1x03 - L'air de rien (4/16) - Sérendipité
Markus avance lentement sur le trottoir sans vraiment regarder où il va, occupé à pianoter sur un carnet électronique. Il est visiblement en pleine discussion, d'après les pauses presque régulières qu'il effectue dans son geste, conclues par des réactions faciales variables.
L'échange a priori terminé, il sépare l'outil de son RFSD et le range dans son sac en secouant la tête, puis lève les yeux, afin d'examiner le tableau d'affichage des horaires du bus à l'arrêt duquel il vient d'arriver. Une fois l'information recherchée enregistrée dans sa mémoire, il accorde un coup d'œil circulaire aux personnes qui attendant déjà là, machinalement. Il croit cependant halluciner lorsqu'il reconnaît l'une d'entre elles.
— Jena ?! il s'étonne, non sans une grosse impression de déjà-vu.
— Markus !? Est-ce que tu me suis ? est tout aussi surprise l'interpellée.
La jolie brune aux yeux verts est effectivement debout à cet arrêt, un sac de voyage à ses pieds. Abaissant la capuche de sa veste qu'elle avait rabattue sur sa tête, et retirant ses écouteurs de ses oreilles, elle dévisage l'étudiant avec une certaine méfiance alors qu'il s'approche.
— Non ! Non, promis. J'espérais un peu retomber sur toi, mais c'est une pure coïncidence, juré, il se défend précipitamment, levant les mains en signe d'innocence.
— Quelles sont les chances, dans une ville aussi grande ? continue la jeune femme dans sa lignée suspicieuse, quoique d'un ton un peu moins agressif que précédemment.
— Je sais ! Er… Est-ce que tu vas à la fac ? il acquiesce puis propose comme explication, plaisantant à moitié seulement.
— Huh ? Jena ne saisit malheureusement pas la touche d'humour.
— Je suis en médecine. Deuxième année. Si tu suivais aussi des cours à la fac ça expliquerait qu'on se croise, il explique, sa remarque initiale perdant ainsi le peu de comique qu'elle contenait.
— Non. Fuguer à 16 ans a rarement conduit qui que ce soit à faire des études supérieures, lui rétorque la jeune femme, particulièrement cynique.
— Tout va bien ? s'enquiert alors Markus.
Il n'y a pas seulement du fait que sa blague n'était pas suffisamment mauvaise pour un répartie aussi dure ; son ancienne camarade de classe semble tendue, inquiète, voire en manque de sommeil. Elle passe la main dans ses cheveux de manière excessive, et regarde discrètement autour d'elle comme si elle avait peur d'être poursuivie. La corde empathique sensible, ses détails n'ont pas échappé au jeune homme.
— Ça peut aller, répond cependant Jena, bien qu'avec un sourire à moitié convaincant seulement.
— Tu repars déjà ? lui demande l'étudiant, changeant d'approche.
— Quoi ? elle ne voit pas d'où vient sa question.
— Le sac. Très révélateur, il explique, désignant son bagage d'un geste vague, tout en rajustant le sien à sa propre épaule.
— Non, je ne pars pas, j'emménage. En ville, je veux dire, elle explique.
— Oh. Tu as trouvé où ? il s'enthousiasme, pensant que ce serait plutôt une bonne nouvelle pour elle.
— Je n'ai pas encore trouvé, à vrai dire, elle confesse.
Voilà qui explique son manque d'entrain à la perspective. D'ordinaire, on déménage après avoir trouvé un nouvel endroit. Non pas qu'il soit difficile, dans la conjecture actuelle, de trouver un logement, mais tout de même.
— Ça semble… téméraire, Mark s'efforce de trouver le positif dans une telle démarche.
— Et toi, tu es bien généreux. Je me suis faite jeter par mes parents, donc je n'ai pas trop le choix, elle élabore sa situation, amère.
— Quoi ?! il n'en croit pas ses oreilles.
— Ironique, pas vrai ? Je refuse de vivre avec eux pendant sept ans, et quand je reviens, ils me mettent à la porte dans les deux semaines, la jeune femme raconte avec un sourire forcé.
— Donc… en fait ça va pas du tout, il conclut, l'air compatissant, ne se laissant pas rebuter par l'attitude agressive de la jeune femme.
— Tu n'as pas envie d'écouter mes malheurs, elle lui conseille, se détournant, pour voir si son bus arrive.
— Je suis littéralement à cet arrêt parce que mon seul amphi de la journée a été annulé. J'ai du temps devant moi, il lui annonce, invalidant ce qu'elle vient de lui dire.
Elle se retourne brusquement vers lui, et le regarde avec la bouche entrouverte. Elle ne s'attendait visiblement pas à une telle bonne volonté. Elle a même l'air de se demander s'il ne se moque pas d'elle. Mais il soutient sans broncher son regard profond du sien plus clair, signe presque indéniable d'honnêteté, alors elle n'arrive pas à rester sur ce ressenti de méfiance. Une part d'elle s'en veut de n'avoir jamais vraiment interagi avec lui au lycée, et d'ainsi ignorer s'il était déjà comme ça à l'époque ou bien a évolué ces dernières années. Le reste de sa personne est plus curieuse de savoir comment il est devenu si altruiste plutôt qu'à quel moment de son existence.
Il n'a pas menti. Il a trouvé l'amphithéâtre fermé et une annonce sur un panneau d'affichage selon laquelle le professeur supposé leur faire cours aujourd'hui allait devoir reporter sa leçon, pour raisons personnelles. Et Robert n'avait même pas eu le temps d'arriver lorsqu'il lui a fait passer le message, lors de la conversation électronique qu'il tenait avec lui juste avant d'arriver à l'arrêt de bus. En les circonstances, pour une fois, les deux jeunes hommes avaient ainsi décidé de prendre la journée chacun de leur côté. Par une heureuse coïncidence, Markus était donc effectivement libre comme l'air pour les quelques heures à venir.
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