune femme, afin d'accommoder tout le monde au mieux, mais elle n'était pas non plus parvenue à faire entendre raison à son frère aîné, buté dans sa galanterie proche d'arriérée.

- C'est rien, je t'assure. Et puis, tu n'as pas un entretien, aujourd'hui ? il essaye de changer de sujet, avec une absence de finesse notable.

- Si. Et c'est tant mieux, que je puisse enfin vous libérer, Jena ne se laisse pas avoir, mains sur les hanches, à présent.

En tant qu'Alternative, son obtention d'un logement est en effet entièrement dépendante de son statut professionnel. Il existerait une chose appelée l'équilibre du marché — concept qui échappe totalement au jeune homme — qui impose d'avoir un revenu stable afin de pouvoir conserver un accès une adresse. Et apparemment, si de nombreux magasins Citoyens acceptent le paiement que proposent leurs clients Alternatifs malgré l'absence de valeur que la monnaie a pour le propriétaire, il est à l'inverse assez difficile de trouver un emploi rémunéré. D'où la galère initiale de la jeune femme, d'ailleurs.

- Il n'y a pas de libération qui tienne, Markus l'assure une énième fois.

Sur ce, il se lève et s'étire à nouveau. Il ne ment pas. Cela fait effectivement une semaine jour pour jour que Jena a élu domicile avec les Quanto, mais en dehors du détail des couchages, leur routine a effectivement été plus améliorée que perturbée par la présence de la jeune femme. Elle a tenu à prendre sur elle la plupart des tâches ménagères, par reconnaissance, et comme l'avait prévu l'étudiant en lui proposant de l'héberger, sa petite sœur a vraiment apprécié d'avoir une fille à la maison. Il ne saurait dire exactement de quoi elles parlent entre elles, mais elles parlent beaucoup, ça c'est sûr.

- En tous cas, c'est décidé, ce soir tu dors dans ton lit, la jolie brune déclare soudain, refusant cette négociation stérile.

- Je ne vais pas te mettre sur le canapé ! proteste immédiatement Markus.

- Je n'ai pas dit que c'était ce que j'allais faire, elle coupe court à ses objections.

- Mais…?

Il reste un moment interdit, assimilant doucement ce qu'elle veut dire par là. Ses lèvres forment un O silencieux et il hoche la tête, tétanisé par l'idée. Elle vient alors poser sa main sur son épaule.

- Mark. On est pratiquement des adultes. Je pense qu'on peut dormir côte à côte sans qu'il y ait de malentendu, elle propose posément.

- Er… il reste paralysé.

Elle sourit encore un peu plus largement à son adorable embarras, avant de reprendre :

- Okay. On va faire comme quand je suis venue ici, alors : ce n'est pas toi qui demandes, c'est moi qui propose. Ça te va mieux ?

Il finit par arriver à acquiescer, toujours incapable de parole. Ayant obtenu gain de cause, Jena considère la conversation close, et se dirige vers la cuisine pour préparer la table du petit déjeuner pour tout le monde, comme elle l'a fait ces sept derniers jours.

Curieusement, elle est toujours levée avant tout le monde. Elle ne parle jamais spontanément de la vie qu'elle a menée entre son départ de Chicago et son retour, et lorsqu'elle est interrogée sur le sujet elle a tendance à rester vague. Par conséquent, personne n'ose insister, se disant que fuguer mène souvent à des évènements peu réjouissants. Mais tout le monde se demande quand même comment elle est restée si équilibrée, tant au niveau social que physique. Non pas que toute la famille n'en soit pas contente pour elle, évidemment.

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